She told me « don't dream your life but live your dreams ».
She gave me life, I wanted to achieve her dreams.«
3,4kg, une belle petite fille, elle est en bonne santé, vous voulez la prendre dans vos bras ? Comment s'appellera-t-elle ?
- Sélène... »
Elle me serrait contre elle comme si j'étais le joyaux le plus précieux de tout le royaume. Et trois paires d'yeux me scrutaient, avant que je leur offre mon premier sourire. Le sourire d'un nouveau né. Le sourire de l'espoir. Le sourire de la vie. Mon regard était perçant, bleu à en faire fondre de jalousie le ciel, mes quelques cheveux noirs et ma bouche déjà rouge. J'aurais pu être Blanche-Neige, mais je ne fus que Sélène. Prénommée d'un commun accord par mon frère, ma mère et mon père. Je le sais maintenant. C'est cette petite tête encore bien jeune qui a eut l'idée de me nommer comme la Lune, d'après eux j'en avais sans doute la splendeur, et le destin. Celui de guider les autres. Celui de leur donner l'éclat de la vérité.
Les quatorze premières années de ma vie furent pleine d'amour, et de tendresse. Si, bien sûr, on supprime de ce compte l'abandon de Zachary dont ma mémoire d'enfant voulait me protéger. J'étais toujours en avance sur tout. A cinq ans, je commençais le piano, à peine assez grande pour pouvoir toucher les touches les plus loin. A sept ans, j'avais fait des progrès considérables. A huit ans, mes parents décidaient déjà qu'ils me pousseraient à en faire mon avenir. Je passais mon temps à sourire, en n'importe quelle occasion, un sourire toujours plein de vie et de bonheur. A dix ans, j'avais déjà commencé à composer mes propres morceaux et mon professeur de musique me désignait trop souvent comme une virtuose. Née pour jouer.
Mes parents étaient extrêmement fiers de moi, cela va s'en dire. Ils soutenaient chacun de mes choix, et nous formions une famille unie, soudée, autour de moi. Noyaux central de leur propre bonheur. Nous n'avions jamais besoin de rien, mon père étaient écrivain, à succès, ou du moins bien assez pour pouvoir se payer une maison onéreuse, ma mère ne travaillait pas. Mais, déjà à cet âge, j'aurais dû me douter que tout bonheur a son prix. J'étais l'équilibre. L'antidote. Le répulsif face à ce qui les rongeaient chaque jour un peu plus. Leur amour était déjà pourrit, jusqu'à l'âme.
He was the only man in my life.
I'm beginning to realize that he had destroyed everything.Leur couple était rongé par ce que j'étais. Ils s'étaient bercés d'illusions, songeant que j'échapperais à la malédiction qui avait frappé mon frère. Mais hélas ce ne fut pas le cas. Longtemps ils préfèrent voir le génie de ma musique et de ma petite bouille d'ange plutôt que mes traits communs avec Zachary. Mon Zachary. Après que mon père l'ait abandonné comme un animal, sur le bord de la route, la fusion de mes parents se scinda en deux. Jamais je ne m'en rendis compte. Ils passaient leur temps à dissimuler les preuves de leur crime, ils passaient leur temps à vouloir me sauver.
Et puis un jour, mon père disparu. Il s'en alla, du jour au lendemain. J'appris plus tard, bien plus tard, après mon entrée à Rédemption, ou du moins à peu près à la même époque que son départ fut dû à moi. Je voyais le futur. Je voyais mon frère. Et cela avait terrorisé mon géniteur. Dès lors, ce fut le déclin. Ma mère sombra dans un alcoolisme mêlé à une dépression destructrice. Je finis même par penser que mon père avait emporté avec lui tout ce que ma mère avait de meilleur, sa joie de vivre, son espoir magique, son sourire étincelant... Mais en réalité, j'avais vécu des années entière dans une illusion montée de toute part pour mon propre intérêt. Et le miroir venait de se briser.
