Le samedi. Un jour comme les autres pour certains et spécial pour d'autres. Pour quelqu'un comme Alaric, quelqu'un qui avait passé ses quatre dernières années pratiquement sans amis et avec une famille qui avait peur et lui et l'évitait, le samedi aurait pu être un jour particulièrement ennuyeux et sans intérêt. Mais ce n'était pas le cas du tout. Alaric en était même venu à aimer ce jour, le seul où il était libre de faire ce qu'il voulait, d'aller où il voulait. Le seul où il pouvait librement se laisser porter par le flot de ses pensées sans que personne ne vienne le déranger. Il avait plusieurs fois profité de ce jour ainsi que de l'absence de ses parents et de la majorité du personnel afin d'exercer son pouvoir. Non pas qu'il ne s'entraînait pas quotidiennement à le faire, mais le samedi était le seul jour où il pouvait le faire pendant la journée et ainsi tester les limites de son pouvoir.

Alaric ne voulait pas se dérober à son habitude et passa donc toute sa matinée à rester dans sa chambre et à méditer. Le début de l'après-midi arrivé, il sorti de sa chambre et se mit en quête d'un lieu tranquille et déserté afin de s'entraîner. Il marcha, arpentant lentement les couloirs de Rédemption et observant dans ses moindres détails chaque mur près duquel il passait. Après quelques heures de vagabondage, son esprit remplit d'informations sur l'architecture du pensionnat, il se retrouva à l'entrée du réfectoire. Reprenant conscience de son entourage, ou en tout cas autres que les murs, il s'aperçut qu'un halo de ténèbres l'entourait. Il se retourna et put ainsi voir qu'un chemin de ténèbres jonchait le sol là où il était passé. Alaric n'avait pas l'habitude de se laisser aller ainsi. Il avait toujours dû être prudent afin que personne ne remarque de quoi il était capable. Mais depuis son arrivé à Rédemption, il semblait inconsciemment perdre cette habitude. Ne sachant pas si cela était bon signe ou pas et ne voulant pas trop s'attarder sur la question, le jeune homme dispersa, d'un revers de la main, le halo ainsi que le sentier de ténèbres et s'avança dans le réfectoire.

Celle-ci semblait déserte à première vue et Alaric n'en fût pas surpris. Du peu qu'il avait vu des autres pensionnaires de Rédemption, la plupart étaient ravies d'avoir une occasion de sortir et d'aller se balader en ville. Après une inspection plus approfondit il remarqua qu'une jeune femme était assise à une table, d'étranges objets, semblant être de la glace, assemblées devant elle. Alaric s'arrêta et hésita un moment entre rester ici ou aller chercher un endroit totalement déserté. Se rappelant qu'il se trouvait à Rédemption et que l'usage de pouvoir n'était pas inhabituel, il décida de rester mais d'éviter de faire des choses trop extravagantes. Il reprit sa marche dans le réfectoire et passa près de la jeune femme dont les traits asiatiques sautaient aux yeux maintenant qu'il s'était rapproché. Il remarqua également la maquette, de ce qui semblait être Rédemption à quelques détails près, devant elle. Lui étant impossible d'ignorer ainsi quelqu'un qu'il ne connaissait pas, il s'arrêta brièvement pour la saluer.

« Bonsoir mademoiselle. Magnifique sculpture que vous avez là. S’il est bien de votre fait permettez-moi de vous féliciter pour sa création. Passez une bonne soirée mademoiselle.»

Lorsque la jeune femme vint lui parler, Alaric soupira intérieurement. Ses chances d'avoir une journée tranquille venaient de s'envoler, emporter par ses mots. Ces derniers informèrent toutefois le jeune homme qu'il n'était que quinze heures. Pourtant, il avait l'impression d'avoir passé des heures entières à arpenter les couloirs du pensionnat. Utiliser son pouvoir inconsciemment ... Perdre la notion du temps ... Décidément il ne semblait pas être lui-même aujourd'hui. Il avait commencé à amasser les ténèbres alentours avant que la jeune femme ne vienne lui parler et continua de le faire tandis qu'il relevait la tête pour la regarder dans les yeux.

