Grand départ, et rencontres ~ [LIBRE]

E

* Qu'elle chance d'avoir pu trouver une cabine vide... *

* Est-ce que tout les pensionnaires en destination du centre passent par Londres, et donc par ce train-ci ? *

« Qu'est-ce que... »

« Bonjoooour. Je peux m'installer ici ? »

Sacha et la discrétion... Cela faisait deux, voire plus. Il ne regarda pas de suite la personne présente, mais il vit dans son champ de vision celle-ci sursauter. Sans attendre sa réponse, il entra avec fracas dans la cabine, peinant pour faire entrer sa valise.

« Je ne vous ai pas réveillé ou quoi que ce soit au moins ? » demanda-t-il un peu plus calmement.

Vu que la personne ne répondit pas, il se tourna vers celle-ci, et découvrit avec surprise une jeune fille, dont le visage lui était familier. Il attarda son regard sur elle un instant, arrêtant un instant sa bataille avec ses affaires. En fronçant ses sourcils dans une grimace assez disgracieuse, et penchant la tête sur le côté tel un petit chat,il fouilla dans son petit esprit pourquoi cette jeune fille aux yeux bleu-nuit lui disait tant quelque chose. Elle n'était certainement pas de son lycée... Soudain, il eut un flash. Son visage s'illumina d'un sourire, et il pointa de sa main droite la demoiselle, tout en posant son index gauche sur son propre nez.

« Toi ! Tu es la fille d'hier c'est ça ? »

Ah oui, il en était sûr maintenant ! Elle, elle était la fille qu'il avait aidée, hier, dans la rue. La fille pour laquelle il avait vu atterrir, sur son joli petit nez, le poing d'un inconnu. Il rigola à cette pensée, tout en installant ses affaires dans l'espace fait pour au dessus des fauteuils. Ça alors. Si c'était pas un hasard !

E

Elle hocha vaguement la tête à sa question tandis que sa main était toujours en train de raturer Rédemption avec beaucoup d'insistance. Elle reporta son attention sur celle-ci et prit tout son courage pour la détacher de la feuille. Puis, la brune tourna les pages rapidement, pour arriver enfin au portrait qui l'intéressait. Le portrait du garçon. Si elle se souvenait bien de ce qui traînait au pied de son lit lorsqu'elle s'était réveillée, elle avait du le faire au fusain. Ce qui la choqua d'autant plus, ce fut que ce même dessin, non-laqué à priori, n'avait pas bavé sur la feuille précédente, et ne s'était pas détérioré non plus.

Cette pensée lui arracha un haut-le-cœur. Elle sentait les signes l'attaquer dans toutes les directions, autant passées, que présentes, et même futures... D'un air suspicieux, elle fronça les sourcils pour détailler le jeune homme qui peinait à s'installer dans la même cabine qu'elle. Et d'un geste un peu hésitant, elle releva le carnet à croquis puis se racla la gorge avec timidité.

« Tu t'appelles Sacha ? »

En effet, elle savait, pour la seule, simple mais néanmoins terrifiante raison que le prénom était écrit, à côté de son visage. Elle n'attendit ni une réaction, ni une réponse pour baisser les yeux, sa gêne reprenant le dessus avec une vitesse folle. Elle savait pertinemment que ça allait paraître étrange qu'elle le sache, parce qu'il ne lui avait pas dit la veille. Mais bon. Tant pis, ce qui était dit était dit. Comme à l'habitude, elle se donna un coup de paume sur le côté du crâne, les yeux fermés.

Le silence tomba, elle tremblait presque, terrorisée par la future réaction du garçon, pourquoi n'avait elle pas réfléchit une seconde avant de balancer son prénom comme ça ? Avant d'ouvrir une brèche dans la possibilité qu'elle était réellement un monstre ?

* Non ! *

Elle n'était pas un monstre, elle était juste un peu étrange, c'était cela. Elle soupira profondément dans l'espoir que les battements de son cœur daignent se calmer, ce qu'il ne semblait pas vraiment avoir envie de faire. Elle le sentait battre dans ses tempes, apportant avec lui une des abominables migraines auxquelles elle avait finalement prit l'habitude.

Le train démarra. Les yeux toujours fermés, elle n'entendit ni ne remarqua pas que le garçon s'était assis, toujours silencieux. Peu lui importait la réalité, il lui semblait qu'elle allait bientôt s'en détacher, elle avait déjà parfois des « flashs », mais rien de bien concret. De toutes façons, rien n'était concret ou rationnel, et c'était de cela dont elle avait peur : de ne pas pouvoir s'expliquer se qu'il se passait dans sa petite tête...

Il observa un instant, en silence, la jeune fille, puis le dessin qu'elle lui montrait. Dessin qui était en fait une esquisse de son portrait à lui. Son prénom était même inscrit juste en dessous. Tiens... Il ne se souvenait pas lui avoir dit son prénom hier...? Quoi que... Sacha avait tendance à beaucoup parler, tellement qu'il ne se souvenait que très rarement de ce qu'il avait dit, ou non. Bah, il avait dut lui dire. Il allait lui répondre avec sourire, lorsqu'il remarqua qu'elle tremblait, crispée, et les yeux fermés. Ah bah, qu'est-ce qui mettait donc cette fille dans cet état. Son sourire se mua en moue inquiète, et il attrapa la main de sa voisine, dont la froideur de la peau lui arracha un frisson, et la tapota doucement.

« Hééé... Tu vas bien ? T'es toute pâle ! Il fait trop froid dans ce train, c'est ça ? Ou alors t'as le mal des transports ? Ah, les trains, c'est vrai que ça bouge un peu trop... Respire bien, ça va passer, je pense. »

N'importe qui aurait relevé un regard méchant ou agacé vers Sacha, en lui intimant plus ou moins poliment de se taire, ou du moins de s'occuper de ses affaires, mais la fille n'en fit rien. Elle gardait la tête baissée, et les yeux fermés. Avec un faible soupir, Sacha continua de tapoter du bout des doigts sa main froide, attendant une réaction. Son regard se dirigea malgré lui vers le dessin, qui trônait sur les genoux de la demoiselle. Il était incroyablement bien fait. Elle avait du talent, c'est sur. Même si c'était juste une esquisse, elle montrait un très bon coup de crayon. Avec un sourire, le garçon releva le regard vers la fille, qui n'avait pas bougé d'un pouce.

