La nuit était tombée sur le pensionnat, tel un rideau sombre tombant sur le monde. La lumière nacrée de la lune filtrait à travers les rideaux de la chambre de Rachel, particulièrement usés par le temps.

La jeune fille, allongée sur son lit, était perdue dans ses pensées, comme d'habitude. Elle était arrivée dans l'après-midi, et angoissait déjà à l'idée de rentrer en cours. Comme à chaque fois que la rentrée des classes était sur le point d'arriver, en fait.

Le gargouillement de son ventre la fit revenir à la réalité. Elle n'avait pas mangé depuis le matin où elle était partie de chez elle, trop stressée à l'idée de rentrer au pensionnat pour que son estomac puisse ingurgiter la moindre nourriture, et elle ne se rendit compte que maintenant qu'elle était affamée.

Elle soupira à s'en fendre l'âme, et se leva dans un ultime effort, pour atteindre la porte de sa chambre. Il était assez tard, et elle espérait ne croiser personne au réfectoire. Ce n'était pas vraiment le bon moment pour faire de nouvelles rencontres. Ses pas la menèrent aux grandes et lourdes portes du bâtiment, qu'elle poussa avec un petit effort. La fraicheur du bâtiment fit du bien à son esprit tourmenté, et elle constata que quelques personnes étaient installées aux tables de couleur pastel. Fronçant les sourcils, Rachel s'empara d'un plateau et se dit qu'il n'était peut-être pas si tard qu'elle l'avait pensé. La jeune fille constitua son repas d'une salade, d'une part de quiche et d'une bouteille de soda. Se dirigeant vers une table assez éloignée des personnes déjà présentes, elle s'installa, et s'empara de sa fourchette, observant sa nourriture d'un air absent.

Elle était seule... Comme d'habitude.

Comme toujours, je ne me trouvais pas dans ma chambre. Je n'avais toujours pas assimilé l'idée de devoir la partager avec une autre personne. Ainsi, comme tous les jours, je m'étais levé très tôt, vers 5 heures du matin, afin de me préparer avant que ma jeune colocataire aux cheveux bleus ne se réveille et d'aller dans la cours en attendant que l'heure des cours ne sonne. Après une longue et ennuyante journée de cours interminables et tous plus plats les uns que les autres, j'avais trouvé refuge, comme tous les soirs près d'un arbre au bord du lac. Là-bas, j'y trouvais un calme qui me permettait de lire et de réfléchir sans que l'on vienne me déranger. Sans compter que la vue sur le lac était aussi magnifique qu'apaisante.

Cela devait faire à présent 3 heures que je me trainais au bord du lac, perdue dans mes pensées. J'attendais Que sonnent les alentours de 21h afin d'aller manger sans pour autant avoir le vacarme incessant des turbulents élèves qui jubilait autour des tables, ou encore pour éviter les innombrables batailles de boulettes de viandes dont le réfectoire était souvent le théâtre... Je jetais un petit coup d’œil à ma montre et fut ravie de voir l'inscription 20h50. Refermant mon livre que je rangeais délicatement dans mon sac, avant de me lever et de frotter doucement les pans de ma robe afin d'en enlever tous les brins d'herbe ou petits insectes qu'y auraient eut la mauvaise idée de s'y nicher. J'attachais mes cheveux d'un ruban gris et me dirigeais vers le réfectoire.

Les portes de la cantine s'ouvrirent sur mon passage et je m’engouffrais à l’intérieur pour enfin y prendre mon dernier repas de la journée. J'avais faim. Une fois que j'eus choisis mon menu parmi les repas proposé, je pénétrais dans la grande salle. Il y avais encore un peu de monde, mais à ce niveau là, ce n'était pas vraiment gênant. Quelques tables par ici, quelques tables par là, voila ce qui était occupé par quelques groupes d'élèves. Mais plus loin derrière, ce ne fut pas un groupe qui s'attablait dans un calme parfait, mais une jeune fille. Elle devait aimer le calme, comme moi. Doucement, je m'approchais d'elle et me postais en face d'elle, en décaler de deux ou trois places. Je ne voulais pas la déranger. En m'installant, je lui adressait un petit sourire. Elle avait choisis un bon endroit, les autres groupes n'étaient pas vraiment très proches. Puis, vainquant ma timidité, après quelques bouchées, je m'approchais d'elle.

-Salut, je suis Alice. C'est plutôt calme ici non?

Perdue dans ses pensées, Rachel entendit à peine les portes du réfectoire claquer derrière elle et sentit à peine le courant d'air qu'elles avaient causé effleurer sa peau, observant son repas d'un regard vide. Le léger brouhaha des quelques personnes présentes dans le réfectoire ne la dérangeait pas, bien au contraire. Elle appréciait ce calme environnant. Mais elle préférait demeurer seule, surtout pour rechercher le calme et la solitude, car la rouquine avait une légère tendance agoraphobe. Quand elle se trouvait au beau milieu d'une foule, Rachel se sentait oppressée, étouffée, comme si ses poumons manquaient d'air au fur et à mesure que les gens se mouvaient difficilement. Et elle ne ressentait pas cette étrange impression que physiquement, car le pire, c'était ce qui se passait dans sa tête. Toutes les émotions des gens qui se trouvaient à moins d'un mètre d'elle étaient captées par Rachel, et quand il y en avait trop, cela devenait insupportable. Une boule se formait dans sa gorge, suivit par une horrible envie de vomir. La jeune fille tressaillit. Il fallait vraiment qu'elle essaie de contrôler cela.