« Autant pour moi. J'ai dû perdre la notion du temps pendant que je marchais. »

L'air autour de lui s'assombrit, mais Alaric absorba les ténèbres à l'intérieur de lui afin de palier à l'énergie qu'il avait dépensé sans le savoir pendant sa marche. Il préférait être prêt à toute éventualité, surtout ici à Rédemption, quand le danger rôdait à chaque coin de couloir sous la forme de jeunes écoliers, collégiens et lycéens.

Contre toute attente, Alaric fut agréablement surpris par ce que la jeune femme lui dit. Tout d'abord, le fait qu'elle le vouvoie montrait qu'elle était polie et le respectait, deux choses très importantes pour lui. Ensuite, le fait qu'elle désigne les autres pensionnaires en tant qu' « imbéciles », ce qui n'était que trop vrai d'après ce qu'il avait vu d'eux, rassura Alaric. Il n'avait pas rencontré quelqu'un d'aussi franc, directe et partageant la même opinion que lui depuis longtemps, bien trop longtemps. A croire que la franchise est un caractère en voie de disparition. Il se dit que finalement sa journée ne serait peut-être pas si gâchée que ça.

Tandis qu'il était en train de réfléchir, la jeune femme posa sa main sur la sculpture de glace qui entra en mouvement afin de former un serpent de glace semblant vivant, qu'elle commença à caresser. Alaric fut surpris par la capacité de la jeune femme à insuffler la vie à ses créations, non pas car il n'avait jamais vu ça de sa vie, mais parce qu'il ne pensait pas que d'autres personnes que lui l'auraient également. De toute évidence il ne connaissait pas encore assez bien l'école et ses habitants et cela allait être un problème s'il voulait continuer à vivre ici. Alaric se ressaisit mentalement. Il n'était pas au réfectoire afin de discuter avec des gens, mais pour s'entraîner ... Mais si cet entraînement pouvait être accomplit tout en discutant, alors il n'y avait pas de problème.

« Non en effet. Je préfère profiter du calme et de la tranquillité. Et puis je n'ai rien à fuir ... pour l'instant. »

Alaric plaça sa main à quelques centimètres au-dessus de la table. De sa paume sorti un flot de ténèbres qui s'étala tout d'abord avant de se mouvoir et de prendre subitement vie. Il retira sa main après quelques instants laissant apparaître un serpent de ténèbres identique à celui de glace que la jeune femme caressait. Mais il ne s'arrêta pas là, car ce n'était rien comparé à l'entraînement qu'il suivait d'habitude. De ses épaules deux autres jet de ténèbres jaillirent et arrivé au sommet de leurs ascensions, se transformèrent en deux majestueux faucons, qui battirent doucement des ailes et se posèrent délicatement sur les épaules d'Alaric. Finalement, après quelques instants de forte concentration de sa part, les ténèbres sortirent des pieds du jeune homme, se rassemblant sous ses jambes pour former une panthère.

Trois animaux dotés de conscience avait toujours été la limite d'Alaric. Tous les autres qu'il crée après cela n'étaient que des pantins qu'il devait manipuler lui-même. Alaric attendit donc de voir si cette fois-ci il avait réussi ou pas. Le serpent darda sa langue dans un sifflement semblable au serpent de la jeune femme. Les aigles lâchèrent un cri simultané et prirent leurs envole, tournoyant à l'intérieur du réfectoire. La panthère resta immobile. C'était donc un autre échec pour Alaric. Il tendit la main vers la panthère, sur le point de la dissiper, quand celle-ci rugît férocement et fit quelques pas en avant. Alaric retira sa main, exalté d'avoir dépassé ses limites, mais ne montrant sur son visage que son légers sourire impassible habituelle.