« Tu dessines bien dis donc ! Je suis impressionné. Tu dois avoir une bonne mémoire visuelle pour avoir si bien retenu mon visage alors que nous nous sommes juste croisés hier et qu'il faisait noir... Je t'ai tant marqué que cela ? Ahah... »

Il lâcha un petit rire naïf, pour détendre, et surtout, réchauffer l'atmosphère. Il espérait une réception positive de la jeune fille, et peut-être même qu'elle sorte de son mutisme. Tout en attendant cette fameuse réponse, il rebaissa le regard sur le dessin. Et son rire se stoppa net. Un détail attira son regard. D'un geste purement incontrôlé, il passa sa main dans sa nuque, comme cherchant quelque chose. Puis en déglutissant douloureusement, il pointa du doigt son cou, cette fois-ci sur le dessin. Ou plus précisément sur un pendentif griffonné, attaché sur une chaîne fine. Un pendentif en argent, en forme de goutte, lisse, avec juste une espèce de trait gravé, faisant tout le tour de la goutte.

« Tu as déjà vu ce collier quelque part ? »

Son ton enjoué avait fait place à une petite voix gênée, à présent. Il ne regardait même pas la jeune fille en posant cette question, son regard rivé sur le collier dessiné. Qu'est-ce qu'il faisait là, sur ce dessin, ce collier ? Ce n'était pas possible.

C

« Je m'appelle Sélène. »

Lâcha-t-elle, tentant de mesurer les tremblements de sa voix. Elle avait les nerfs à vif, presque à casser la fenêtre du train et de s'y jeter. Mais à présent, elle était en bonne voie, elle était sur la route du centre, elle saurait enfin ce qu'elle était, et pourquoi elle l'était, enfin, c'est ce que Mademoiselle espérait. La brune toussota, n'osant toujours pas ouvrir les yeux et, à tâtons, elle sortit son mp3 de son sac à dos, enfonçant les écouteurs dans ses oreilles. Puis elle posa la tête contre la vitre, et ouvrit enfin les yeux.

Elle s'attendait à faire face à Sacha, à devoir le fixer pour qu'il la lâche, mais au lieu de cela, elle remarqua sans mal qu'il avait le regard vide, et le teint livide. Il n'avait pas bougé, et pour cette raison elle se releva et se rassit à côté de lui, remarquant soudainement à quel point elle pouvait paraître stupide, parfois. Hésitant une seconde, elle posa la paume de sa main sur le genoux brûlant du garçon, d'un geste amical.

« Oublie tout ça, ce n'est pas bon de remuer le passé. »

Elle avait cette impression de tout savoir et aussitôt que les mots furent sortis, elle regretta, comment pouvait-elle savoir qu'il y avait un problème, et comment pouvait-elle prétendre à l'oublier alors que c'était elle qui semblait avoir remué le couteau dans la plaie ? Elle cherchait les mots à dire pour détendre l'atmosphère, mais ils n'étaient pas décidés à venir. Alors, elle finit par se dire qu'il valait peut-être mieux aller au bout des choses. Elle rouvrit son carnet, arrachant son baladeur à ses oreilles et tourna les pages rapidement, comme cherchant quelque chose.

« Tu vois, tout ça, je le fais par hasard, aussi loin que je me souvienne, tous les portraits de gens que je connais ont un détail en plus que je ne leur connais pas. Tu vois, là, c'est ma mère, elle a une bague là, n'est-ce pas ? Mais en fait, je n'ai jamais vu son alliance, parce qu'elle ne s'est jamais mariée, tu saisis ? »

Elle jugea sa petite tirade tout bonnement stupide et inutile, mais au point où elle en était, autant aller jusqu'au bout, finalement. Glissant doucement jusqu'au portrait de Sacha, elle retira sa main de son genoux, prête à n'importe quelle réaction violente de la part du garçon, elle jugeait qu'elle même aurait eut une réaction de surprise à ce qu'elle s'apprêtait à dire, et donc à s'avouer à elle-même.

« Ou alors, je dessine des gens que je ne connais pas. »

Silence.

« Je ne t'ai pas dessiné hier, cela fait quelques semaine que j'ai ton portrait dans mon carnet Sacha. Et tu ne m'as pas dit ton prénom hier non plus. »

Elle ferma un œil, crispant ses mains, prête à se faire battre. Mais il n'en fut rien. Elle fut accueillie par un long silence glacial qui lui refroidit rapidement toutes ses envies de vérité. Elle baissa la tête et soupira profondément... Qu'est-ce qu'il lui prenait de gâcher le voyage de ce type et de remuer le couteau bien profond dans la plaie ? Sélène : stupide.

« Je vois... C'est assez étrange, mais je te crois. »

Tout en disant cela, Sacha plongea ses yeux noisettes dans les yeux bleus nuits de Sélène. Quelque chose lui disait que cette fille était plus qu'une inconnue croisée par hasard deux fois de suite. Quelque chose lui disait que leur destin allait se croiser bien plus qu'il pouvait l'imaginer. Sacha secoua encore une fois légèrement la tête. Stop, il s'emportait. Il avait trop d'imagination. Mais... il lui arrivait aussi d'être assez perspicace. Avec un soupir, il plongea son regard dans le paysage qui défilait par la fenêtre, et demanda, sans vraiment contrôler ses paroles :

« Et tu as d'autres dessins comme cela ? D'autres personnes que tu risquerais de croiser...? »

Oui, cela l'intriguait, vraiment. Qui sait, peut-être que la jeune fille avait même des esquisses d'autres personnes, ou alors de lieux, voir carrément de scène...

E

Des portraits ? Des tonnes d'adolescents, pour la plupart, les souriants étaient raturés, les effrayants n'avaient rien. Elle eut l'ombre, les prémices d'un flash : noir, tout simplement, rien de bien prétentieux. Cependant, ce flash sans la moindre image débloqua des choses dans sa tête, des choses qu'elle n'aurait pas dû comprendre, au fond. Le regard vitreux, elle inclina la tête vers Sacha.