Elle entendit soudainement une chaise que l'on tirait, à côté d'elle. Du coin de l’œil, elle observa la personne qui s'y était installée. C"était une jeune fille d'apparence calme, qui recherchait apparemment autant la sérénité qu'elle-même. Rachel aurait pu essayer de vaincre sa timidité et essayer d'aller lui parler, mais voilà. Elle n'y parvint pas. Que pourrait-elle bien lui dire ? Et qui lui disait qu'elle allait bien pouvoir s'intéresser à elle ?

-Salut, je suis Alice. C'est plutôt calme ici non?

La rouquine leva les yeux de son assiette et l'observa, remarquant qu'elle s'était rapprochée d'elle. Elle fut pendant quelques secondes comme envoutée par ses yeux, qui étaient d'un bleu que Rachel avait rarement vu auparavant. Puis elle lui sourit, et répondit d'une voix douce et calme :

- Il est vrai qu'à cette heure-ci... Les batailles de nourriture sont plutôt rares.

Elle but une gorgée d'eau, et poursuivit en souriant, tentant de paraître amicale.

- Enchantée. Je suis Rachel.

-Enchantée de te rencontrer Rachel

//FLASH BACK ON//

Nous étions en 2008, j'avais 14 ans. J'étais seule au fond de l'immense salle que l'on appelait le réfectoire. Je mangeais dans le coin le plus sombre et le plus reculé de la pièce, je n'aimais pas être en compagnie des autres personnes. Je n'avais pas vraiment faim alors je tripatouillais les morceaux de patate qui se trouvaient éparpillés dans mon assiette. Puis, un jeune homme me fit décoller le nez de mon assiette. Il était beau et devait être du même age que moi.

-Que fais-tu là toute seule? Tu dois t'ennuyer. Ça ne te gène pas que je te tienne un peu compagnie? Je m'appelle Eliott!

Dès que j'eu croisé son regard, je fus comme envoûtée par lui. C'était la première fois que nous nous voyions, mais j'avais déjà l’impression de la connaître. J' l'invitais donc à s'asseoir, et nous avions discuter tous les deux, dans notre petite coin de réfectoire.

//FLASH BACK OFF//

Allez savoir pourquoi? L'instant présent me rappelait cette scène de mon passé. J'étais assise en face de la jeune femme qui me disais s'appeler Rachel. Je fus amusée en constatant qu'elle non plus, elle n'appréciait pas vraiment les batailles de boulettes de viande. À sa manière de me répondre, je devinais qu'elle devait être tout aussi timide que moi... Nous avions le même air. Je remarquais que l'une des mèches de ses long et lisses cheveux rouges traînaient dans la sauce du hachis parmentier qui était servi dans son assiette. D'un geste rapide, j'écartais les cheveux de la jeune fille afins qu'ils sortent de son plat.

-Désolée, fis-je en remarquant son air gêné, tes cheveux était dans la sauce...

Je souris d'un air rassurant avant de siroter lentement le jus de pomme que j'avais eu la chance de trouver. C'était la dernière brique qui restait parmi les bouteilles d'eau. Une petit silence s'installa entre nous, mais ce ne fut pas un silence gênant ou embrassant. C'était un silence, simplement parce que nous étions calme et que nous comprenions chacune le caractère de l'autre. Après plusieurs minutes, je relevais la tête vers elle

-Je comprend pourquoi certaines personnes préfèrent se battre avec la nourriture plutôt que de la manger, on ne peut pas dire que ce soit un restaurant 5 étoiles. ajoutais-je avec un petit rire.

Elle gambadait dans les couloirs, perdue dans ses pensées. On pouvait dire que Marine était assez rêveuse quand elle était seule, toujours la tête dans les nuages. Mais bon, vu qu'elle n'était comme ça que quand elle était seule, peu de gens le savait. Elle devait aller à la cantine, son ventre commençant à crier famine, et chercha donc le chemin vers la grande salle. Elle avait un air sans expression, encore un peu fatiguée à cause de sa journée, mais bon, elle devrait s'y faire. Elle ne connaissait pas encore grand monde, mais elle n'y voyait pas d'inconvénient.

Arrivant devant la grande porte, elle vit que celle ci était entrouverte, et entra. Il n'y avait pas beaucoup de gens, et se dirigea vers les plats. elle avait vraiment faim, mais les menus proposés n'avait pas l'air très... appétissant. Elle regarda les plats, et choisis de la salade, avec le peu de frites qu'il restait et alla s'asseoir dans un coin. Il y avait déjà quelques personnes, mais elle ne voyait pas où elle pourrait s'asseoir.

Marchant silencieusement vers la table, elle passa devant les trois personnes assise en train de parler, n'en connaissant aucune, et s'assit un peu plus loin. Enfin, façon de parler. Une place ou deux du groupe. Eh oui, elle mangeait souvent seule. Elle ne mangeait jamais beaucoup, et ses repas étaient tous pour la plupart à moitié pleins quand elle arrêtait de manger. Non pas qu'elle trouvait ces repas pour le moins... Immonde. Mais elle mangeait rarement un repas complet depuis quelques temps.

Elle n'avait pourtant pas de problèmes de santé particulier, mais en ce moment, elle avait une boule dans l'estomac, qui lui coupait l'appétit quand elle mangeait trop. Mangeait trop.. Ou du moins, quand elle commençait à manger. Elle ne savait même pas pourquoi elle avait cette boule dans le ventre, mais elle devait avouer que c'était.... gênant. Elle pris sa fourchette, et la regarda un instant. Puis après quelques minutes à la fixer, elle piqua une frite, et la mangea. Le goût était tout juste potable, mais elle devait avoir un truc dans le ventre. Aussi immonde était la chose.