Abbigail avait prit le dessus. Depuis presque une heure elle contrôlait le corps de la petite Asami. En plus d'avoir tout les défauts possibles et imaginables, Abbi fumait. Elle était descendue du train avant tout le monde, supportant mal la présence de tout ces gamins. Elle cherchait quelqu'un à son niveau, quelqu'un qui pourrait la comprendre. Une vraie cause perdue.

Elle remonta l'allée du centre sans joie, son air neutre au visage. De toutes façons, quand elle souriait sans se forcer elle avait tendance à avoir des airs de psychopathe, donc bon. Les quelques marches qui la séparait de la porte massive furent vite gravies elles aussi. Alors, elle poussa l'énorme morceau de bois, dont les gonds avait dû être huilés car ils ne grinçaient pas. Il y avait quelqu'un dans le hall, quelqu'un qui semblait plus approcher son âge à elle que celui des gamins du train.

Elle lança un grand sourire au jeune homme qui paraissait légèrement nerveux. Il lui souhaitait la bienvenue ? C'était un bon début.


Elle avait cet air autoritaire et sans gêne que beaucoup lui enviait. C'était une personne à laquelle on ne pouvait pas réellement dire non, en tout cas pas sans se mettre dans une danger certain. Car ses colères... Mais, il n'est pas temps d'en parler. Le jeune homme sembla étonné et ne comprit peut-être pas cette motivation, cette satisfaction à entrer dans ce lieu morbide.

« J'imagine que tu es un surveillant ? Je peux te tutoyer, au fait ? »

Elle aimait assommer l'adversaire avec des mots, et le garçon qui ne comprenait pas grand chose de ce qu'il lui arrivait resta muet un moment. Ce qui ne plu pas, mais alors pas du tout à Miss Abbigail. L'atmosphère de la pièce se refroidit totalement. Contrairement à Asa, sa moitié contrôlait parfaitement son pouvoir.



Voilà, son air était sadique, limite meurtrier. Se rendant compte qu'elle allait trop loin, elle inspira profondément, puis expira. L'air se réchauffa. Elle eut un petit rire et un grand sourire destiné au probable surveillant.

Elle avait des attitudes de gamine à faire craquer n'importe qui. Peut-être seulement que l'autre avait été surpris de ne pas avoir à faire à une mare de marmots, mais à une jeune femme majeure, un peu secouée, également...

Abbi se retint de soupirer, et leva seulement vaguement les yeux au ciel, avec un petit rire contrôlé. L'humour étrange du pion la faisait sourire, en fait. Peut-être parce que personne ne tentait de lui faire des blagues, normalement, les gens la craignaient - bon, ok, pas au point de partir en criant et en bougeant les bras, hein, mais tout de même ! -, ils la respectaient. Et ce type là, en voulant se sentir supérieur à elle, de part sa fonction, s'était retrouvé à sa hauteur. Étrange chose que voilà.


Elle poussa ses cheveux en arrière avec le dos de sa main, à croire qu'elle se prenait pour une rebelle maintenant. Elle ne pouvait quand pas ne pas profiter de sa posture de détentrice de la cigarette, si ? Non... Ça aurait été tout bonnement stupide. Elle le fixa avec un air aguicheur, mais il semblait trop occupé à tirer sur SA clope.

Elle soupira.

Alors comme ça, elle ne pouvait draguer personne dans ce coin ? Comme c'était triste. Abbigail ne se sentait pas vivre si elle n'était pas le centre des attentions masculines, et puis, elle préférait quelqu'un de plus vieux, c'était beaucoup plus amusant de flirter avec le danger...


Dit-elle en reprenant habilement sa cigarette. Après tout, c'était un moyen comme un autre se faire des amis, non ? Bon, ça ressemblait peut-être un chouilla à du chantage, mais vraiment, cela l'amusait au plus au point ! Elle n'avait pas le profil à fumer, ou à se doper de quelconque façon que ce soit, mais cela parce qu'elle avait le profil d'Asami... Elle se souvint alors de son hôte dont elle avait prit la place depuis déjà un moment. Elle avait voulu ce suicider ? Combien de fois ? A vrai dire, elle ne comptait plus du tout le nombre de tentatives qu'avait fait Asa pour se débarrasser d'elle. Elle ne lui en voulait pas, elle s'amusait de cela, puisqu'elle arrivait toujours au bon moment. Vu que la petite s'y prenait toujours avec des cachets, Abbi la laissait décuver un moment avant de réapparaître dans sa vie. Pour le meilleur, mais surtout pour le pire.