« Je crois avoir une très vague idée de ce qui nous attend. »

Sélène avait murmuré. Elle sentait sa bouche se faire pâteuse, tandis que le souffle lui manquait. Elle était à nouveau terrorisée par quelque chose qu'elle ne connaissait pas. Elle se crispa rapidement, raide, tandis que son cœur qui bondissait dans sa poitrine semblait vouloir s'évader, échapper au destin de ce corps. L'adolescente aurait voulu parler, rassurer l'autre être dans la cabine de ce train, mais elle n'en trouva pas la force. A la place, elle tourna les pages, encore, dévoilant et imposant la présence de ces visages, corps, objets, animaux, bâtiments sur papier au garçon. Elle ne pouvait pas le regarder, lui, trop hypnotisée par ce qui défilait sous ses yeux : des visages, des taches noires, des paysages, et Rédemption, le plus récent, la dernière page. Sélène suffoquait à présent. Lui, saisissant probablement l'origine de ses troubles, ferma le carnet d'un coup sec. Cela eut pour effet de la calmer instantanément, un nouveau hoquet de surprise, et un soupir de soulagement.

Avec une espèce de réflexe d'autodéfense, elle repoussa le carnet qui s'écrasa contre la banquette d'en face, s'ouvrant à une page qu'elle avait oublié à présent : un dizaine de dessins, de schémas, de croquis qui n'étaient pas terminés. Les nuages étaient figés dans le ciel qu'elle voyait à travers la vitre de la cabine, le vent était tombé, les arbres restaient immobiles. Elle se concentra sur le frottement régulier du train sur les rails. Les dessins, pourtant, attiraient son attention d'une façon malsaine : deux personnages – même si cela était flou – elle le savait. Cependant, le silence lourd de la petite pièce enveloppait ses pensées, les dévorait et les anéantissant. Elle émit un long soupir en se prenant la tête entre les mains : elle flirtait avec le désespoir.

Ces dessins pouvaient être anodins, après tout, pourquoi attacher autant de gravité à tout ce qui touchait sa vie de près ou de loin ? C'était comme cela, elle savait que tout dans ce carnet était loin d'être anodin, et cela la dégoutait. C'était cela : du dégout, dégout de soi-même, car jamais, au grand jamais, depuis l'apparition de ces dessins bizarres elle ne s'était acceptée telle qu'elle était : une ado un peu bizarre en quête de protection, ni plus, ni moins. Elle ne cherchait ni la richesse, ni l'amour et encore moins la science infuse. Elle voulait juste être elle, et cela lui faisait peur, au fond. Quand elle se croisait dans un miroir : elle se détestait, lorsqu'elle s'entendait parler : elle se détestait. Comment avoir une estime de soi objective, dirons nous – car positive friserait l'impossible pour Sélène – lorsqu'on se fait rabaisser continuellement et que personne ne porte attention à votre personne si ce n'est pour souligner vos défauts ? Elle se sentait coupable, de ne pas tout faire pour s'apprécier, mais au fond, peut-être avait-elle déjà tout fait... ? Et de toutes manières, elle le savait : tout ses ennuis, du premier au dernier, était la faute absolue de son père, et si elle n'en avait pas de preuve, elle en était persuadée.

En silence, Sacha se leva, pour saisir délicatement le carnet, propulsé quelques instants auparavant par sa propriétaire. Du bout des doigts, il le referma doucement, sans jeter un regard vers les dessins qui s'y trouvait. Au lieu de ça, il fixa un instant la couverture du livret, y laissa glisser ses doigts doucement, s'attardant sur le prénom de la jeune fille, inscrit au feutre rouge. Puis il inspira profondément, et tandis le carnet à sa propriétaire, pour ne pas céder et le rouvrir. Avec un grand sourire aux lèvres, qui se voulait réconfortant, il lança de son ton marqué par sa joie presque retrouvée :

« Il vaut mieux découvrir par nous même ce qui nous attend là bas, je pense. Non ? »

Sur ces brèves paroles, il se laissa retomber à côté de la jeune fille, s'avachissant presque sur le fauteuil. Son regard se perdit un instant dans la contemplation du plafond gris souris de la cabine. Un gris triste, moche, qui semblait préparer à ce qui les attendait. Avec un soupir, il baissa soudain la tête, reportant son attention sur Sélène. Il l'observa un instant, comme gêné, avant de demander, presque timidement :

« Pourquoi tu vas là-bas, toi ? Rédemption, je veux dire. Tu y vas bien, non ? »

Il fallait l'avouer, cette question lui brûlait les lèvres depuis le début. Et là, elle était enfin lâchée. Il n'attendit même pas de réponse de la jeune fille. Il le savait, bien sûr qu'elle allait là-bas. C'était une évidence. Où pouvait-elle donc aller d'autre, pour avoir cette mine si dévastée ? Il enchaîna donc, ne pouvant tarir le flot de paroles qui s'écoulaient de ses lèvres, sans que son cerveau ne suive forcément le rythme.

« Ce centre paraît plus que louche, tu ne trouves pas ? Sérieusement, pour envoyer une brochure - qui plus est est horrible -, comme ça, vantant les prix les plus bas, une éducation irréprochable tout ça... Je ne le sens pas du tout. Tu en penses quoi ? Comment cela se fait, qu'on nous envoie dans cet endroit, dans ce coin paumé...?»

Sacha cessa enfin de parler. Un de ses gros défaut était celui d'être bavard. Il se mordit la lèvre en réalisant qu'il en avait peut-être trop dit, qu'il s'était peut-être trompé, au final, ou alors il avait touché une corde sensible et vexé la jeune fille. Il guetta sa réaction, avec une moue désolée, mais cependant terriblement curieuse. Il avait envie de savoir, ce qui pouvait pousser quelqu'un à envoyer son enfant dans ce centre plus que louche. Cela lui échappait. Que l'on puisse accorder une confiance aveugle à une espèce d'internat, dont personne n'a entendu parler avant, et paumé dans une ville dont personne ne connaît le nom avant qu'on le cite. Birdsall. Venant de son père, cependant, cela ne l'étonnait pas vraiment. Plus il était loin de son rejeton, mieux il se portait. Mais venant d'autre parent... Cela était trop étrange. Il y avait anguille sous roche.

S

« Je ne pense pas. »

Elle avait répondu d'une voix froide et détachée, limite réponse de serial killeuse. Au fond, elle avait raison, il valait nettement mieux ne pas penser à cela, et prendre les choses comme elle venait, et puis, Sélène avait choisi son destin, c'était en partie elle qui avait rempli le dossier de Rédemption après que sa mère lui donne. Lorsque quelque chose la déstabilisait vraiment, elle préférait fermer les yeux, elle l'avait toujours fait. Cela était une sorte de lâcheté, mais de courage également, puisqu'ainsi, elle ne savait absolument pas ce à quoi elle aurait à faire face. Elle n'aimait pas les surprises, mais encore moins psychoter sur n'importe quoi. Ainsi, elle poussa un léger soupir et tourna les yeux vers Sacha, le dévisageant d'un air déterminé, les sourcils un peu froncés.