Froid. Cette seule sensation plongea Alaric dans les méandres du passé. Une froide nuit, la faible lueur d’un lampadaire lointain, l’éclat d’un couteau … Puis ce fut les ténèbres, les cris et enfin le silence. Ce doux silence. Tellement bon … Et tout ça fut brisé par un son de verre se fracassant sur le sol, le souvenir semblant tellement réel qu’il avait l’impression que la scène se déroulait encore une fois sous ses yeux. Pendant un instant l’esprit d’Alaric assimila cet étrange son à ses souvenirs, mais il se rendît finalement compte que cela ne collait pas. Il n’y avait rien eu de tel. Le silence avait perduré jusqu’à son retour chez lui. Mais alors d’où … Reprenant conscience de son environnement, Alaric remarqua le changement subit de température ainsi que de décors à l’intérieur du réfectoire. Le sol recouvert de glace lui rappela un passage d’un des nombreux livres qu’il avait lu. La scène se déroulait dans une caverne de glace alors que les deux héros étaient en train de combattre un gigantesque dragon de givre. Lorsque la jeune femme se présenta à lui il eu donc pendant un moment l’impression d’avoir le dragon en face de lui, crachant son souffle hivernal sur lui. Il eu à peine le temps d’assimiler ce qu’elle dit qu’il lui répondait déjà, réflexe issu de ses nombreuses années passé dans une société où l’apparence était tout.

« Alaric Aegis Gwolou Stark, terminale, skotokinésiste, à votre service. »

Le cours de ses réflexions sembla affecter ses créations de ténèbres. En effet, celles-ci, d'un commun accord, se rassemblèrent aux pieds du jeune homme. Après quelques sifflements, cris et grognements, les quatre animaux de ténèbres perdirent leurs formes et fusionnèrent en un gros tas de ténèbres. La masse informe commença à se mouvoir dans tous les sens, comme si une créature vivante avait été enfermée à l'intérieur et qu'elle tentait de s'échapper par tous les moyens possibles. Petit à petit, quelque chose de distinct prit forme. Une longue queue apparut tout d'abord, parsemée de nombreuses écailles. Ensuite ce fut le tour des quatre pattes, se finissant en serres acérés, ainsi que du corps, mince tout en restant musclé et tout aussi parsemé d'écailles que le reste. La transformation se termina lorsque la tête, composée d'une mâchoire aux crocs tout aussi acérés que les serres de l'animal, d'oreilles pointues, de deux yeux semblable à celles d'un serpent et d'une peau écaillés également, fut formée. Des flancs de l'animal, sortirent deux grandes ailes membraneuses. Alaric se rendit alors compte qu'il avait devant lui un dragon. Ses créations, leurs esprits liés à leur créateur, avaient vu l'image du dragon de l'histoire dans sa tête et avaient décidé de le reproduire. Il n'y avait qu'un seul problème à tout cela. La conscience du dragon de ténèbres. Il ne prodiguait à ses créations que très peu d'intelligence, car plus elles en possédaient, plus elles devenaient indépendante et échappaient à son contrôle. Mais le dragon était le fruit de la fusion des quatre animaux et il ne savait aucunement qu'elle serait le résultat.

Come pour répondre à ses questions, le dragon, étant légèrement plus grand qu’un humain, tourna la tête vers son créateur et plongea son regard dans le sien. Après quelques instants d’intense fixation où les peurs d’Alaric devinrent des certitudes, la créature, d’un seul et puissant battement de ses ailes, se propulsa en direction du jeune homme et vint se poser sur lui, passant la tête autour de son cou et la posant sur son épaule. Alaric leva sa main et commença à caresser doucement le menton du dragon tandis qu’il reportait son regard sur Abbigail. Arborant toujours le même léger sourire, il parla d’une voix calme et posé, comme il le faisait toujours.

