Elle ouvrit les yeux et sursauta dans un seul mouvement. L'air qui emplissait ses poumons la brûlait de l'intérieur. Elle était morte ? Non... Abbi n'avait pas réussi. Elle se souvenait, elle se souvenait de tout. C'était la première fois, non ? Avec un haut le cœur, elle découvrit ses vêtements à moitié déchirés et surtout le sang qui teintaient ceux-ci. Elle se passa une main hésitante dans les cheveux, eux aussi collées par le sang, mais cette fois, ce n'était pas le sien. Elle se retourna vivement et finit par remarquer les deux corps étendus. Le surveillant était plein de sang, lui aussi, mais elle devinait qu'il s'agissait de son sang à elle. Il était allongé la tête loin d'elle, les yeux fermés, mais toujours bien présent. Seulement, il avait dû lui sauver la vie, et cela l'avait épuisé. Quant à l'autre corps, qui se mouvait avec beaucoup de mal pour respirer, avait la tête de son côté, les yeux fixés sur elle. Elle eut un nouveau haut le cœur, voyant Elliott dans cet état, tout en se rappelant qu'elle en était la cause. Mais, ce n'était pas le moment, pas le moment de pleurer encore sur son sort, il y avait plus urgent. Alors, elle se mit à genoux, le visage du garçon entre ses mains, dans une position inversée. Ses cheveux devait lui chatouiller les joues. Elle déposa un baiser sur son front, plus qu'inquiète.


Comment Abbigail avait-elle osé ? Comment avait-elle pu lui faire du mal ? Ouuuh, dès qu'elle en aurait l'occasion, Asami se vengerait, oui, c'était certain. Elle ne pu s'empêcher de verser un larme, qui tomba sur le front du jeune homme qui la fixait toujours. Non, il n'était pas mort, bien heureusement d'ailleurs. De toutes façons, elle n'aurait décemment pas pu le supporter. Quelques mots lui revinrent en mémoire, ils avaient un ton étrange, mais cela fut probablement dû au fait qu'elle avait été spectatrice dans cette histoire... « Je t'aime Asami. » Aïe. Elle avait peur d'aimer quelqu'un, simplement de crainte de faire du mal. Et alors qu'elle ne savait même pas où ses sentiments se situaient, voilà qu'elle l'avait déjà presque assassiné. Ouch. Quel jour de rentrée... Elle caressait douloureusement le visage de l'adolescent. Non. Il ne pouvait que s'être trompé, il ne pouvait pas l'aimer, pas elle. Cette pensée lui fit entrouvrir la bouche, dans un geste arrêté, figé.

Asami n'avait pas particulièrement envie de savoir s'il voulait ou non prendre ce stupide risque. Elle voulait le garder près d'elle, le prendre dans ses bras, mais vu le bruit qu'avait fait ses côtes, il ne valait mieux pas qu'elle le touche. Aussi, elle lui chuchota à l'oreille qu'elle serait bien allée chercher de l'aide, mais qu'il était hors de question qu'elle le laisse, pas encore. Aussi, son cœur semblait avoir parfois du mal à battre, pourtant, elle arrivait à respirer, parfaitement. Mais... Peut-être s'était-il lui-même dit que c'était la fin du calvaire... C'est stupide. Un cœur n'a pas de conscience et, non, elle n'en avait pas besoin d'une troisième.

Adam n'avait qu'une envie, à l'heure actuelle : dormir. Il était littéralement vidé de toute énergie, et déjà, il se sentait plonger dans une espèce de léthargie. Il n'écoutait plus vraiment ce que se disait les adolescents, il ne se souciait même plus de sa situation d'adulte, qui ne lui permettait pas vraiment pourtant de se laisser tomber dans un sommeil, à même le sol, là, maintenant. Oui, car là, il commençait sérieusement à tomber dans un sommeil léger pour le moment, mais qui ne tarderait pas à devenir lourd. Il réalisa donc que de faire ainsi la marmotte tranquillement dans le hall, les mains pleines de sang, et deux élèves possiblement blessés en face de lui, cela était tout, sauf raisonnable, vraiment. Il poussa un faible soupir, en se redressant doucement. Le garçon avait fait une sacré chute, et au souvenir de la manière dont il était tombé, il devait avoir pris un sacré coup. Mais l'adulte n'avait vraiment pas la force de se lever, là, tout de suite. Il se laissa retomber sur le dos, les yeux fermés, et se contenta d'annoncer, d'une voix pâteuse et presque endormie, à l'intention du garçon :

Il laissa échapper un bâillement, mettant fin à cette tirade digne d'un médecin. Bon. Un médecin ne diagnostiquait pas un patient couché sur le dos, les yeux fermés, mais bon. Il soupira, luttant pour ne pas s'endormir. Ce qui le fit redresser en sursaut, ce fut des voix qui commencèrent à se faire entendre dehors. Quelqu'un arrivait ? Qu'allait-il penser en voyant une telle scène ? Adam se releva tant bien que mal, s'approchant à cloche pied des adolescents. Il avait été capable d'arrêter par il ne savait quel miracle une hémorragie, mais n'était même pas capable de supporter une cheville tordue, pfff. Mais bon, là n'était pas l'urgence. Il se baissa à hauteur des deux élèves, posant une main sur l'épaule de chacun des deux, brisant certainement une scène intense entre eux, mais il y avait urgence. Il sentit une petit décharge en les touchant, et retira aussitôt ses deux mains, mais garda son expression sérieuse.