Cependant, le pire était encore à venir. Nous eûmes quelques mois de répit. Quelques mois où l'argent ne manqua pas encore, où, malgré le fait que ma mère ne sortait plus et que je m'occupais de tout, le bateau ne chavira pas. Mais tout alla mal plus rapidement que prévu. J'allais de moins en moins en cours pour m'occuper d'elle, m'occuper de la maison, et du reste. Et au final, devant l'absence de rentrée de fonds financiers, je dû prendre un petit boulot, de serveuse. Rapidement, je commençais dans un restaurant chic où je touchais assez pour tenir la barre. Mais ma minorité posa rapidement problème. C'est de cette façon que je me retrouvai dans un bar mal fréquenté dans les bas quartiers de Londres. Je faisais plus vieille que je ne l'étais, je travaillais mon apparence pour cela, on ne m'avait jamais posé de questions.
Mais l'irréparable se produit. Un soir, à la sortie du bar. Encore une fois, ma mémoire se trouble afin de me protéger. Malgré tout, je revois chaque détail. Comment j'ai été artificiellement attirée par cet individu sournois, comment le charme à prit fin soudainement et comment la réalité m'a éclaté à la figure alors qu'il était déjà trop tard pour que je puisse me défendre. Et pourtant, je fis tout mon possible. Jusqu'à ce qu'il me laisse. Dans la rue. Comme une ordure. Comme un déchet. Je n'étais devenu plus que cela. Et je m'enfonçais dans ma propre détresse. Au lieu d’appeler à l'aide, je me contentais de me refermer sur moi même, d'abandonner tout ce que j'aimais, de continuer à souffrir en silence, d'être la victime du maléfice. Je payer le prix de mon enfance parfaite. Personne ne m'avait apprit qu'on peut être qui on veut si on se donne les moyens d'y arriver. On avait dicté ma vie, dans mon propre intérêt. Et à présent je n'avais plus personne.
All we have is nothing compared to what we want.
In his eyes I thought I could become stronger.Il est entré dans ma vie dans un éclat inqualifiable. Au pire moment. J'avais peur. On me menaçait, et il m'a sauvée. J'avais appris à devenir une femme, à me séparer de mon enfance, à regret. J'avais réussi à devenir forte mais, physiquement, je ne pouvais rien faire face à eux. J'aurais pu, mais je ne le savais pas encore. Il m'a aidée, il m'a aimée, il a été présent. Je ne savais pas d'où il sortait, je ne connaissais que son visage et son prénom, Aaron. Pour moi, en l'espace de quelques instants, sans parler de jours, sans parler de semaines, il était devenu tout. Je ne vivais plus que pour le voir sourire, et dieu que c'était dur d'y parvenir. Mon premier amour. Celui d'une gamine brisée.
Il m'avait accordé une importance trop grande cependant. J'avais envie de lui dire que je voulais fuir, tout quitter, tant pis pour ma mère, tant pis pour le boulot, tant pis pour mes études, je ne supportais plus cette vie, je voulais partir. Mais avant que j'en ai le temps, je le vis avec une autre... Le chagrin empiéta sur la raison. La jalousie me rongea, la tristesse. Alors que si j'avais cherché à comprendre, j'aurais su que cette fille qui lui ressemblait étrangement était sa sœur. Mais je ne lui avais pas laissé un instant pour m'expliquer, je refusais de le voir. Je refusais qu'il me touche. Je refusais qu'on me détruise un peu plus.