« Pourquoi veux-tu absolument savoir ? Absolument savoir que, au fond, tout cela sera négatif de toutes façons ? Maintenant qu'on est sur la route, cela n'a plus aucune importance. Il n'y a pas d'arrêt, il n'y a pas de solution pour faire demi-tour et revenir à une vie pitoyable. »

Elle se parlait plus à elle-même qu'à lui, en vérité. « Une vie pitoyable », c'était exactement ainsi qu'elle qualifiait la sienne, après tout. Mais, peut-être que chaque être qui venait à Rédemption avait le même genre de vie. Alors bon. Elle, elle accumulait : son père l'avait abandonnée, sa mère s'était mise à divaguer, à boire. Elle faisait le sale boulot partout où elle allait, elle se faisait frapper par ses patrons assez régulièrement. Quoique, elle avait encore eu de la chance que cela n'aille pas plus loin. D'ailleurs, histoire de montrer qu'elle même n'aggravait pas ce qu'elle disait, elle remonta ses manches, découvrant des hématomes tellement larges, foncés et bien délimités qu'on aurait dit qu'elle se peignait le corps.

« Crois-moi lorsque je dis que je suis satisfaite de partir. Je n'avais plus rien à attendre de ma vie, à part ça. »

Elle désigna le plus gros bleus qui s'offrait à sa vue. Un cadeau d'un patron de boite de nuit pour lequel elle avait bossé comme serveuse. Et, ne voulant pas se « découvrir » comme lui-même le disait, ne voulant pas se soumettre à une autorité aussi malsaine, elle avait hérité d'une dizaine de coups, les plus gentils sur les bras, disons-le. Elle n'avait jamais rien sur le visage, parce que cela se voyait, et qu'elle le protégeait. Pas tellement pour la dignité, mais plus parce que sans un visage parfait, le boulot était souvent dur à décrocher, côté pratique, donc. Sélène n'avait rien d'une vantarde qui paradait parce qu'on l'avait frappée ou quoi, non, si elle lui montrait ça, c'était surtout parce qu'il était le premier à l'écouter, le premier à lui tendre la main amicalement.

« Peut importe ce qui nous attend, au fond, c'est probablement égoïste mais, je pense que tout vaut mieux que la vie que j'avais. »

Elle se perdit quelque minutes dans la contemplation de l'extérieur, des arbres et des champs qui défilait, des villes que le train traversait ou approchait. Combien aurait-elle donné pour qu'il s'arrête dans une de ses gares et qu'elle refasse sa vie ? Mais, elle n'avait rien, et la vie qu'elle menait aurait finit par la rattraper, de toutes façons.

Sacha observa un instant les marques qui coloraient les bras de Sélène, le cœur serré. Voilà, à trop parler, il avait souleva un sujet sensible. Sacha Rush, quand diable apprendras tu à moduler tes paroles ? Il aurait voulut s'excuser, mais aucun son ne sortait de sa bouche. Ses yeux étaient rivés, tout comme son attention, sur les marques de coups de Sélène. Il avait mal, d'un coup. Comme si les blessures de la jeune fille s'étaient calquées sur ses bras à lui. Il ferma les yeux pour ne plus voir ses dernières, mais des images lui revenaient en mémoire. D'autre blessures. Il déglutit péniblement en posant une main sur son front, qui commençait à chauffer. Ce n'était pas le moment de penser à ça. Avec une profonde inspiration, il releva la tête, et rouvrit les yeux. Il releva le regard vers la jeune fille, en prenant soin d'éviter ses bras meurtris, et lâcha d'une petite voix :

« Je suis désolé. »

« Hey mec (:
Une petite pensée pour toi là, tu vois. Tu dois être dans le train en train de te faire ch.er comme un rat mort j'imagine :p Tu vas me manquer ! Tu me ramènes tes petites fesses de musicos pour les prochaines vacances qu'on s'improvise une petite aprèm musique hein è_é A peluuche la mouche ! »

« Cela te déranges si j'ajoute un petit peu de musique à ce voyage ? »

Au fur et à mesure que ses doigts glissaient sur ses cordes, il sentait que c'était vraiment cela, qu'il manquait. De la musique. Il remercia intérieurement Arthur, pour cette idée soufflée involontairement.

E

D'ailleurs, son enfance... C'était la seule chose positive qui marquait les souvenirs de Sélène, son père, sa mère, tous heureux. Seulement, il y avait toujours eu un vide incalculable, quelque chose qu'elle n'avait jamais remarqué et dont elle se rendait compte, à présent. Elle ignorait vraiment ce dont il s'agissait, il y avait juste une sorte d'énorme malaise, un peu comme si tout ses souvenirs sonnaient faux. Il avait toujours manqué quelque chose, quelqu'un peut-être... Ce fut à cet instant que Sélène remarqua avec quelle lourde solitude elle avait mené sa vie jusque là...

* Qui suis-je, au fond ? *

C'était cela, la question à laquelle elle n'avait jamais eut de réponse, mais, quelle importance ? Quelle utilité de revenir sur toute son existence maintenant ? Son sourire figé se mua en une légère grimace, tandis qu'elle se prenait à nouveau la tête entre les mains, retenant des sanglots, tout à fait stupide cela. Une larme s'écrasa sur son jean, s'imprégnant dans les fibres de celui-ci. Elle ne trouvait plus aucun sens à sa vie, et cela, croyez-moi, c'était douloureux.

Elle releva la tête vers le garçon qui avait cessé de jouer, probablement dérangé par ses sanglots qui se voulaient silencieux. Les yeux pleins de larmes de colère et de douleur, elle le dévisagea, la bouche entrouverte, dans un mouvement suspendu. Plusieurs fois elle tenta de sortir un mot, mais sa voix refusait tout les sons. Pourtant, elle luttait, contre le chagrin, autant qu'elle le pouvait, de toutes ses forces, comme jamais auparavant.

« Je ne supporte plus de me battre pour vivre. » Lâcha-t-elle, finalement.

