Clément & Taylor

Ce matin là, c'était comme-ci tout c'était ligué contre moi. Je m'étais réveillée de bonne heure le matin pour pouvoir mettre toutes mes valises dans la voiture et pouvoir me préparer sans être pressée par le temps. Mais malgré tout mes efforts pour ne pas être stressée par mon départ, je n'avais réussie qu'à enchaîner les catastrophes. En une matinée, j'avais réussie à glisser dans les escaliers en me levant, à renverser mon jus d'orange sur mon t-shirt, et à coincer un de mes sous vêtements dans la fermeture éclaire de ma valise en voulant y ajouter ma brosse à dents. Élément indispensable il faut l'avouer. Heureusement pour moi j'étais arrivée saine et sauve jusqu'à Rédemption. Mary et David m'avaient laissée me débrouiller seule pour que je puisse prendre mes marques. Nos au revoirs avaient étés simples et silencieux. Je n'aimais pas ça, les *au revoirs*. De longues embrassades qui ne faisaient qu'accroître le mal de la séparation... C'était pas pour moi... Mais ils savaient que je les appréciaient quand même. Peux être pas comme ils l'auraient souhaités, mais je les appréciaient.

Ma matinée avait été assez bien remplie, j'avais visitée le lycée, les dortoirs. Je m'y étais installée de façon à me sentir bien, et j'étais ensuite partie visiter les parties inconnues de l'institut. En réalité, c'était surtout les toilettes que j'essayais de retrouver... Vous allez me dire, c'est une chose aussi essentielle que la brosse à dent. Mais malgré tout mes efforts, je ne parvenais pas à me sentir comme chez moi. Pourtant je savais ce que c'était de souvent changer de maison... Mais c'était la première fois que j'étais dans un institut spécialisé pour mon cas et je me demandais quels étaient les pouvoirs des autres membres. L'idée de rencontrer des personnes qui me *ressemblaient* ne faisaient qu'accroître mon excitation. Mais dans les couloirs il n'y avait presque personne... Je décidais alors d'aller faire un tour dehors. Au loin, une horloge sonna les coups de midi et des oiseaux s'envolèrent de leurs perchoirs, alertés par les vibrations des cloches résonnants dans leur cage de fer. Mais quelque chose attira alors mon regard... Un étrange oiseau s'approcha de Rédemption avant de finir sa trajectoire un peu plus loin.
Sans attendre, je m'élança dans vers lui, sans vraiment savoir où j'allais et c'est là que j'atterris près d'une sorte de parc désert. Tout était triste ici, il n'y avait que très peu d'arbres et pas plus de bancs. Quand à la fontaine, même si elle fonctionnait, on avait l'impression qu'elle ne faisait qu'accomplir un mouvement répétitif et morne tout au long de la journée. De plus, le ciel était nuageux et une drôle d'atmosphère régnait. Je vis alors l'oiseau, perché sur un banc vide. Je n'en crut tout d'abord pas mes yeux... C'était... Mais oui c'était le corbeau que j'avais ramené à la vie. Sans doute ma seule création, si je puis dire, qui est survécue autant de temps... Mais ce n'était pas seulement sa durée de *vie* qui me fascinait le plus chez lui... C'était la façon avec laquelle il me regardait... Comme si il avait une petite pointe d'*humanité* au fond de lui... Je mis alors mes mains sur mes hanches et je m'exclamai alors:

-Hey! Qu'est ce que tu fais là toi?

