Elle était seule dans la chambre. Allongée dans son lit, elle observait les boules de lumière qui dansaient au-dessus de son visage. Ce n'était pas une lumière comme les autres. Ce n'était pas un néon qui déforme les traits, dont la lueur blafarde et dure révèle toutes les imperfections. C'était une lumière pure sous laquelle le visage de Rose prenait des traits angélique. Son teint était plus blanc, ses yeux plus bleus. Même sa bouche s'épanouissait en un sourire fabuleux. Ici, maintenant, seule, au chaud dans le froid environnant, elle était heureuse.

Le bruit parvenant de la salle de bain diminua quelques peu et le sourire de Rose se figea. Mais bientôt, la douche recommença à couler normalement et Rose se détentit. * Fausse alerte* Elle avait encore du temps, elle pouvait profiter de ce moment au moins quelques minutes de plus.
Elle savait qu'à Rédemption, presque tous les élèves avaient des pouvoirs, comme elle. Et même si quelques personnes avaient vues son abilités, elle répugnait à la montrer à tout le monde. C'était son secret. Son pouvoir. De plus, elle détestait que les gens la regardent ou s'intéressent à elle.
Oui, elle avait quelques connaissances ici, même des amis, comme Marine. Pourtant, elle ne se sentait toujours pas à son aise avec les autres personnes de son âge et préférait les rapports simples. Comme ceux qu'elle avait avec sa colocataire Léo. Cette dernière avait l'air d'une gentille fille, mais Rose se sentait tellement à l'écart du monde, elle avait tellement perdu l'habitude des rapports sociaux, que tout était trop vite compliqué avec elle...La distance était la meilleure solution.

Quelques minutes plus tard, alors que les pensées de Rose avait dérivé sur un tout autre sujet, un grand fracas se fit entendre. Aussitôt, la jeune fille se releva, aux aguets et écouta attentivement. Ses lumières avaient disparu pour réintégrer leur places initiales, à savoir le plafonnier et sa lampe de chevet. Tout était calme.
Un faible gémissement parvint à ses oreilles que Rose ne tarda pas à identifier comme venant de la salle de bain. Elle se précipita vers la porte, hésita une seconde, la main au dessus de la poignée, puis ouvrit. La pièce n'était pas fermée à clé.
*Qui ne ferme pas à clé quand il prend sa douche ?* se demanda Rose avant de diriger son attention sur le spectacle qui s'ouvrait devant elle.
Léo, sa colocataire, gisait sur le carrelage blanc, à moitié par terre, à moitié dans la douche. L'eau coulait encore, plusieurs bouteilles étaient éparpillées sur le sol. Rose jeta un rapide coup d'oeil aux alentours. Pas de sang, c'était une bonne nouvelle.
Il lui fallut deux seconde pour faire ces observations avant de se précipiter vers le lieu de l'accident. L'autre fille remuait légèrement.

- Ne bouge surtout pas ! lui dit Rose d'une voix ferme. Si tu t'es cassé quelque chose, ça ne ferait qu'aggraver ta situation.

Rose se pencha pour éteindre l'eau qui coulait encore avant de se baisser vers Léo et de lui demander :

- Ca va ? Tu peux bouger les doigts ? Et les orteils ? Tu as mal quelque part ?

Sa voix était calme et posée, même si l'angoisse se sentait clairement dans son intonation. Elle essaya de calmer les battements de son coeur qui s'était affolé à la vue de l'accident.

Rose regarda passé Léo, impassible. Elle pouvait bien vérifier autant qu'elle voulait, cela ne changerait rien à la situation ! C'était assez stupide de sa part quand même...*Aah, Rose tais-toi ! C'est un réflexe de vérifier. En plus, pourquoi cette fille te ferait-elle confiance, hein ? T'as vu la tête que tu tires ?*
La petite voix dans son esprit avait bien raison, Rose, en cet instant, tant par la gêne et la colère que lui inspirait sa situation, faisait la gueule. Elle n'avait plus rien d'une poupée. Ses joues étaients rouges vifs, ses yeux flamboyaient passant de la porte à la jeune fille, puis de la jeune fille à la douche. Elle ne savait que faire et détestait cette perte de contrôle. Enfermée dans la salle de bain ! Enfermée dans la salle de bain ! Elle fut elle aussi prise de l'envie de vérifier si la porte était bien fermée, si elle n'avait pas rêvé. C'était stupide, vraiment et Rose se serrait empresser d'oublier cette pensée si celle-ci ne lui avait pas amené quelque chose. Elle comprenait Léo. Pour une fois, elle ne trouvait pas une autre personnage de son âge idiote et insipide, pour uen fois, elle se sentait proche d'elle...Un petit peu. Après tout, elles étaient bien unies dans la même galère, non ?
Alors, quand Léo lui parla, Rose réussit à sourire. Cela lui arrivait, elle se demanda même si ses colocataires l'avaient jamais vues avec cet air là peint sur le visage. Rose secoua légèrement la tête. Inutile de préciser en effet, qu'elle n'avait pas l'habitude de défoncer des portes. Avec sa carrure, elle aurait eu du mal à déplacer une table alors...