On pouvait apercevoir dans un petit coin de la gare, assise sur un banc Lola qui attendait son train. A son grand désespoir, elle n'avait pas pût empêcher ses parents de la suivre et d'attendre avec elle. Ses parents, parlons en, c'était pour elle de simples géniteurs et c'était tout. Ce sont ces êtres là qui lui avaient par elle ne sait quel moyen transmis cette aptitude étrange de pouvoir lire dans les pensées des autres. Seulement ce "don" lui gâchait la vie, être heureux en passant ça vie à explorer les têtes des autres était deux choses totalement contradictoires...

*Plus j'y pense, plus j'essaye de me convaincre que cette école allait peut être me faire oublier ces dernières années..*

Le train allait entrer en gare d'ici une minute, elle partirait et oublierait sa vie d'antan; vivrait comme toutes les autres adolescentes de sa génération.
C'était l'heure, le train était là, face à elle. Le père prit les bagages de sa fille, ils avancèrent tous les trois jusqu'au train. Lola eût le droit à toutes ces embrassades pathétiques que font les parents lorsqu'ils disent au revoir à leur enfant. Elle monta, attendit que les portes se referment pour trouver une place. Elle voyait petit à petit ses parents s'éloigner, devenir de plus en plus petits jusqu'à ce qu'ils disparaissent totalement. Les voir se désintégrer progressivement sous ses yeux lui fit retrouver le sourire quelques instants.

Elle commença à explorer le train à la recherche d'une place. Le train, avait une odeur de fromage décomposé, ce qui lui donna légèrement la nausée. On pouvait remarquer qu'il n'était pas des plus récent. Effectivement, l'intérieur était délabré, les murs semblaient avoir comme des énormes taches de café. Chaque wagon où elle allait étaient pleins.

*Tant de personnes vont à Rédemption? Je ne pensais pas qu'ils avaient une grande réputation mais si c'était le cas, ils pourraient penser un de ces jours à voir pour des trains un peu plus commodes.*. Se disait-elle.

Elle ouvrit la porte de la dernière voiture. Il restait une place. Sur le sol se trouvait deux personnes.. Une fille qui pleurait, on l'a remarquait tout de suite avec ses yeux bleu humides qui ressemblait à l'océan en pleine tempête. Elle donnait l'impression d'être fragile, ses cheveux partaient en plusieurs directions donnant cette impression de « coiffé, décoiffé ». En face d'elle, un garçon se tenait debout et la regardait. Il abordait un look très personnel tirant vers le rock décontracté si on peut dire. Il assistait à la scène impuissant. Lola posa son sac, en sortit une bouteille d'eau et la tendit à la jeune fille.

« Tiens, bois ça te fera du bien. Ne reste pas sur le sol avec les secousses du train et l'odeur qu'il en dégage tu risques de te voir plus mal encore. »dit-elle en souriant.

Sacha avait observé cette scène sans rien dire. Dès qu'il avait perçu les sanglots de la jeune fille, il s'était arrêté, avait posé sa guitare, s'étant retrouvé totalement bête. Il ne savait ni quoi dire, ni quoi faire. Bien heureusement, quelqu'un mis fin à son malaise en pénétrant dans la cabine. Il tourna son regard hébété vers la personne qui venait d'entrer. C'était une jeune fille rousse, au visage souriant. Elle s'approcha de Sélène, et lui tendit un bouteille d'eau. Visiblement, elle savait quoi faire. On pouvait lui faire confiance, Sacha le sentait. Il sentait également son malaise accroître à la vue du visage déformé par les larmes de la jeune fille brune. Les larmes, voilà ce qui mettait le plus mal à l'aise le jeune homme. Pour lui, qui aimait plutôt faire rire, sourire, enfin, rendre les gens heureux quoi, voir quelqu'un pleurer lui nouait la gorge. Sa tête commençait même à tourner. Tout s'approchant à reculons de la porte, il ne pouvait s'empêcher de fixer les deux filles. Dans un bredouillement pathétique, il lâcha :

« Je... Faut que j'aille aux toilettes... »

Sur ces quelques paroles, il quitta la cabine rapidement. Une fois en dehors de celle-ci, il resta un moment dans le couloir, immobile, seulement bercé par le mouvement du train. Bon, zen. Il inspira profondément, pour se calmer intérieurement, et se décida finalement à relever la tête pour tenter de localiser les fameux toilettes. Mais il eut à peine le temps de regarder autours de lui que quelqu'un passa, lui rentrant dedans quelque peu violemment. Le temps que Sacha réalise ce qu'il venait de se passer, la personne, qui se révélait être un brun, à ce qu'il en voyait de dos.

« Dis pas pardon surtout...»

Marmonna-t-il en regardant l'inconnu s'éloigner sans même se retourner. Puis, dans un soupir, il jeta un regard circulaire autours de lui pour trouver enfin la petite pièce où il pourrait se rafraichir un coup. D'un pas décidé, ensuite, il s'élança vers les fameux toilettes. Là, il put enfin se rafraichir, sentant avec délice l'eau froide sur son visage. Il releva finalement le regard vers le miroir poussiéreux, il poussa un soupir. Son visage paraissait soudain fatigué. Il repassa un peu d'eau sur son visage, et ressortit aussitôt de la pièce qui sentait le moisis, pour reprendre la direction de la cabine. Cependant, dans le couloir, il s'arrêta, hésitant. Ses cheveux qui glissaient sur son visage était humide, et les gouttes perlaient sur sa nuque. Ainsi, il resta devant la porte, sans bouger, frissonnant à chaque goutte froide qui entrait en contact avec sa peau. Il avait été lâche de partir ainsi quelques minutes auparavant. Il avait honte, à présent, et n'osait plus entrer dans la petite cabine.

S

« merci »

Attendant quelques secondes devant la porte, détaillant la poignée sur laquelle elle avait posé la main, Sélène respirait vite, mais tentait de se calmer. Avec un soupir d'un longueur folle – qui la vida de tout l'air qu'elle avait – elle ouvrit la porte à la volée. Bien heureusement, cette dernière s'ouvrait vers l'intérieur puisque Sacha se trouvait juste derrière. Elle devina d'ailleurs qu'il avait la main sur la poignée était donné de la stupeur avec laquelle elle le retrouva.

