[HRP : désolée si ça ne veut un peu rien dire, ça fait longtemps que je n'ai pas rp...]

La fin de la journée. Ces quelques heures, bien avant de se coucher mais juste après la fin des devoirs, que tous les pensionnaires passent entre amis. Ces quelques heures délicieuses, où l’on oublie que l’on a des obligations pour redevenir des adolescents. Ces quelques heures de loisir. Je détestai ces quelques heures. Pas parce que je n’avais plus rien à lire, ni parce que je n’avais jamais assez de devoirs pour m’occuper jusqu’à leur fin, ni parce que je n’avais pas droit à un simple ipod pour écouter s’écouler le temps. Mais parce que je n’avais plus personne avec qui les partager. Oh, non, je n’aimais pas les contacts humains. Mais force m’était de m’avouer que, de temps en temps, quand j’en avais trop sur le cœur, un carnet ne suffisait plus. Que, parfois, ne serait-ce qu’à demi-mots, parler faisait du bien. Ou même juste le fait de sentir que quelqu’un d’aussi silencieux que vous se tient à quelques centimètres de vous, respectant votre silence, comme vous respectez le sien. Non. Pas se tient. Se tenait. Parce que maintenant, Matt n’est plus là pour remplir ce rôle. Alors il ne me reste que mon carnet.

Quand mes yeux refusent même de pleurer
Par peur de déclencher bien trop d’émotions
Quand me taire n’est pas la bonne solution
Mais que l’effroi m’empêche de parler

Ne restent plus que ma gorge toujours nouée
Mes paroles murmurées la nuit au silence
Mes pensées qui tournent en rond en permanence
Et tous ces mots que je garde pour moi, ravalés.

Sauf que parfois, même écrire ne fonctionne pas. C’était le cas, ce soir-là. Alors je me levai brusquement de mon lit sur lequel j’étais allongée, et, sans même songer à me rhabiller, je sortis de la chambre vide. Je m’étais douchée après les cours, dans l’espoir que cela me détendrait que je parviendrai à dormir un peu, vu que la nuit m’était inaccessible, mais ça avait été une cause perdue. Du coup, j’avais toujours mon pull deux fois trop large avec un snoopy dessus, et mon jeans, que j’avais passé puisque mon training était introuvable. Des chaussettes dépareillées et des converses mal lacées. Elle était belle, l’apparence de la jeunesse !

Je marchai sans but précis pendant un moment, bifurquant à chaque fois que j’entendais des voix se rapprocher. Mais je finis par en avoir marre de tourner en rond sans but. Je me laissais glisser à terre contre un mur et réfléchis. Sauf que je ne savais pas où aller. Avant, je serai sans doute montée à la véranda. Avant. Puis je me souvins de cette salle. La salle d’informatique. Je n’y avais jamais mis les pieds. Je ne supportais pas d’avoir à taper sur les touches d’un clavier alors qu’il me suffisait de poser les mains à plat sur un appareil, même éteint, pour y avoir un accès total. Je ne voyais pas l’intérêt de surfer, ni celui de chatter, alors je n’y allais pas. Du moins, c’étaient les raisons que mon cœur obligeait ma raison à admettre.

Mais ce soir-là, je décidai d’aller voir. J’en poussai la porte, et la salle était encore vide. Je caressai les machines du regard. Je n’en avais jamais vu de pareilles, sans doute étaient-elles adaptées à l’usage que les pensionnaires devaient en faire. Je finis par m’asseoir sur une chaise, les talons posés sur le bord et le menton sur les genoux. Je gardai mes mains contre moi, mais petit à petit, les rapprochai du clavier. Je finis par poser les mains dessus, par simple curiosité. Je reculai immédiatement, comme brûlée vive. Je me laissais glisser de la chaise à par terre, et là, appuyée contre le mur, j’enfouis mon visage dans mes mains.

Ça fonctionnait encore. Mais j’avais juste oublié le prix qu’il y avait à payer. La machine était éteinte lorsque je l’avais approchée. Et n’ayant pas dormi depuis un moment, je n’avais pas l’énergie nécessaire pour l’allumer, parce que ces ordinateurs, comme je le soupçonnais, n’étaient pas normaux. Le contact avait été bref, mais suffisant pour me vider. Entièrement. Je laissais des larmes brûlantes dévaler mes joues en silence, tentant de subjuguer la douleur qui émanait à présent de ma nuque. Cela expliquait sûrement le fait que je n’entendis pas la porte s’ouvrir, ni quelqu’un se mettre à marteler les touches d’un clavier, en s’interrompant de temps à autre pour oser un ou deux clics. Et le fait que je sois assise par terre, dans un coin, cachée par une chaise, expliquait surement pourquoi la personne qui était entrée ne m’avait pas remarquée.

Sauf que quand elle se mit à hurler, je sursautai. Je plissai les yeux, pour retenir la douleur et tentais de comprendre le sens de ses mots. Je compris en voyant l’eau qui gouttait gentiment du bord de la table, devant le poste auquel la jeune fille s’était installée. De l’eau. Je pris conscience que j’avais terriblement soif. De toute façon, je ne pouvais pas rester là, il fallait que je montre ma présence. Je me levai lentement, une main glacée à plat sur mon front, tandis que j’essuyai rapidement mes larmes avec la manche de l’autre. Je me rendis compte du ridicule de la situation. Une jeune fille en pleurs face à une autre, plus âgée, verte de rage. Il fallait que je dise quelque chose. Sauf que, étant moi, je ne savais jamais quoi dire. Je me contentai d’un salut, d’une voix grave et enrouée par ma gorge trop sèche, puis toussai un peu.