Il indiqua du doigt le sang éparpillé un peu partout, sur le sol, ainsi que sur chacun d'eux, leurs vêtements. Les personnes qui arrivaient allait croire qu'ils avaient commis un meurtre. Et pour commencer une année, cela n'était vraiment pas terrible. Il poussa un soupir à cette pensée, passant sa main dans ses cheveux pour arranger les mèches qui retombaient sur son visage. Idiote idée, puisque maintenant, ses cheveux aussi étaient teintés de rouge, et poisseux.

La jeune fille fixa le surveillant en étant pourtant totalement ailleurs. Qu'allait penser ceux qui allaient arriver ? Elle frissonna à cette pensée, en se souvenant que pour beaucoup, elle serait la cause de tout - aller crier partout qu'elle était soumise à une deuxième personnalité malfaisante n'était pas vraiment dans ses projets -, et elle risquait peut-être le renvoi immédiat. Elle dévisagea Elliott, il fallait qu'elle prenne les choses en main. Asami acquiesça mollement aux derniers mots d'Adam. Il fallait se reprendre, maintenant. Elle glissa sa main jusqu'à celle d'Elliott, d'une façon furtive, vous imaginez bien. Alors que le pion s'éloignait pour chercher probablement de quoi nettoyer, et se changer (tout en ayant verrouillé la porte massive préalablement, on ne sait jamais), elle releva tant bien que mal le jeune garçon, pour le mettre sur ses deux pieds. Elle le retenait en dessous des bras, pour qu'il soit bien stable. Mais autant le dire : elle n'était pas du tout rassurée. Cependant, elle affichait un air sûr, déterminé, qui se voulait rassurant, et qui ne l'était probablement pas.
Elle affichait un petit sourire maternel et inquiet, pas des plus adaptés, pas avec lui, en tout cas. Elle voyait bien qu'il se retenait de hurler à chaque pas, au moins, elle le soulagerait d'un point de vue psychologique. Elle finit par s'arrêter, sentant parfaitement qu'un pas de plus et il allait s'écrouler. Ouch. Elle le fit asseoir sur une chaise, s'accroupit avec un air fatigué qu'elle ne dissimula pas, lui serra la main entre les deux siennes, et chuchota :

L'asiatique baissa les yeux, n'ayant aucunement la force de soutenir son regard. Elle se souvenait avec douleur de son dernier petit ami en date, qui l'avait larguée à cause d'Abbi. Elle ne préférait pas y penser. Après tout, Elliott était une sorte de petit frère. Frère hein... ? Asami n'avait-elle pas déjà un petit frère, qui devait approcher les dix ans maintenant, et qu'elle n'avait pas revu depuis au moins six ans ? Savait-il au moins qu'elle existait, qu'elle l'aimait, quelque part loin dans ce monde ? Entre famille et amour, on ne pouvait pas dire qu'elle avait été gâtée. Elle soupira longuement, sans aucune retenue. Pourquoi n'avait-il pas dégagé sa main ? Elle aurait aimé relever la tête et lancer un air de chien battu, mais ça aurait été hypocrite de sa part, non ? Elle ne voulait pas lui... ? Non. Elle avait peur, toujours peur.

Asami resta bouche bée un instant. Comment un être si doux avait pu tuer qui que ce soit ? Elle n'avait pas peur, cependant, elle ressentait seulement encore plus d'affinité avec le jeune homme. L'adolescente reprit la main d'Elliott, avec plus de force, tout en fronçant les sourcils dans air pas satisfait du tout. Non, mais, oh, il fallait qu'il se calme, là. Elle se retint de lui donner une grande baffe - qui aurait eu comme but de seulement le faire revenir sur Terre. Elle se calma, glissa ses paumes jusqu'aux joues du garçon, tout en se redressant un peu pour arriver à sa hauteur, puis elle colla son front à celui du garçon, tentant de garder le plus grand calme possible.

Wah. Asami et sa répartie, du tonnerre. Franchement, elle aurait pu clouer le bec du n'importe qui, comme ça, non ? Non... D'accord. Elle était franchement nulle, sur ce coup là. Mais, bon, elle ne savait pas trop ce qu'il fallait qu'elle fasse, elle supposait que son ton sévère suffirait à le convaincre d'arrêter d'être comme ça, là, froid, distant. Il n'avait pas le droit, pas avec Asami.

Elle avait fermé les yeux, se concentrant sur le front du jeune homme. Sa respiration, principalement, était lente et régulière. Elle n'en pouvait plus, de le sentir si mal. Elle n'avait pas besoin d'un pouvoir psychologique, hein, c'est juste que ça paraissait évident. Alors, elle glissa sa main jusqu'à son cou. Il fallait qu'elle arrête, elle le savait. Mais la raison, et l'envie... Donc, elle tenta de se reprendre, pas en vain cette fois. Asami se détacha d'Elliott, pour se relever, elle garda juste un de ses doigts accroché au sien, comme si rompre le contact les tuerait. Il fallait qu'elle lui donne des ailes.

Elle glissa sa main derrière son dos, pour le soutenir à nouveau. Puis elle prit grande attention pour l'emmener doucement, tout doucement à l'infirmerie. Elle était décidée, elle allait se battre, pour qu'il aille mieux. Zut, qu'aurait-il advenu d'elle s'il n'était pas intervenu ? S'il n'était pas entré dans la pièce ? Elle lui devait au moins ça, au moins...