« Sacha ! »

Avait-elle couiné. Elle avait presque pensé qu'il s'était enfuit dans une autre cabine, qu'il s'y était réfugié, son esprit en avait au moins évoqué la possibilité sans vraiment y croire. Seulement, son enthousiasme l'habita soudainement et elle lui sauta presque dans les bras. Elle ne sentait plus réellement son corps, ne le contrôlait pas, elle vivait totalement autrement que dans l'époque présente, elle sentait le futur la pousser à agir, mais cela ne la dérangeait pas.

« Ne me laisse plus. »

« désolé »

Un frisson parcourut la petite fille à l'arrivée du train en gare et du souffle chaud qui l'accompagnait. Depuis qu'elle attendait -cela faisait bien 30 minutes-, une boule s'était formée dans son estomac. La découverte mouvementée de son don ainsi que son départ précipité, tout ce bousculait dans sa tête. Mais après tout, elle avait fait son choix. Quitter ce lieu assez sinistre, pour faire sa vie autre part. En tant que qui au juste ? Lycéenne ? Collégienne ? Adulte ? Ou ... Enfant ? Être elle même lui semblait désormais impossible. Et secrètement, elle avait peur, était terrifiée à l'idée de se retrouvée seule dans un lieu inconnu. "Seule" ne l'effrayait pas mais ...

*Bon allez, de toute façon, j'ai plus rien à perdre !*

La directrice lui posa sa petite valise sur les premières marches et lui déposa un baiser sec sur la joue. Pas tendre, pas affectueux, à croire qu'elles n'étaient que deux étrangères sur le quai d'une gare. Un courant d'air froid salua le bruit du train qui redémarrait. Les portes se fermèrent dans un vacarme assourdissant et voilà. C'est tout. C'était maintenant que tout ce terminait. Ou que tout commençait, à vous de voir. La petite fille se mit sur la pointe des pieds pour regarder une dernière fois cette gare. La directrice ne se tourna même pas, elle était déjà partie et certainement depuis longtemps. C'est donc les larmes aux yeux que la petite attrapa sa valise et partit à la recherche d'une place. Beaucoup de monde occupait ce train. Tous les passagers lui étaient hostiles. Tous semblaient ... Enfin, comment dire ... Etranges. Différents. Un peu comme elle quoi. Ce futur pensionnat, comment s'appelait il déjà ? Re ... Redemption ? Drôle de nom pour un endroit pareil ! Durant son petit parcours, Emma détailla l'aspect intérieur du train. Banquettes vieilles, usées et déchirées, mur étrangement souillés, sol tout abîmé ... Ca existait encore ce genre de trains ?!

*Bon c'est pas tout ça mais ... Je vais m'installer où moi ?!*

Elle arriva enfin dans un long couloir au bout duquel se trouvait une dernière voiture. Malheureusement, il ne restait plus beaucoup de place ... S'y trouvait trois personnes, une femme brune, très belle, aux cheveux brun rebelles -qui lui rappelait quelqu'un ...- un jeune homme, l'air sympathique, d'un style très original et enfin, une autre jeune femme, aux superbes yeux bleus. Faisant une moue de dépit, elle s'approcha de la cabine dont la porte était encore ouverte, et toqua instinctivement, avant de demander d'une voix timide tout en désignant un bout de banquette.

« Je peux ? Si ça dérange, je peux sortir hein ... Puis m'installer dans le couloir, y a pas de problèmes ... »

Mais tout en parlant, elle fit un pas dans la cabine. Après tout, il n'y avait aucunes raisons pour que cela se passe mal non ? Ils avaient tous l'air gentils et puis, qui voudrait du mal à une "enfant" ? Oui, me direz vous, on est jamais trop prudent ! Soudain, elle se rappela qui était cette jeune femme brune ! Au souvenir de leur rencontre, son visage s'illumina et elle lui adressa un grand sourire tout particulier !

« Ah, tu ne déranges pas du tout ! Désolé, c'est un peu le bazar ici, je vais te faire de la place ! »

« Je pars plus, promis. »

« Voilààà, y a de la place maintenant, tu peux t'installer ! Dis, tu t'appelles comment au fait ? Tu veux de l'aide pour tes valises peut-être ? »

En espérant que la jeune fille ne prenne pas peur devant l'enthousiasme de l'adolescent, qui à l'heure actuelle, avait plus l'air d'avoir l'âge de la fillette -voire moins- plutôt que ses dix-sept ans...

Lola s'assit dans un coin, tentant de se faire la plus discrète possible. Capter les pensées des autres n'avait rien de bien positif, surtout celles de la brune, là. Quoique, celles de la petite étaient un peu louches également. Enfin. Bref. Elle inspira tout en regardant dehors, elle préférait ignorer tout le monde, se concentrer pour avoir sa tête à elle seule, sans être constamment « parasitée ». Ainsi elle passa quelques minutes ainsi, sans suivre le fil de la conversation, ni s'il y en avait réellement une. La vision des arbres, des montagnes, des champs et du soleil qui était bien levé à présent avait quelque chose de tout bonnement hypnotique.

Lola songeait. Après tout, pourquoi ses parents la détestait ainsi ? Pourquoi ne s'inquiétaient-ils pas de ce qui l'attendait, une fois arrivée à Rédemption ? C'est leur non-implication dans la vie de leur fille qui l'avait poussée à accepter de partir, après tout. Enfin... Cela et...

Lui. Elle avait encore mal, tout cela n'étant pas cicatrisé. Pourquoi ? Pourquoi avait-il cessé de l'aimer ? C'était injuste. Elle avait tout fait comme il le fallait, tout. Mais non. Leur relation était peut-être vouée à l'échec, allez savoir... Elle soupira.

Lorsqu'elle releva enfin la tête, la petite fille était assise à côté d'elle, la brune n'avait pas bougée, et le garçon s'était mis à côté d'elle. Elle cru pendant une seconde qu'il essayait de lui parler, mais vu qu'elle n'entendait pas, elle préféra éviter de s'incruster dans sa tête et ne pas savoir. Même si elle avait tendance à fouiner de partout, elle savait pertinemment quand il fallait s'arrêter, et là, c'était suffisant.

Bon, d'accord, elle y fit un tour quand même, mais juste pour savoir qu'ils ne se connaissaient pas, contrairement à ce qu'elle pensait, et puis elle stoppa le lien. Elle ne préférait pas être démasquée, puisque les gens savaient lorsqu'elle lisait dans leur tête, ils avaient une espèce d'impression étrange.