« Tout comme vous, je ne m’attendais pas à voir quelqu’un présent ici un samedi. Je ne m’attendais pas non plus à rencontrer quelqu’un comme vous, cela se fait rare de nos jours. »

La scène qui se déroula sous les yeux d'Alaric fut pour le moins surprenante. Ce n'était pas tous les jours que l'on voyait des ailes de feu apparaitre dans le dos d'une personne. Surtout lorsque celle-ci est une cryokinésiste. Il resta donc assit, observant la jeune femme tandis qu'elle luttait contre ce qui était en train de lui arriver. La seule réaction du dragon fut d'ouvrir la bouche et de lâcher un nuage de ténèbres qui flotta un moment dans les airs avant de se dissiper. Lorsque les ailes de feu disparurent sous une couche de glace et qu'Abbigail tomba à terre, tremblante, il se sentit obligé d'aller l'aider. Il se leva ... ou plutôt tenta de se lever. Le dragon, s'était enroulé tout autour de son corps, immobilisant ses jambes à laide de sa queue et ses bras grâce à ses puissantes serres. Il fallu quelques instants pour qu'Alaric réalise ce qui était en train de lui arriver, mais il ne se débâta pas pour autant et réfléchit calmement à la situation. Il était impensable que l'une de ses créations se retourne contre lui, sans qu'il ne leur en donne l'ordre, mais cela n'était pas le cas en ce moment. Lorsqu'il animait ses ténèbres il leur donnait une routine à suivre et c'est autour de cette routine que la conscience de la créature se construisait. Plus elle était compliquée, plus grande était la conscience.

* Le dragon est le résultat de la fusions des quatre animaux, sa routine se compose donc d'un mélange de celle de ces derniers. La seule routine que j'ai donnée au serpent est de rester près de lui. Celle des aigles était de voler à travers le réfectoire. Et celle de la panthère était ... de me défendre ... *

Le dragon agissait donc pour défendre Alaric du danger. Et après ce qui venait d'arriver à Abbigail, cela était compréhensible. Mais il ne pouvait pas ne pas aller aider la jeune femme. Cela aurait été allé contre ses convictions les plus intimes. Il était en son pouvoir de lui venir en aide. Mais s'il n'utilisait pas ce pouvoir, s'il restait assit là à l'observer sans rien faire, à quoi servait-il ? Non, il ne pouvait pas laisser cela passée. Alaric se concentra sur le dragon afin de le dissiper. Les ténèbres qui le formait se troublèrent et l'emprise de la bête sur lui s'amoindrit. Il se leva ... ou encore une fois, tenta de se lever, mais quelque chose le retint au dernier moment et le força à se rasseoir. Le dragon était toujours là sa forme ayant légèrement changé. Il réessaya de le dissiper, mais au lieu de cela des volutes de ténèbres s'échappèrent du corps du jeune homme et furent absorber par le dragon qui grandissait et changeait de forme au fur et à mesure. Des piques apparurent derrière sa tête et le long de sa colonne vertébrale, son corps s'agrandit, les écailles s'écartant par certains endroits et laissant voir une étrange lumière pourpre. Ses ailes s'agrandirent eux aussi, la membrane prenant la même couleur pourpre et les extrémités se changeant en gigantesques crochets. Sa queue s'allongea de plus en plus et perdit de sa substance, devenant une sorte d'amas de fumée ténébreuse. La créature enroula son long cou autour de la gorge d'Alaric et plaça sa tête en face de lui, soufflant, encore une fois, un nuage de ténèbres. La peur s'insinua lentement dans l'esprit d'Alaric sous l'effet du souffle du dragon. Les deux orbes pourpres qui lui servaient d'yeux le percèrent du regard. L'étrange lueur qui les habitait maintenant sembla familière au jeune homme. Les seules fois où il avait vu une telle chose était lorsqu'il regardait Skorya dans les yeux. Il parla d'une voix tremblante.

« Skorya ... Que ... Comment ... Pourquoi ? »

Les questions se bousculèrent dans son esprit, l'empêchant de penser clairement, lorsqu'une douce voix féminine retentit dans sa tête.