Quand j'entendis une réponse derrière moi, je fut tétanisée sur place. *La honte*. La première personne que je rencontrais dans l'institut, mis à part le membre du personnel, me surprenait en train de parler à un corbeau... Je m'en mordis les lèvres tellement je me sentais nulle. Je n'osais même pas me retourner. Il me prenais peux être pour une folle... Quoi qu'il en soit, je n'allais pas rester dans cette position pendant des heures. Et puis... peux être n'était-il pas si méchant. Je me retourna alors en prenant de l'inspiration et en m'apprêtant à dire *désolé* quand je me rendit compte qu'il était en train de s'éloigner vers le bâtiment principal de Rédemption. Je soupirais avant de me passer la main dans mes cheveux et de m'asseoir lacement par terre en le regardant partir. *Dommage...*
J'étais là par terre comme une sans ami, ce qui d'accord était le cas mais bon... A ce moment là mon corbeau s'envola et me frôla les cheveux avant de se poser devant le jeune homme. Voulait il l'empêcher de s'en aller? Je me demandais si il fallait le prendre pour une sorte de signe. Le corbeau battait des ailes et regardait l'inconnu avec méchanceté. Sans attendre je me redressa et me dirigea vers lui en courant. Je ne savais pas de quoi était capable le volatile et je n'avais pas envie qu'il en vienne à l'attaquer. Ca ne m'empêchais bien sur pas d'être amusée par son comportement. C'était comme ci il savait qu'au fond de moi je n'avais pas envie qu'il s'en aille. Peux être parvenait il à ressentir certains de mes sentiments, et certaines de mes envies. Était ce dut à la partie de moi qui avait disparue en même temps que son enveloppe charnelle était apparut? Je n'en savais strictement rien, mais cela m'intriguait.
Quand j'arrivais enfin à la hauteur du jeune homme, je fit de grands gestes derrière lui pour faire fuir le corbeau qui ne discuta pas et s'envola jusque dans l'arbre. Essoufflée je me plaça à coté de l'inconnu afin de voir son visage. Je lui sourit timidement et entre deux reprises de souffle je lui déclara:

«Excuse moi pour tout à l'heure...»

Je baissa alors les yeux et je continua en me tordant les doigts nerveusement:

«T'as dut me prendre pour une folle...»

Je redressa la tête et le détailla discrètement. Il était assez grand et la couleur bleu-gris de ses yeux était accentuée par son écharpe bleue acier. *Pas mal il faut l'avouer* Je ne put m'empêcher de lui sourire bêtement comme une enfant. Peux être à cause de son charme ou tout simplement à cause de ma stupidité allez savoir.

A vrai dire le voir sourire me rassurais un peu. Au moins il n'avait pas une tête horrifié en me voyant, c'était déjà ça... Malgré son effort pour faire de l'humour, l'adolescent face à moi me semblait un peu mal à l'aise. Je le voyais rougir, et j'avais l'impression qu'il ne savait pas quoi dire, ce qui me fit rire intérieurement. A vrai dire, je me sentais aussi bête que lui, parc que je en savais pas vraiment quoi dire. Heureusement il finit par prendre la parole et par se présenter avant de me tendre la main. Mon sourire s'élargit alors. Je m'exclamais alors:

« Moi c'est Taylor, je suis en première aussi! Et à vrai dire je viens de poser mes bagages dans l'établissement ce matin.»

J'attrapais doucement sa main pour le saluer quand une drôle de sensation se fit sentir dans mon corps. Une sensation étrange qui me parcourut de frissons et qui s'estompa une fois sa main lâchée. Mon sourire s'effaça alors et me mit à observer ma main en quête d'une explication. Était-ce dut à son pouvoir? J'hésitais un instant mais je finit par lui demander avec un sourire moins éclatant qu'avant mais reflétant tout de même ma bonne humeur du moment:

«Quelle est ta particularité? Moi je vois les âmes perdues. »

D'accord la question n'était pas posée très subtilement, mais au moins c'était clair. Je le regardais tranquillement quand je remarqua alors la présence d'un petit garçon. Je n'en crus pas mes yeux... L'enfant était collé contre Clément, bien caché derrière l'adolescent qui malheureusement pour lui ne pouvait le savoir. C'était donc lui la sensation dans mon corps? Il voulait protéger Clément de moi, et ma particularité me permettait de mieux ressentir ses tentatives d'éloignement. Je le regardais, sans vraiment savoir quoi faire, quoi dire... Après tout, il n'y avais rien à dire... J'allais tout de même pas lui déclarer: *Au fait, t'es au courant que y'a un petit garçon qui te suis partout?*... Je préférais me taire et penser à autre chose... Malgré tout, j'aurais bien aimée connaître les raisons qui poussaient l'enfant à rester près de lui... Un évènement douloureux sans doute... Sans m'en rendre compte je baissa les yeux au sol pensive.