Acheter le silence d'un surveillant avec des cigarettes ? C'était petit, ça... Rah, la jeunesse. Il l'aimait assez, au final. Oui, deux, trois clopes de temps en temps avec une élève... Ce n'était certes pas très sérieux... Mais de toutes façons, qui vous a dit qu'Adam était quelqu'un de sérieux, hein ? Certainement pas lui, hm. Rien qu'à penser à ce qu'il planquait lui dans sa chambre... Heureusement que ce chère directeur n'était pas au courant, et il était inutile qu'il sache aussi pour ce petit extra, envers cette petite demoiselle. Bon, passons. Tout cela pour dire qu'Adam hocha la tête, avec un sourire en coin collé au visage. Ainsi, il répondit sur un ton qui accompagnait son petit air malicieux :

Sur ces mots, il piqua une nouvelle fois la cigarette presque finie de la demoiselle, pour en tirer une dernière latte. Voilà, hop, ça, c'était fait. Il venait de fumer un petit peu, le détendant un peu, et de se voir se proposer une petite clope de temps en temps, quoi de mieux ? Il extirpa de la poche de son jean une petite boite en métal, qui faisait office de cendrier. Il écrasa le mégot contre le couvercle de cette dernière, avant de le jeter dedans, et, comme si de rien n'était, la refermer et la glisser dans sa poche. Les preuves du petit écart anéanties, il releva finalement le regard vers la jeune femme qui lui faisait face. Puis il se souvint des papiers qu'il était censé lui donner, et réalisa qu'ils n'étaient plus dans sa main. Ah. Ils avaient glissés à terre, en effet. Non mais quel boulet, j'vous jure. Une fois les précieux papiers ramassés, il les tendit à la fille, avec un sourire presque sadique collé au visage.

« Bon, trêve de plaisanteries, fillettes. Place à la paperasse, les joies de la rentrée, héhé. Tu vas me remplir ces quelques lignes. Tu sais, les fiches clichées, pour les professeurs. Nom, prénom, âge, ancien établissement... Et puis, comme le directeur est trèèèès attentionné envers ses élèves, il a même laissé une case pour ton caractère, et euh... Tes « aptitudes spéciales »... C'est pour la répartition des chambres et des options j'crois... N'importe qui aurait mit « Hobbies », ou « activités », mais mon grand oncle est un anticonformiste, je pense... »

Adam observa un moment la dite case. Auparavant, il n'avait pas tiqué, mais cette case était vraiment étrange. Aptitudes, cela passait encore, mais... Spéciales ? C'était ce vieux crouton qui était spécial, ouais, pour faire des formulaires aussi loufoques. Enfin bon, peut-être que la bizarrerie était de famille, hm... Mais bon, son grand-oncle lui cachait quelque chose, il en était sûr. Il allait mener sa petite enquête... Cela pourrait au moins l'occuper, bien qu'avec des spécimens comme... Mince, comment elle s'appelait, cette mioche, en face d'elle ? Il releva le regard vers l'asiatique, en la toisant d'un air intrigué, comme si son nom allait se lire sur son front. Elle lui avait dit, il en était sûr. Un truc en A. Ou en I. Bah, il attendrait qu'elle écrive son joli petit prénom sur sa fiche, pour regarder discrètement. Cette histoire de prénom, lui fit se souvenir qu'il n'avait même pas dit le sien.

Voilà, l'affaire était dans l'sac ! Enfin son sac, à elle. Elle attrapa le papier, le posa sur une table du grand hall, demanda un stylo gentiment et entreprit de remplir la-dite feuille, ce « Adam » qui regardait par dessus son épaule. Elle riait intérieurement, qu'est-ce qu'il voulait savoir, au fond ? Ce qu'elle savait faire ? Eh bah... Elle remplit presque entièrement la feuille, laissant les champ « Prénom » et celui « Aptitude spéciale » vides. Pour n'importe qui d'autre, ça aurait été étrange de ne pas savoir remplir la case où devait se trouver son prénom, mais pour Abbi... C'était différent. Elle tapota quelques secondes le stylo contre son menton, l'air ailleurs. Que fallait-il qu'elle mette, vraiment ? Est-ce qu'il fallait qu'elle demande comment elle devait faire à l'homme, parce qu'elle était schizo et que « franchement, ça me pose un problème » ? Elle en doutait. Mais, au fond, ce type là, avec son air de shooté professionnel, peut-être qu'il comprendrait, non ? Non. Elle remplit donc par « Asami Abbigail » et pour les aptitudes spéciales, elle releva tout de même la tête vers Adam.