Un soir où j'avais décidé de me comporter en adulte et pas en enfant apeurée, je décidais de le suivre, pour avoir une discussion avec lui. Mon cœur éclata à l'instant où je vis l'accident. Je fus la première à le voir, la première à accourir vers lui, la première à s'excuser près de son visage en sang. La seule à voir l'éclat de la vie quitter son regard. Dès lors je su que tout serais différent. Je n'étais pas allée à l'enterrement. Il avait sans doute une famille, il avait sans doute des amis, j'avais été une étrangère. Tout le temps que je repris le travail, vide, mon cœur se vida. Je me vengeais de ma stupidité. D'une façon d'autant plus stupide. Je rejetais chaque personne qui pouvait m'aider, et je passais mes soirées à tacher de sang mes poignets. Doucement je me construisais un nouveau monde, un monde protégé par d'immenses murs infranchissables.
Mourning is nothing compared to the desire for freedom.
Escape is the best thing that ever happened to me.Il y eut la lettre. J'avais de la chance que ce jour là, je passe chez moi, j'avais de la chance d'avoir décidé de dire au revoir à ma génitrice. J'avais décidé de partir. Peu importe où j'irais, je voulais découvrir le monde, soigner mes blessures, être heureuse. Mais la lettre me stoppa. Le contenu de mon sac changea subitement. Je n'eus pas le temps de me poser des questions quant à Rédemption, c'était ma chance, ma seule et unique chance. Et on me l'offrait sur un plateau. Je n'avais rien à fournir d'autre que ma présence. Pas d'argent. Ils m'invitaient. Je ne me posais pas les questions élémentaires, du style pourquoi moi, ou qu'ai-je de spécial qui les intéresse. Au fond de moi je savais déjà. Tout se trouvait dans un carnet à dessin. Donc chaque page contenait un visage, un paysage, une scène, un nom. Je savais tout.
Les premiers temps furent spéciaux. Je découvrais l'existence réel de mon, que dis-je, mes dons. Les prémonitions et la télékinésie. Je dévorais ma nouvelle vie, non sans appréhension. A Rédemption je retrouvais mon frère, ou plutôt je redécouvrais son existence. A Rédemption je retrouvais Aaron... En vie. La chose qui me marqua le plus. Sans l'ombre d'un doute. Notre amour n'en fut que plus fort, et pourtant, comme à chaque fois, j'aurais dû savoir que chaque seconde chance qu'offre la vie à un coût. J'ignorais celui ci. Et si c'était ce qui me brisait doucement ? La tumeur que j'avais me tuerait, mes visions me le disaient.
Mais la vie ne se stoppa à l'annonce de la cause de mon décès proche, non, elle continua, et prit un tournant encore plus inattendu. Je tombai enceinte. Zachary et Ariane, la petite sœur d'Aaron, étaient aux anges. J'appréhendais. Aaron également. Mais notre lien s'en fit plus fort. Autour d'une complicité qui deviendrait bientôt parentale. J'ignorais tout ce qu'il se passait à Rédemption, dans mon propre intérêt. Dieu que j'étais devenue égoïste...
He said he loved me, why has he left me then?
The walls are falling and I stand there looking at the sky.Mes larmes sont revenues. Mon égoïste se payait, à nouveau. Mon désir de bonheur semblait ne pouvoir être payé par moi seule. Je le perdis à nouveau. Aaron s'en alla. Aaron disparu. Aaron me quitta. Aaron m'abandonna. Seule à mon sort de future mère condamnée. Me laissant seule, enfermée dans mon chagrin. Et face à cela je n'avais aucune option. Aucune alternative. Tant que je gardais l'enfant, tant qu'il était en bonne santé, le directeur stoppait l'avancée de ma tumeur. Ainsi, il avait carte blanche pour faire des expériences sur le fœtus, expérience dont le bébé autant que moi souffrions. Terriblement. Mais la vie est ainsi faite. J'avais été heureuse, j'avais touché la cime, il fallait que tout chute. Que je chute.
Le départ, la disparition, ou même l'abandon de mon premier amour me cloua sur place. Me laissant nue et démunie. Faible. Et pourtant, je décidai de ne pas me noyer dans cette douleur une deuxième. Je décidai de garder la tête haute. De trouver une raison de vivre, de me décider à exister, de travailler seule à mon propre bonheur, même si cela entraînait un décalage certain d'avec les gens qui me restaient et que j'aimais encore, infiniment.