* Calme-toi petit frère. Tu sais très bien que je ne te ferais jamais de mal. Mais je ne peux pas te laisser t'approcher de cette femme non plus. Elle est dangereuse. *

« Skorya ... »

* Je ne changerais pas d'avis petit frère. Pour notre bien à tous les deux je ne te laisserais pas te mettre en danger ! *

Un sentiment familier commença à grandir à l'intérieur d'Alaric. Il ne l'avait pas ressenti depuis des années, mais les mots de Skorya, sa volonté de l'empêcher de faire ce qu'il avait à faire, ramenèrent cette sensation à la vie. Cette indignation. Ce ressentiment. Et surtout cette rage. Oui, c'était bien de la colère qu'il ressentait. Mais la colère ne se limitait pas à cela. La colère est le sentiment de vrai libération, l'expression de la liberté absolue. La colère était le meilleur outil qu'Alaric avait en sa possession. C'était son don. Lorsqu'il parla cette fois sa voix n'avait rien du calme qu'il laissait voir d'habitude. Elle était pleine d'émotions et la colère se ressentait derrière chacune de ses syllabes. Il marqua une légère pause entre chaque mot pour accentuer leurs sens.

« Relâche-moi ... tout ... de ... suite. »

Il accompagna ses paroles d'un regard noir - autant au sens propre qu'au sens figuré - qu'il fixa sur les deux orbes pourpres. Ni le dragon, ni Alaric ne bougèrent pendant un moment puis la créature baissa la tête et se détacha du jeune homme. Il se leva immédiatement et s'approcha d'Abbigail, fermant les yeux un moment afin de se calmer et de laisser le temps à ses pupilles de reprendre leur couleur habituelle. Il s'accroupit près d'elle sans toutefois la toucher et parla d'une voix de nouveau calme et posé.

« Est-ce que tout va bien ? Bien que cela semble étrange, vous semblez avoir omit le fait que vous étiez également une pyrokinésiste lorsque vous vous êtes présentée. »

« Aaaaaaaaaaaah ! »

Ce fut au tour d'Alaric de tomber à genoux. Le cri qui résonna dans sa tête aurait pu faire rougir une banshee. Chaque cellule de son corps criait à la mort. Sa tête était sur le point d'imploser. La douleur était si intense qu'il en perdit l'usage de ses sens. Si ce n'était pas le cas il aurait pu sentir le sang lui coules des tempes tandis qu'il se tenait la tête dans les mains. La partie de son esprit encore intact alla se refugier de plus en plus profond dans les méandres de son cerveau jusqu'à se retrouver dans le noir complet. Tandis que l'enfer semblait se déchaîner au dehors, cette petite parcelle d'esprit se trouvait dans un étrange liquide noir qui le berçait délicatement comme s'il se trouvait dans une rivière et qu'il se laissait emporter par le courant.

* Alaric ... *

La douce voix semblait venir de tous les côtés à la fois, comme si le lieu dans lequel il se trouvait lui parlait. Il continua de flotter dans cette étrange endroit, la voix venant se rajouter au doux bercement.

* Tout va bien, ne t'inquiète pas. Tu ne crains rien ici. *

Pendant un court instant Alaric sembla reconnaître la voix, mais tout était tellement bien ici, aucune douleur, aucune tristesse. Seulement le léger bercement.

* Je suis là. Je m'occupe de tout. *

Petit à petit, il perdit le peu de conscience qu'il avait de ce qu'il lui arrivait. Il n'y avait plus rien. Rien n'existait à part la douce voix et le délicat bercement. Tout le reste avait disparu.