Léo avait l'air de plus en plus angoissée, voire terrifiée. Quand elle commença à raconter son histoire, Rose du faire un effort surhumain pour compatir au lieu de pousser un soupir agacé. Il était vrai qu'elle détestait les épanchements sentimentaux et autres crises de larmes...Pourtant, c'était presque de l'histoire ancienne, elle avait changé depuis son arrivée. Même si une part d'elle frémissait encore d'horreur à l'idée de se rapproche un tant soit peu de quelqu'un, c'était à présent une partie infime de sa personne, et elle arrivait sans peine à oublier son orgueil. De plus, il y avait quelque chose, chez cette fille qui l'attendrissait. Elle avait vraiment l'air, en grelottant comme cela, les yeux baissés, d'une petite fille de six ans abandonnée dans les toilettes...
Rose se rapprocha d'elle et commença à lui frotter le dos. Elle avait l'air d'avoir froid et malgré tout ce qui lui était arrivée, Rose n'était toujours pas prête à faire des calins à n'imporete qui. Le geste qu'elle faisait, c'était son maximum.

- Aller, ne t'inquiètes pas. L'autre fille dans la chambre, Rosemary je crois, elle va bien se rendre compte qu'on est là. Et puis, vu l'était de cette école, je ne pense pas que ça les gêne de détruire une porte ou deux. ils feraient mieux de toutes les remplacer.

Rose balaya la pièce du regard. C'était moins flagrant dans certaines pièces, pourtant elle n'avait pas pu s'empêcher de remarquer que Rédemption avait plus l'air d'une vieux manoirs centenaires que d'une école.

- Tu crois que quelqu'un va enfoncer notre porte?
-Eum...C'est possible oui.

C'étais possible ? Vraiment ? En réalité, elle n'en était pas sûre. Dans le même temps, une solution commençait à germer dans son esprit, une solution qui résoudrait tous les problèmes... Le froid, et la porte. Mais...Non, non, elle préférait attendre avant d'utiliser son pouvoir. Elle l'avait déjà montré à quelques personnes et à chaque fois, malgré l'admiration que cela lui avait apporté, elle n'avait pas pu s'empêcher de se sentir...Vulnérable.
Ce serait son dernier recours.

- Le problème, c'est qu'à cette heure-ci...La plupart des élèves traînent dans les couloirs.

Rose jeta un regard furtif à Léo, histoire d'observer sa réaction. Elle avait l'air assez chamboulée comme cela, inutile d'en rajouter.

-On pourrait crier, certes. Mais je propose qu'on attende tranquillement ici, si ça te va, jusqu'à ce que quelque chose se passe. On a qu'à en profiter pour...Faire connaissance.

Nouveau regard furtif, anxieux celui-ci. Encore cette peur d'être rejetée. Rose n'avait jamais été douée pour les rapports humains, s'ouvrir comme cela, c'était s'exposer au danger...Elle avait bien l'impression d'avoir déjà eu une amie pourtant...Impossible de s'en souvenir.

Raconter sa vie ? Parler d'elle ?
Rose n'avait jamais fait ça auparavant. Et personne ne lui avait posé une telle question, pas depuis des années en tout cas. C'était étrange de se dire qu'elle ne pouvait pas répondre à une question aussi simple. Il lui suffisait de réfléchir une seconde pourtant pour trouver la réponse appropriée, celle qui lui venait naturellement et que, il y a encore quelques semaines, elle aurait prononcée sans hésitation : « Je ne sais pas quoi dire. Il ne sait jamais rien passer de spécial dans ma vie. »
Non pas que cela fut vrai. Seulement, elle n'avait jamais rien eu à raconter. Elle n'avait pas l'habitude de le faire. Et, pour la première fois, elle au un pincement au coeur à cette pensée.
Elle était seule.
Jamais personne ne s'était intéressé à elle, car elle les avait tous repoussé. Elle était si seule. Rose détourna un peu la tête tandis que des larmes commençaient à apparaître dans son beau regard bleu. Elle ne voulais pas que Léo la voit pleurer. Elle voulait que Léo l'apprécie. Que Léo lui pose d'autre questions. Elle voulait parler de sa vie, si vide soit elle, de ses cauchemars récurants, de son pouvoir. Elle voulait pouvoir rire. Vivre.
C'était décidé. Plus de pleurs. Plus de solitude. Ce serait dur, mais elle allait faire des efforts. Depuis qu'elle était ici, tout avait changé autour d'elle. Son environnement, ses fréquentations, ses habitudes, sa vision de la vie. Après tout, elle avait découvert que d'autres personnes avaient des pouvoirs ! Elle n'était plus seule ! Alors il était temps de changer elle aussi, si dur que cela soit-il. Il fallait bien commencer quelque part.
Et Rose commença par un « Euh... » des plus embarassé. Puis, elle se lança. Tout simplement.