Et, alors que je m’apprêtais à m'élancer dans le monde, à me remettre à sourire, à retrouver la vie et la joie qui avait animé mon enfance, aussi fausse fut-elle, on me tira dans les jambes. En fait, on me retira ce que j'avais à présent de plus précieux. Après l'avoir vu en vision assez étrange, la petite fille que j'attendais décida de sacrifier sa vie pour que je puisse vivre. Elle décida que je méritais de continuer, que je méritais de les sauver, même si elle devait pour cela renoncer à voir un jour l'éclat magique de la lune.
A nouveau, je tombais au plus mal. Mon amour s'était tiré, mon seul souvenir de lui, mon enfant avait fait de même, ma relation avec mon frère devenait trop compliquée, pour sa propre sécurité et la mienne, mes amis disparaissaient les uns après les autres et Rédemption était en train de me détruire. A petit feu.
She says I'm strong, he says I'm alone.
But what matters is my love for them.Tout s'est subitement stoppé. Tout avait disparu. J'étais seule. J'avais peur. Je ne voyais même plus mon frère. Personne à qui parler, je n'osais aller voir Ariane et communiquait d'une façon assez irrégulière avec elle par des lettres toujours chargées de sentiments. Quand je lui parlais, j'avais l'impression d'avoir à faire à lui. Et ça me détruisait. J'étais sûre qu'il était encore là, quelque part, qu'il était capable de voir, d'entendre et de ressentir, et constamment, je continuais à le chercher. Jusqu'à ce que... Jusqu'à ce que mon coeur se déchire une nouvelle fois.
J'avais rêvé. J'avais rêvé d'un homme. J'avais rêvé d'un homme qui allait mourir. Et j'étais déterminée à le sauver. J'aurais tout fait, remué ciel et terre, pour savoir son identité, et pouvoir l'arracher des griffes du destin. Et quand je l'ai rencontré... Il m'a dit qu'il acceptait son sort. Il était étrange, je l'ai toujours trouvé définitivement étrange. Il était différent, il est différent... Mais c'est impossible de le cerner, de savoir qui il est, et d'en être totalement certain. Ou certaine, dans mon cas. Et pourtant j'ai essayé. J'ai tenté de perçer son regard, j'ai tenté de savoir ce qui faisait battre son coeur, j'ai tenté de savoir pour quelle raison il se trouvait à Rédemption. Mais... La réponse me terrifiait sans doute plus encore que la question.
J'avais fondé la Résistance. J'avais été brisée, mais les quelques mots qu'il m'a glissé m'ont rendue forte, à nouveau. Il était temps de se relever, et de savoir ce qu'on affronte, de faire face à mon destin, aussi tragique soit-il. Et une petite voix ne cessait de me répéter que si j'avais mal, c'est que je m'y forçais, peut-être que mon destin n'était pas si tragique, mais que je ne cherchais qu'à me punir pour tout ce que je n'avais pas fait. D'ailleurs, je ne l'ai jamais avoué, mais dieu que cette voix avait raison. Heureusement, je m'étais à nouveau construit une sorte de famille, j'avais Luke, j'avais les autres, j'avais la Résistance, mon frère était revenu, j'avais tout pour être heureuse. Et ce qui me séparait du bonheur, c'était Rédemption.
Mais j'avais cette crainte grandissant que Rédemption, même si elle me détruisait, elle me rendait docile, gentille, forte, mais pas mauvaise. Et mes visions ne cessaient de me répéter que je deviendrais cette créature du mal. Pour cela, il fallait que je me détache de Rédemption, et que je les renies tous. Bien sûr que je n'avais pas l'intention de le faire. Mais le destin nous joue parfois des tours particulièrement... Sadiques.