Clément m'entraîna vers le banc avant même que j'ai eu le temps de répondre à sa question. En même temps ... Que répondre à ça ? Je me laissais faire et m'asseyais docilement sur le métal froid du banc avant d'arborer un petit sourire rassurant et de passer ma main libre dans mes cheveux, pour les attirer en arrière. Je fixais alors la fontaine d'eau, si l'on puis dire... Elle ne marchait apparemment plus et accentuait le coté glauque du lieu... Je ne pus réprimer un soupire, hypnotisée par le marbre blanc de la fontaine. Sans même poser le regard sur l'adolescent, je lui répondit amicalement:

« Je te remercie je vais bien. »

Sur ces mots, j'arborais un petit sourire et je soupirais. Le petit garçon me regardait toujours avec ses petits yeux, il me fixait et ne détournais pas le regard. C'était à peine si il clignait des yeux. A en faire froid dans le dos ... Mais je n'osais pas aborder le sujet avec lui, de peur que cela ressasse de mauvais souvenirs du passé. Et puis, il est bon d'ignorer certaines choses. Mon regard se détourna quand je compris que j'étais moi même en train de fixer l'âme perdue collée à lui et donc un point dans le vide. Je tournais la tête et observais pensivement autour de moi, remarquant alors la disparition de mon corbeau. La branche sur laquelle il c'était posée précédemment était vide et il n'y avait plus aucune trace du volatile... Je dois avouer que ça me faisait un peu de peine qu'il est disparut ainsi. Cela faisait si longtemps que je ne l'avais pas vu, et le revoir ici me rassurait même si il était en quelque sorte, la cause de mon retournement de vie, de la fin de ma relation avec Ty. Mais ce n'était pas le moment de se ressasser tous ses souvenirs. Je replongeais mon regard dans le sien avec toujours ce petit sourire, dans le but de le rassuré, et je lui déclarais comme pour changer de sujet, penchant la tête avec une moue attachante.

« Ce dois être pratique de pratiquer de la pyrokinésie ! »

J'avais apparemment touché un point sensible et je ne put m'empêcher de baisser les yeux en me rendant compte de ma bêtise. Je ne savais pas pourquoi il fallait sans cesse que je sorte une stupidité, une phrase de trop qui avait le don de mettre les autres mal à l'aise. Peux être n'étais je pas faite pour parler aux autres... Ayant peur de dire un mot de travers, je préférais me taire et observer le peu de graviers qui jonchaient sur le sol pour former un petit chemin en direction du grand bâtiment sombre. Ces grand murs qui allaient à présent faire partie de mon quotidien , tous ces élèves qui seront à présent mes nouveaux compagnons, mes ennemis, mes amis ... Perdue dans mes pensées, je ne voyais même plus ce qui se passait autour de moi, le regard plongé dans la contemplation de Rédemption, détaillant chaque fenêtre, chaque silhouette qui traversait les couloirs plongés dans l'obscurité. C'est alors que la voix du jeune homme brisa mon moment d'égarement et me ramena à cette vérité encore flou qu'était la vie. Comment lui expliquer mon don ? ... Un peu compliqué pour tout dire ... Je n'avais pas non plus très envie de lui faire le résumé de mon passé qui m'amenait à éviter le plus possible les âmes perdues humaines dans le seul but de me protéger. C'était sans doute égoïste de ma part, mais j'avais sans cesse cette boule au ventre qui m'incitait à ignorer ce qui m'entourait et que j'étais seule à voir ...