« Et bien Léo, c'est dur de trouver quelque chose de pertinent à raconter. »

Un regard accompagné d'un sourire en direction de Léo, puis Rose se dit qu'elle n'avait pas le choix. Il allait falloir être futile.

« J'ai habité toute ma vie à Hambourg, en Allemagne. Je crois pouvoir dire que j'avais une belle vie. Seulement...J'ai toujours été très seule. Je n'ai jamais vraiment eu d'amie. Peut-être qu'en quelque sorte j'étais trop concentrée sur moi-même. Je ne sais pas...Il y a eu plusieurs choses. Ca, et aussi, je ne me sentais pas comme les autres de mon âge, j'étais en décalage. Puis j'ai simplement perdu l'habitude de parler aux gens. Et puis bien sûr...Il y a eu les rêves. Les cauchemars plutôt. »

Rose ne put s'empêcher de frissonner en repensant à toutes ces images sombres et effrayantes qui peuplaient ses rêves. Elle aurait tellement aimé comprendre. Comprendre pourquoi elle faisait ces rêves, qu'est ce qu'ils signifiaient. Était-ce psychologique ? Cela avait-il un rapport avec son pouvoir ? La plupart du temps, penser à cela lui faisait trop peur pour qu'elle aboutisse à une quelconque réponse.

« Mais je ne préfère pas en parler...Et donc voilà. C'est pour cela que ma mère m'a envoyée ici. Elle pensait que dans un pensionnat, je me ferais automatiquement des amis. C'est un peu raté de ce côté là. »

Rose eu un sourire en coin, désabusé. Finalement, mettre des mots ainsi sur les choses, dire tout haut toutes ces pensées qui envahissaient sa tête, cela lui permettait de relativiser, de se rendre compte que cela n'avait pas d'importance. Elle se sentit plus légère tout à coup.
Quand Léo lui dit qu'elle avait fini de s'habiller, Rose ne retourna pas là où elle était auparavant. Elle s'approcha plutôt de la porte, une nouvelle fois, et recommença à parler.

«  Et maintenant je suis ici. Je peux pas vraiment dire que ça me plaise, mais ce n'est pas si mal. La nourriture pourrait être meilleure. Et le pensionnat est un peu lugubre. Tout comme le Directeur. Mais à part cela...Les gens sont sympas. »

Rose se retourna vers Léo, en espérant qu'elle ait compris qu'elle bien référence à elle en parlant des « gens sympas ». Encore une fois, comme souvent ses derniers temps, elle eu l'image d'une jeune fille blonde en tête. Sans pouvoir se rappeler le moins du monde d'où lui venait cette impression de déjà vu.

« Tu sais Rose, j'ai un peu honte. De moi même. Parce qu'avant le bal d'Halloween, je n'ai pas essayer de te connaître. Et même après, je n'ai pas chercher à de parler. Je suis timide certes, mais je n'ai jamais fait des très grands efforts contre ça. Je suis désolée.
Vraiment. J'espère que... peut-être... on pourrait être amie? »

Être amies ? Cela sonnait étrange à ses oreilles. Mais au fond, l'idée lui plaisait.

« Tu n'as pas à t'excuser. Je n'ai rien fait non plus, tu sais. Mais je suis heureuse qu'on ait pu parler et faire un peu connaissance. Un peu de compagnie dans cet endroit, ça ne peut pas faire de mal. »

C'était décidé. Rose allait utiliser son pouvoir. Elle avait décidé, un peu brusquement il est vrai, de faire confiance à Léo. Elle avait l'air tout à fait innocente...Et vraiment mal à l'aise dans cette salle de bain trop petite.

« Et...Je m'excuse d'avance de ne pas avoir fait cela plus tôt. C'est juste que je ne voulais pas...Enfin bref. Excuse-moi mais je vais nous sortir de là. Ne panique pas. »


La lumière dans la pièce se fit de plus en plus rare. Bientôt, les deux jeunes fille furent plongées dans la pénombre. Rose ne voulait pas que Léo prenne peur, alors elle agit vite. Elle concentra toute la lumière qu'elle venait d'absorber dans ses mains puis donna à la sphère lumineuse la forme de la poignée de la porte, en espérant que son idée marche. La poignée de lumière vint de placer à la place de la vraie.
Doucement, Rose approcha sa main et tourna.
Dans un déclic, la porte s'ouvrit. Elles étaient libres.

« Et voilà ! »