Elle ferma la bouche tandis qu'Adam l'avait grande ouverte dans un mouvement arrêté. Qu'est-ce qu'elle avait dit ? Mince... Elle avait parlé d'« elle » à la troisième personne. Non mais, quelle stupidité ! Elle se contenta de faire en grand sourire au gentil monsieur. Abbi avait terriblement envie de se frapper. Mais elle se retint. Alors, elle se mordit la lèvre du bas tout en lançant un regard inquiet au pion qui n'avait pas formulé un mot.


Devant le regard incrédule du type qui visiblement n'en croyait pas ses oreilles, elle inspira profondément.

Elle poussa un soupir, devant l'air qu'affichait le jeune homme. Bien, il ne la croyait certainement pas. Il devait certainement la prendre pour une folle, tiens. Après ce qu'elle lui avait annoncé précédemment, il aurait très bien put se forger cette idée... Elle ne put s'empêcher de lâcher, sur un ton las :

La jeune femme lâcha un petit rire. Une preuve, c'était vraiment cela qu'il voulait ? Elle ferma les yeux et se dirigea vers une grande table ainsi. Heureusement qu'elle avait repéré les lieux un peu plus tôt, sinon, autant dire qu'elle se serait probablement ramassée par terre. Elle mit un pied sur une chaise, s'assura d'avoir de l'équilibre, et monta sur la table, sans aucun bruit, sans aucun couinement de chaussure sur cette masse de bois brut ciré. Elle orienta ses deux paumes vers le plafond. Oui, il fallait bien l'avouer que tout cela était profondément inutile, qu'elle aurait très bien pu lui démontrer qu'elle ne mentait pas sans bouger, mais il voulait une preuve. Il devait s'attendre à quelque chose de grandiose, Abbi ne voulait pas le décevoir. Ses talents d'actrices étaient d'autant plus utiles qu'il ne semblait y voir que du feu. Peut-être que son exagération certaine paraissait normale...

Elle se contenta d'ouvrir les yeux et, alors qu'elle faisait trembler ses paumes pour donner à tout cela un côté Hollywoodien, Abbigail recouvrit la pièce entière d'une fine pellicule de glace. Elle était forte, elle le savait. Elle était crédible et, ça aussi elle le savait. Elle le regardait fixement, avec tout les traits d'une méchante dans un film d'horreur. Elle fit quelques pas en avant sur la table, ils était rythmés par le claquement résonnant de ses petits talons. Elle se laissa retomber au sol, ce qui fit voleter sa jupe plissée. En effet, en ce jour de rentrée, Asami avait opté pour une tenue proche de l'uniforme japonais. Seulement, depuis qu'Abbi était là, elle avait dû déboutonner au moins deux boutons en haut, et deux ou trois en bas. C'est fou comme deux personnes au physique identique peuvent être radicalement différentes à l'intérieur.

Les pupilles du jeune homme eurent un mouvement qui ne pouvait pas tromper : de la surprise. Abbigail avait appris avec le temps à lire dans le regard des gens, même si cela n'était pas totalement fiable. La glace avait déjà fondue, mais sur chacun des pas de la fille en direction d'Adam, des plaques de verglas se formaient. A chaque fois qu'elle s'approchait, il reculait. Et Dieu sait à quel point un tel jeu amusait Abbigail. Il finit par se retrouver contre le mur, elle fit encore un pas, elle était presque contre lui, elle s'arrêta.