Comme tous ceux qui n'ont jamais partagés mon don et qui m'ont alors considérée comme folle. Peu m'importait, car il était là, lui, et qu'il resterait auprès de moi quoi qu'il arrive, faisant abstraction de ses rumeurs et me promettant un futur inconcevable ...
Et même si ici était sans doute le seul lieu où jamais plus je ne serais considérée comme un monstre, j'avais cette impression que les voix de mon passé me suivaient et que leurs yeux à la fois terrorisés et moqueurs m'épiaient sans relâche, attendant une faiblesse de ma part pour m'emporter dans les abîmes du désespoir.

« Je ne leur parle pas non ... Je les vois simplement et je préfère en faire abstraction. C'est plus simple. »

J'arborais alors cet éternel sourire figé, résonnant comme faux dans ma tête, et pourtant me faisant ressentir ce léger apaisement. Ce sourire qui, telle une fissure dans le marbre, brisait mon visage d'une douleur, d'une trace indélébile qui jamais ne s'effacerait et que je ne pourrais que masquer jusqu'à la fin de mes jours ...

Un battement d'ailes attira mon attention et sans attendre je me tournais pour tenter d'identifier la nature du bruit. Mais comme je devais m'y attendre, je ne remarquais rien ... Par réflexe je regardais rapidement l'heure sur mon portable, bien dissimulé dans une de mes poches et je me rendis compte que j'étais en retard pour aller chercher mon emploie du temps et toutes les informations concernant ma classe. Sans attendre je me redressais d'un bond et m'exclamais :

« Mince ... Je devrais être aller chercher mon emploie du temps depuis 5 minutes ... »

Décidément j'étais incapable de faire quelque chose correctement, même la plus simple. Bien sur je me sentais mal de le laisser ainsi, seul dans le parc, mais je ressentais un certain soulagement à ne pas devoir aller au bout de mes pensées et de ses questions ... Peux être avais je tout simplement peur de sa réaction ... Je n'avais ni envie d'être à plaindre, ni envie d'être à nouveau considérée comme un monstre... Je m'approchais de lui avec une petite mine désolé mais attachante :

« Pardonnes moi ... Mais je dois vraiment y aller ... »

C'est alors, que, sans attendre une réaction de sa part, je lui fit un petit mouvement de main pour le saluer et je me dirigeais vers le centre d'un pas plus que rapide... J'avais une boule au ventre à l'imaginer seul avec ce fantôme qui le suivait ... Mais il y'a des vérités qui ne vaux mieux pas révéler ... Même mon corbeau avait disparut ... Cela m'avait fait étrange de l'avoir revu ici ... Il me rappelait tellement de souvenirs ... Qui même si ils n'étaient pas les meilleurs, me rassurait ... C'étaient tant de pensées qui occupaient mon esprit pendant que je me dirigeais dans les grands couloirs de Rédemption. Ces couloirs interminables qui semblaient ne jamais finir ...

Ma cadence était si pressée que je ne remarquais pas la porte à ma droite s'ouvrir et que très vite, je me retrouvais à terre ... des couleurs vives occupants mon esprit pendant que je passais ma main sur mon front ... *Chouette ... Il ne manquais plus que ça...* Pour la bonne impression dés le premier jour... C'était raté ... Mais même si je me maudissais déjà de perdre du temps, je fut très vite prise d'un hoquet de surprise en analysant l'identité de l'inconnu que je venais de percuter... Un ... Clown ? Je me mis à bégayer pendant qu'il me tendais la main en silence pour m'aider à me relever. J'acceptais celle ci un peu hésitante et le remercia sans qu'il ne dise un mot, un gigantesque sourire rouge aux lèvres, sa perruque orange tombant sur le coté ... Je m'apprêtais à lui dire, mais déjà il sautillait en direction de la sortie sans m'adresser un regard. Sous le choc, je passais ma main dans mes cheveux blonds et continuais ma route, gardant un oeil sur l'étrange personnage coloré avant que celui ci ne disparaisse par la grande porte d'entrée ...