Elle avait envie de parler, mais elle se retint, elle aurait aimé savoir par les mots ce qui chamboulait la fille, là, mais elle préférait se taire. Ainsi, elle tourna la tête vers l'autre, la petite, toute mignonne, seulement, son flux de pensées à elle était horriblement conséquent. Elle dut lutter pour ne pas y accéder et ça semblait marcher.

« Dis, chuchota-t-elle, t'es pas un peu jeune pour aller à Rédemption toi ? »

Elle accompagna ces quelques mots d'un clin d'œil complice : elle savait. Elle savait en effet que la petite cachait sa véritable identité, même si elle n'avait exactement déterminée cette dernière.

E

Elle sentit - ou entendu, elle ne savait pas trop - Sacha s'asseoir à côté d'elle. Bon sang, mais pourquoi son cœur ne voulait décemment pas se calmer ?! Pourquoi est-ce que chacune de ses inspirations et expirations ressemblaient plus à des spasmes qu'à autre chose ? Raaah... Elle n'arrivait pas à comprendre.

Il posa sa main sur l'accoudoir. Elle jugea qu'elle était de nouveau présentable, mais elle ne savait pas trop, alors elle garda la tête baissée, histoire de ne pas faire peur. Elle se fichait totalement du monde, de la rousse qui lui avait donné de l'eau, de la petite voix fluette qui lui était étrangement familière, et du reste du train. Sélène avait peur. Peur, oui, c'est stupide, n'est-ce pas ? Mais c'était la seule explication pour que son cœur s'affole et qu'elle se mette à respirer comme sauvée de justesse de la noyade. Elle avait les yeux fermée, elle était tellement crispée que ses muscles la faisait souffrir. Des crises, comme ça, elle n'en faisait que très rarement, mais ça arrivait. Elle entreprit de se détendre, attrapa son carnet et un crayon d'un geste mécanique, robotique. Elle dessina. Elle se laissait porter, bien sûr, mais bon, au moins, elle arrivait un peu à guider ses traits. C'était le principal. Le sujet restait flou, cependant, il ne fallait pas trop en demander, non plus.

Elle ouvrit les yeux - oui, elle les avait gardé fermés tout ce temps, pendant le dessin, en effet. C'était un loup, son dessin. Un loup à l'air majestueux mais pas supérieur. Elle l'arracha à son carnet dans un bruit de déchirement. C'aurait pu être son cœur que ça aurait fait exactement le même bruit. Elle le tendit d'une main tremblante à Sacha, sans relever la tête.

« C'est toi. »

Voilà, c'était tout ce qu'elle avait murmuré. Et la raison pour laquelle il s'était penché vers elle, également. Elle aurait pu simplement lui donner, sans prononcer un de ses fichus mots, elle ne réfléchissait donc jamais ? Raaah...

Finalement, c'est le garçon à l'air totalement ... Fou ? qui se retourna le premier. Il devait s'être mouillé les cheveux pour être aussi trempé ! Ben oui, il me semble qu'on ne peut pas suer à ce point ... Si ? Enfin, elle le regarda bourdonner à droite et à gauche, s'agiter dans tous les sens pour lui faire une place. Un petit sourire illumina son visage qui fut d'avantage marqué par deux petites pommettes saillantes. En temps normal, personne ne faisait attention à elle mais ce jeune homme semblait attentionné. Ce qui la froissa, fut le fait que Sélène ne la regarda pas ... Bah, elle avait le temps. Elle lui rendit donc son sourire et fit quelque pas dans la cabine.

« Non, merci. Je m'appelle Emma ! »

Dit elle en avançant au rythme des secousses. En effet, le train était dans un mouvement perpétuel très déstabilisant, plus encore que les TGVs ou les trains normaux. Quoi qu'il en soit, atteindre sa place fut un grand soulagement pour la jeune fille qui trouva beaucoup de réconfort dans cet endroit, elle qui depuis le début était assez seule. Elle posa sa petite valise à ses pieds et fut obliger de 'sauter' pour s'assoir sur cette ... Haute banquette. Enfi, bien installée, elle regarda autour d'elle. Cela sentait le moisi, cela puait même, le vieux. Dans une grimace de dégout, son attention se reporta sur le paysage qui défilait par la fenêtre.

C'était la première fois que la petite faisait un voyage seule. Au début, certes, elle avait eu peur mais, l'excitation mêlée à la curiosité avaient repris le dessus. De plus, c'était elle qui avait fait le choix de partir. Simplement, elle en avait marre de ces regards sur elle. L'orphelinat où elle était autrefois n'était pas le meilleur de la région ... Mais le moins cher. Retournerait elle un jour à Canterbury ? Excellente question ... Pourtant, une voix la tira de ses songes. Son regard se posa sur la belle filles rousse qui était à côté d'elle. Son clin d'oeil complice réchauffa le coeur d'Emma, qui répondit d'une voix assurée et joyeuse.

« C'est pas moi qui ai choisi où aller... Mais faut croire que non ! »

Entre cette jeune femme très attachante, ce jeune garçon totalement fou et Sélène, la brune adorable, Emma sentait qu'elle aimerait le voyage. Mais sa connaissance adorée ne semblait pas très bien aller. Elle semblait crisper, et ce malgré le carnet à dessin posé sur ses genoux. La petite descendit de son 'perchoir' et avança en sautillant vers la feuille de papier tendue entre les deux jeunes gens. Se hissant sur la pointe des pieds, elle regarda le dessin ... A l'envers bien sur. Quel talent ! Ce canidé était magnifique. Les yeux brillants, elle releva le regard vers l'auteur de l'oeuvre et applaudit joyeusement.

« Woh Sélène, tu dessines super bien ! Tu me feras un dessin dis ..? »

Consciente du fait que la jeune femme ne l'avait jusque là pas remarqué, elle espérait ainsi lui faire la surprise. Elle affichait donc un air à la fois fier et satisfait de son 'plan d'action'.

Sacha observa le dessin avec attention. Un... Loup ? Alors qu'il admirait la qualité du dessin, Sélène lui indiqua qu'il s'agissait de... Lui ? Sacha était un peu surpris. On l'avait déjà comparé à un chien, pas forcément toujours dans le bon sens du terme d'ailleurs, mais jamais à un loup. Il avait saisit le dessin, pour l'observer de plus près, lorsque la voix fluette de la petite fille vint retentir une nouvelle fois. Elle venait d'appeler l'adolescente par son prénom. Elle la connaissait ? Le garçon releva un regard interrogateur vers Emma, la tête légèrement penché sur le côté, ce qui donna raison à sa courte pensé d'il y avait quelques instants : il ressemblait en effet à un chien.