Elle posa - sans aucune douceur - sa main contre son torse, un grand sourire collé au visage. Il se retrouva totalement collé au mur, les bras ballants, sans vraiment comprendre ce qu'il se passait dans la tête de la psychopathe qui servait de première élève à ce centre. Il était plus grand qu'elle, mais la façon dont elle le fixait ne pouvait pas lui donner le sentiment d'être supérieur. Il n'avait pas l'air d'avoir peur, aucunement, d'ailleurs, il ne comprenait pas, seulement. Ce fut lorsqu'elle fut presque collée à lui qu'elle se retourna et partit s'asseoir sur une chaise du grand hall. Non sans lui adresser un clin d'œil aguicheur que - cette fois-ci - il ne put rater. Abbigail s'amusait énormément.

La jeune femme fit apparaitre quelque chose dans sa main, c'était long, fait de glace et ça se mouvait étrangement. Cette chose bizarre et écailleuse était un serpent. Seulement, alors qu'Abbigail était à l'apogée de sa vantardise, l'être de glace fondit, ne laissant de lui qu'une minable flaque d'eau. Elle était encore là, mais déjà, des étincelles d'or jaillissaient de ses mains. Elle posa celles-ci contre son front, prise d'un soudain mal de crâne abominable. Elle se sentit tomber sur le dallage tout en lâchant un cri pitoyable. Asami luttait. Asami vaincrait. Si elle arrivait à s'en sortir, de la sorte, c'était qu'il y avait quelqu'un dans les parages...

Adam avait assisté à ce petit spectacle, en silence. Ainsi donc, elle disait vrai. Et elle insinuait clairement qu'ils étaient bel et bien dans un centre pour les gens comme cela. Quel idiot il avait été de ne pas s'en rendre compte avant. Il poussa un soupir, exaspéré par sa stupidité, alors que la jeune femme se rapprochait considérablement de lui. Elle en était venue à le plaquer contre le mur le plus proche. Il frémit à ce contact, non pas à cause de la froideur qui se dégageait de celle qui lui faisait face, non, mais à cause de l'horreur que lui provoquait ce contact ? Qui se prenait-elle, pour venir se collait de telle sorte à lui ? Pour lui lancer ce regard séducteur ? Vraiment. La présence de la jeune femme commençait sérieusement à l'agacer, et il tâchait de se contrôler, tentant de ne laisser paraître aucune émotion sur son visage. Lorsque finalement elle décida de s'écarter de lui, pour s'éloigner, non sans l'appeler « beau brun », qui lui fit serrer les poings, et grimacer, il poussa un soupir discret, un soupir soulagé. Mais elle n'allait pas non plus s'en sortir comme cela. Alors qu'il s'apprêtait à toussoter, pour la faire se retourner vers lui, de tel manière qu'il la cinglerait de la manière la plus glaciale qui soit -oui, pas besoin d'être cryokinesiste pour faire preuve de froideur – la jeune femme poussa un cri étouffé, avant de tomber au sol.
Dans un bruit mat, le corps de la demoiselle s'écrasa au sol. Elle se tenait la tête, tremblante, comme prise de convulsions. L'expression sévère et agacée d'Adam se mua en moue inquiète. Qu'est-ce qui se passait, au juste ? Il s'approcha d'un pas hésitant, n'osant pas demander si elle allait bien. De toutes évidences, la question allait être non. Il se baissa à sa hauteur, pour l'observer sans rien dire. Il resta un instant ainsi, immobile. Il avait envie de venir en aide à l'asiatique, mais avait peur de la toucher, des fois que son « truc » se réveille. Il était encore énervée contre elle malgré tout, alors qui savait ce qui risquait d'arriver. Il déglutit difficilement, et inspira un bon coup, avant de se décider à poser sa main sur l'épaule d'Abbi, pour la secouer doucement. Bien heureusement, elle ne tomba pas raide morte au sol. Il poussa un soupir de soulagement, se sentant tout de suite plus rassuré.

N'obtenant pas de réponse, il se décida finalement à glisser sa main dans le dos de la jeune fille, et l'autre sous ses jambes, pour ainsi la soulever doucement. Adam n'était pas quelqu'un des plus musclés, mais il arriva tout de même, en chancelant, à poser l'asiatique sur la chaise qui se trouvait non loin. Une fois qu'il l'eût bien installée, il prit ses mains entre les siennes, pour les secouer, essayer de faire revenir la demoiselle à elle.