* C'est ça, oublie tout. Repose toi ici ... pour toujours. *

Puis ce fut le déclic, comme s'il s'était prit une décharge électrique pendant qu'il dormait et qu'il se réveillait en sursaut. Il reprit complètement conscience de lui-même. La douleur était toujours là, mais quelque chose de plus puissant venait de la submerger. Pour la deuxième fois en quelques minutes Alaric ressentit la colère monter en lui. Il se releva et se retourna, fixant une nouvelle fois le dragon dans les yeux. Toute la salle s'assombrit d'un seul coup, mais Alaric et la dragonne ne disparurent pas pour autant. Au contraire, les ténèbres semblait les ... illuminés. Pendant un instant le temps sembla s'arrêter. Dans ce même instant les ténèbres s'intensifièrent, plongeant complètement la salle dans le noir absolu. Puis, aussi rapidement qu'elles apparurent, les ténèbres se dissipèrent. La dragonne n'était plus là. La seule trace restant de ce qui venait d'arriver était l'étrange lueur noire qui émanait d'Alaric. Avec un soupir qui mêlait le soulagement et la fatigue le jeune homme se dirigea mollement vers le banc le plus proche et s'assit lourdement dessus.

Peur. Colère. Résignation. Trois émotions aux prises l'un contre l'autre. A la clé de ce combat une emprise total sur l'esprit d'un homme. Ce fut la peur qui porta le premier coup, la petite mort, comme elle était parfois appelée, s'insinuant lentement dans l'esprit et apportant l'oblitération totale. La peur de perdre le contrôle était ce qui hantait l'esprit d'Alaric. Ne plus être maitre de soi. Être le spectateur de sa propre vie et incapable d'y faire quoi que ce soit. Il venait de passer très près de tout cela. Trop près à son goût. Mais il n'en voulait pas à Skorya pour autant. Elle avait agi pour son bien à lui ... et le sien par extension. Perdre confiance en elle aurait été naturel, mais elle était l'une des seules personnes en qui il avait placé celle-ci et il ne pouvait pas se permettre de le faire. Pas s'il voulait rester un minimum sain d'esprit. Toutefois, une chose était sûre. La mort est préférable à la perte de contrôle et il n'hésiterait pas à se la donner si cela se reproduisait. Pas une seule seconde.



Des menaces de mort. La peur perdit toute attache sur l'esprit d'Alaric instantanément. Ce n'était vraiment pas le genre d'Alaric de trembler de peur sous les menaces. Comme il est dit couramment "jamais deux sans trois", ce fut donc pour la troisième fois de suite qu'Alaric se mit en colère. La douce sensation de ressentiment et d'indignement mélanger à la liberté l'emplit encore une fois. Il se releva lentement. La lueur obscure qui l'entourait s'intensifia, donnant l'impression que de la brume sombre s'était levé sur plusieurs mètres autour de lui et ses pupilles devinrent noires comme un abyme sans fond. Comment osait-elle le menacé de la sorte ? Sans aucune raison apparente en plus. Il pouvait tolérer beaucoup de choses, mais pas ceci. Pas dans l'état mental dans lequel il était. Pourtant, une petite partie de lui était contente que tout cela arrive, car autrement il serait toujours plongé dans sa peur. La colère avait maintenant atteint son paroxysme. Il était temps d'agir et de déchaîner toute cette rage.



La rage laissa place à l'incompréhension. Tuer Elliott ? Asami ?! La seule chose que comprit Alaric fut qu'Abbigail était sans aucun doute folle. La colère retomba. Les ténèbres se dissipèrent. Ses yeux reprirent leur couleur naturelle. Les questions fusèrent dans sa tête. Qui était cette Asami à qui elle semblait parler et surtout où était elle ? En quoi Elliott était-il concerné dans toute cette histoire ? Les précédentes paroles de la jeune femme étaient ils donc destinées à cette Asami ? Puis la résignation s'installa lourdement dans son esprit, comme si son esprit était une enclume et qu'un grand forgeron, aux bras aussi épais que les cuisses d'un cheval, avait abattu son marteau sur lui. Peut-être que la folie était ce qui l'attendait lui aussi. Plus rien n'avais de sens. Mais plus rien n'avais d'importance également. Alaric éclata de rire. Il rit à tel point qu'il en eu mal et tomba à genou par terre, s'agrippant le ventre des mains. Et il continua de rire. Encore et encore.