« Vous vous connaissez ?! »

Décidément, cela faisait beaucoup de coïncidence. Déjà, de se retrouver dans un même train, pour une même destination, pile dans la même cabine, avec une fille dont il avait fait la connaissance la veille au soir seulement, par pur hasard, et en plus apprendre que cette fillette connaissait déjà cette même fille, cela était vraiment... étrange ? Sacha lâcha des yeux un instant la petite fille, pour détailler Sélène. Il sentait que beaucoup de mystères planait autour d'elle, et peut-être qu'il ne tarderait pas à en découvrir une partie...? Il n'était pourtant pas de nature curieuse, mais pourtant, cette fille provoquait une sorte de fascination en lui, il ne pouvait s'empêcher de vouloir briser la coquille dans laquelle elle semblait enfermée. Il émit un faible soupir, se disant qu'il ne fallait pas trop y penser pour le moment. Alors, il releva le regard vers la petite demoiselle, lui adressant un grand sourire. Vraiment, rien que la vue de cette fillette qui respirait presque la joie de vivre, dans cette situation, mit fin à toutes ses interrogations. Il se décida finalement à reprendre la parole, sur un ton semblable à celui d'Emma :

« Au fait, moi c'est Sacha !, lâcha-t-il, réalisant qu'il ne s'était même pas présenté, avant de se retourner vers la jeune fille rousse, pour demander : Et toi, au fait ? Tu t'appelles comment ? »

Avec le sourire innocent qu'il affichait, cette moue enfantine, on retrouvait cette impression qu'il avait perdu quelques années de maturité d'un coup. En effet, sur le coup, il faisait vraiment penser à un enfant qui tâchait de faire connaissance avec ses nouveaux camarades de classe. Mais bon, il s'en moquait, après tout. Cela faisait du bien, parfois, d'oublier son âge, sa maturité, et toutes les responsabilités pas forcément agréables qui s'en suivait. Ainsi, il continua sur le même ton, le flot de paroles étant lâché, et probablement lancé pour le reste du voyage. Il se retourna aussi sec vers la petite fille, pour la pointer d'un doigts avec énergie, l'autre indiquant le dessin que Sélène avait fait de « lui ».

« Toi, je te vois bien en chat ! Ou en petite souris. Hmmm... »

Et il se mit sérieusement à réfléchir à la question, imaginant dans sa petite tête des tas de petits animaux, qui pourrait lui ressembler. Il se mit même à chercher pour les autres personnages présentes dans la cabine. Bah, au moins, il se tairait un petit moment.

Lola avait suivit en échange et patiemment les échanges entre le jeune homme et la petite fille, son côté spectatrice parfaite ( fait qu'elle montait de toutes pièces étant donné qu'elle était bien obligée de lire un minimum dans la tête des autres ) était stupéfiant. D'un côté, elle préférait ne pas être mêlée aux histoires, comme ça, en cours de route. Elle y était depuis le début, ou non. Mais, peut-être était-ce le début, là ? Elle ne savait pas trop. Elle se contentait d'afficher un air paisible, chose qu'elle faisait en réalité assez souvent.

Lorsqu'on s'adressa à elle, elle tourna la tête en direction de la voix. Pour des raisons de mise en scène ( probablement évidentes pour Lola ), elle se leva, et fit les deux petits pas qui la séparaient du garçon, Sacha, donc. Elle lui tendit la main avec un grand sourire, puis à la petite fille, ils répondirent tout deux à son appel et elle lança, tout en allant se rasseoir :

« Je m'appelle Lola. Heureuse de savoir que nous allons passer l'année ensemble. »

Elle sourit un bon coup - à s'en plisser les yeux - puis laissa à nouveau son regard se perdre dans le paysage. Arbres. Collines. Ville. Champs. Village. Forêt. Rivière. Route. Champs. C'était passionnant, n'est-ce pas ? La tête de Lola bourdonnait, à cause des pensées qui s'entremêlaient, et l'empêchaient d'avoir les siennes. Aaah... Elle fixa un moment ses ongles manucurés.

Il lui sembla que la fillette s'était rassit, après l'énorme vent qui fut la seule réponse de la brune. Elle n'avait pourtant pas dû mal le prendre. Enfin, il ne lui semblait pas, pas tellement de pensées négatives. Quoique, celles de Sélène auraient pu la passionner, elle aurait pu y passer tout le voyage, à slalomer entre les négatives, et les neutres... Les souvenirs, et les souhaits, mais elle se retint. Ça n'avait rien de correct.

N

Quand, enfin, le train se mit à ralentir, que la rumeur de l'arrivée qui se promenait dans l'engin arriva jusqu'à eux, elle fut la première à se lever. Raide. La tête toujours baissée, elle regardait par terre. Elle aurait très bien pu se cogner une cinquantaine de fois, mais, elle avait de la chance - si on pouvait appeler ça comme ça, hein. Sur le pas de la cabine, elle se retourna vivement alors que les autres attrapaient leurs valises. Elle releva enfin la tête, son maquillage trop épais avait coulé. Ça aussi, elle s'en fichait royalement.
« Je suis contente de te revoir, Emma. »

Elle songea un instant à la tête qu'elle devait avoir : les yeux rouges, le mascara et le crayon en grands traits sur ses joues, hm. Elle essuya ses joues de sa manche de chemise - noire, bien heureusement - et s'éclaircit un peu la voix, qui s'était finalement faite rauque.
« Je ne suis pas dans mes meilleurs jours, j'imagine. »

Elle lança un air suppliant à la gosse, qui ne la regardait même pas, d'ailleurs, personne ne la regardait, avait-elle seulement parlé ? Oui. Mais ils étaient occupés. Tant pis. Elle se retourna, observant avec attention les adolescents qui descendaient du train. Woooouh... Y en avait pas mal, en fait, non ? Une boule se forma dans son ventre. Trop... Trop de gens. Elle inspira, pas vraiment prête à se lancer officiellement dans l'aventure. Mais déjà, ses deux bras se faisaient emprisonner : celui de droite par Emma, celui de gauche par Sacha, et le rire de Lola sonnait comme un top départ.

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