Il posa la main sur le front de la fille. Il était bouillant. On aurait dit qu'elle avait de la fièvre. En tant que bon médecin, ou plutôt, ancien étudiant en médecine, Adam avait bien quelques médicaments, des aspirines et autres pour la fièvre et la douleur dans sa chambre, mais laisser la fille toute seule pour grimper les chercher serait stupide. Mais soudain, il eût un flash. Et si... Ce n'était pas juste un coup de chaud, ou une poussée de fièvre ? Elle avait dit être schizophrène... Et elle avait aussi mentionné que l'autre elle pouvait faire du feu. Ainsi, peut-être que... Il s'écarta légèrement, pour observer la jeune femme, pour tenter de déceler un quelconque changement en elle.

Asami revint à elle d'un coup, le souffle court, des sanglots au fond de la gorge. Elle baissa la tête et ne vit que ses cheveux.


Elle se tut. Ses mots résonnaient encore contre les murs. Elle releva des yeux pleins de larmes et le vit. En effet, contrairement à ce qu'elle pensait, elle n'était pas seule. D'ailleurs, le jeune homme qui la fixait semblait à la fois inquiet, et suspicieux. Elle comprit qu'elle ne se rappelait pas l'avoir rencontré, merci Abbi. Elle se plaqua les deux mains contre la bouche avec un air totalement affolé, elle venait d'avouer un meurtre, ce n'était pas rien, qui plus est, devant un inconnu total. Ses lèvres tremblaient, elle avait mal à la tête, une arrière envie de vomir, également. Aussi, Asami était complètement frigorifiée. Elle retira ses mains pour les détailler, avec tout le froid que l'être maléfique en elle avait pu dégager, elles avaient viré au violet, charmant.


Elle se leva et fit un salut asiatique, qui s'apparentait plus à des excuses non formulées. Il fallait qu'elle respire, il fallait qu'elle sorte. Elle fit un pas ou deux et retomba minablement sur le sol. Elle pesta. Puis, s'asseyant en tailleur, une main contre le front et lâcha ses larmes. Il fallait que ça sorte de toutes façons.

Elle se redressa d'un bond. L'air totalement affolé, encore sous l'effet de ses larmes qu'elle sécha mécaniquement. Une infirmière ? Un médecin ? Non ! Surtout pas ! Elle refusa de la tête avec une vigueur qu'elle s'était oubliée. Elle recula sans s'en rendre compte. Quelle idiote. Elle sursauta lorsqu'elle toucha le mur du bout du coude. Ses crises d'hystérie étaient en général peu croyables et, à présent, elle se forçait à se calmer.


Les mots de la jeune fille n'étaient pas réellement hésitants. Elle le fixait d'un air déterminé, à présent. Elle posa ses deux paumes contre le mur froid, comme pour se propulser. Asami n'en serait qu'à la quinzième, environ, non ? La quinzième ? La quinzième tentative de suicide. D'ailleurs, maintenant qu'elle savait que c'était elle, qu'elle en était persuadée, qu'est-ce qui pouvait lui barrer la route, qu'est-ce qui pouvait l'en empêcher ? Un sourire mauvais se dessina sur son visage, elle savait ce qu'elle devait faire. Elle sentit ses paumes chauffer. Chauffer encore et encore, mais sans la brûler.


Elle ferma les yeux, prise d'un nouveau spasme de larmes. Elle ne savait pas trop ce qu'elle voulait faire, en fait. Elle n'avait pas réellement envie de mourir. Elle avait plein de raison de vivre. Elle respirait fort. Asami se laissa glisser jusqu'au sol, le cœur lourd, les yeux fixés sur le jeune homme qui la regardait d'un air inquiet. Qui était-il, lui, au fait ?


La jeune japonaise était figée, les lèvres tremblante. Elle ne demandait qu'une chose : se faire consoler. Elle suppliait du regard, peut-être. Elle le suppliait de lui trouver rien qu'une chose qui pourrait l'inciter à changer d'opinion.

Asami ressentit un apaisement non comparable avec la présence de qui que ce soit, enfin, presque. Lorsqu'elle entendit la petite voix près de son oreille, son cœur fit un bond. Cette voix qui avait une vibration toute particulière dans sa tête lui fit l'effet d'une bonne dose de morphine. Elle laissa le temps passer un moment, tentant d'assimiler elle-même qu'elle avait balancé qu'elle était une meurtrière, comme ça. Non, non... L'avait-elle hurlé ? Qui était au courant ? Qui était ce type qui était déjà présent à son "changement" ?


Elle ouvrit enfin les yeux, se retrouvant face à l'adolescent qui était en réalité à une proximité qui aurait pu se faire gênante mais qui la rassura, la consola. Elle posa sa main contre son torse avec un soupir soulagé. Il était venu prendre soin d'elle ? Son cœur battit encore un peu plus vite, elle inspira. Le sol froid ne la touchait pas, d'ailleurs, avec la présence du garçon, une vague de chaleur l'avait envahie. De sa main libre, elle attrapa celle du garçon. Elle était froide. Cela lui fit du bien. Elle se sentait brûler et geler à la fois, ce n'était pas bon, du tout.


Murmura-t-elle simplement. Il n'y avait rien de plus à dire, après tout. C'était clair. Il était là et c'était la seule présence rassurante qu'elle connaissait. Bon, d'accord, elle aurait pu également inclure le jeune homme un peu paumé, mais celui là lui avait proposé l'infirmerie, chose à ne surtout pas dire, pas avec Asami, en tout cas. Elle ignora d'ailleurs totalement ce dernier, plongée dans un tout autre monde. Un monde fait de paix et d'harmonie, principalement.


Pourtant, même en accentuant leur écart ainsi, la principale chose qui les séparaient, ça ne changeait absolument rien. Il lui sembla d'ailleurs que le garçon resserra leur étreinte. Mais qu'est-ce qu'elle faisait au juste ? Qu'est-ce qui lui prenait... ? Elliott était la première personne qui daignait prendre soin d'elle, qui daignait lui accorder un regard, un sourire, un contact... Un contact ? Pourquoi avait-il déclenché le contact, alors qu'elle était entre la crise de nerfs et le suicide ? Alors que les pensées négatives peuplaient son esprit ? Mais il semblait aller bien. Dans le doute, elle se décala, se remit contre le mur, droite comme un i.


C'était un peu bizarre à formuler, un truc pareil, mais étant donné que c'était sortit sans aide, elle supposait que ça ne paraîtrait pas trop étrange, quoique, le regard du grand type derrière s'intensifia, alors qu'elle avait déjà oublié ce qu'il avait demandé...

Son petit coeur battait à se rompre. Elle en avait mal. Elle faisait le mal ? Non... Une larme vint perler sur la joue, larme qu'elle sécha pratiquement immédiatement du dos de sa main. Puis, elle tendit celle-ci vers le garçon, après quelques pas tremblants, elle s'écroula dans ses bras. C'était quoi ça ? Qu'est-ce qui lui prenait ? Elle avait toujours tenu bon, mais là, elle était terrifiée. Pourquoi... ? Elle s'accrocha aux épaules d'Elliott. Elle avait besoin de lui, voilà, c'était cela. Il y avait quelque chose d'étrange et d'hypnotisant entre eux. Ils ne se connaissaient qu'à peine. Mais il avait déjà changé ce qu'Asami était, au fond d'elle. Radicalement. Aussi, fut-ce-t-il étonnant que les mots du garçons la fasse rougir à un point peu croyable ? Non. Aussi, elle glissa une de ses mains brûlant de son pouvoir dans le cou du jeune garçon. "De son pouvoir", sûr ? Non. Elle ne savait pas, elle ne voulait pas savoir. Elle préfèrait ne pas savoir. Elle avait peur. Peur que ce soit plus qu'une amitié du premier jour, plus que cela. Elle aurait voulu le lacher, se retourner, s'en aller, Dieu sait qu'elle aurait voulu, pour éviter de s'infliger ce mal, pour éviter de LUI infliger ce mal, mais non... Elle en était incapable. Asami avait besoin d'Elliott, plus que n'importe quoi dans ce pauvre monde.

Il y eut un long silence. Pas froid, pas chaud, un silence qui annonçait une suite, voilà tout. Un de ces silences entre les paroles des personnages, dans les bons films, ceux qui tiennent en haleine. Alors, Asami se laissa glisser, s'allongeant finalement sur les dalles glaçées, dans l'espoir que le froid fasse cesser la douleur de sa tête.

En quelques heures, il en était venu à résumer sa vie. Désolant, atérrant, peut-être aussi. Elle savait qu'elle ne pourrait rien faire sans lui, cela semblait douloureusement évident. Asami lui lança un regard, à la fois suppliant et un peu sévère. Qui était-elle ? Qui était le monstre, en elle ? Elle ferma les yeux, elle était toujours là, mais quelque part, elle était partie. Elle n'avait pas lâché sa main, non, s'il y avait une chose qui restait vraiment sûre, c'était qu'elle n'allait pas rompre le contact, pas maintenant, alors que tout se jouait.

Gardant les yeux fermés, la jeune fille laissa le temps s'écouler, elle savait ce qui s'était passé, parfaitement, elle avait sentit cette ombre de baiser qui rodait encore au dessus de sa tête. Mais, voilà, alors qu'Asami se serait probablement jetée sur Elliott pour lui rendre un baiser plus ardent - pyrokinésie oblige - elle avait cédé. Exactement, Asa était partie, bon, n'en rajoutons pas, elle n'était pas morte hein. Mais plutôt dans un profond sommeil - référence aux contes de fées ? Peut-être bien... Alors, les yeux de cet être débordant de sadisme s'ouvrirent, d'un coup. Ses pupilles firent une mise au point, d'une façon un peu reptilienne, c'était cela, Abbigail était un serpent, fourbe. Elle n'avait pas lâché sa main, n'avait-il pas capté le changement ? Ou... Peut-être ne voulait-il pas y croire ? En tout cas, il lui déposa le gant mouillé sur le front. Mauvaise idée. A peine l'eut-il touchée que déjà le bruit aigu d'une glaciation sonnait. Le tissu-éponge tomba sur le côté, totalement gelé. Abbi se releva, d'un geste purement robotique, un petit sourire sadique collé au visage. Du mal ? C'était exactement ce qu'elle comptait faire. Sans aucune affection, elle glissa sa main le long de la joue du garçon qui avait déjà probablement comprit depuis un bout de temps. Elle se rapprocha de son oreille et murmura :

Elle était dure, elle le savait pertinemment. Il devait souffrir, mais ça, elle s'en fichait royalement. Abbigail se mit debout - sans aucun mal - et glissa d'une façon non-descriptible jusqu'au surveillant, totalement perdu. Elle tourna autour, au sens propre du terme, puis s'arrêta d'un coup. Elle fixait le plus jeune avec un air de défi assez agaçant, pour qui que ce soit. Quelque part, c'était une sorte d'appel à l'aide, de « Eh, je suis là, faites attention à moi ! », mais ça ne changeait rien. Si sa part de sadisme égalait probablement son besoin d'écoute et d'attention, Abbi savait qu'avec l'un elle pourrait avoir l'autre. Elle inspira, puis lâcha un petit rire amusé.

Elle accompagna ses mots d'un salut à l'intention du surveillant. Qui était la meilleure actrice ? Asami luttait à l'intérieur. Cela arracha à Abbi un léger gémissement de douleur. Elle se retourna à nouveau vers l'adolescent, tout en lui lâchant un air semi-dégouté. Une idée, oui, elle en avait une, et Dieu sait qu'elle comptait s'amuser, même si déjà avant de la formuler, elle la trouvait parfaite. Elle fit quelques petits sauts jusqu'à la grande table et monta dessus. La deuxième fois en une journée qu'elle montait sur cette table pour utiliser ses pouvoirs, les blagues les plus courtes sont les meilleures, pourtant, non ? Enfin, allez dire cela à une psychopathe. Hm. Elle fit apparaitre un grand pic de glace - pic DE glace, pas A glace, oui, oui - et se le posa contre la gorge. C'était amusant, non ?

Elle eut un petit rire satisfait. Si elle comptait se trancher réellement la gorge ? Non, évidemment, elle n'était pas stupide non plus. Elle voulait s'amuser, voilà tout. Et avec un chevalier servant à sa botte, qui avait-il de plus drôle ? Abbi garda son air de défi, le fixant au fond des yeux. Évidemment qu'elle en aurait été capable. Bien sûûûûûr ! Mais si elle n'avait plus de corps, elle ne vivait plus - logique - et cela n'était pas très bon. Bon, après se blesser n'était pas se tuer : elle planta légèrement le pic dans son cou. Non, elle ne plaisantait pas.

Abbigail allait péter les plombs. C'était évident. Elle fixa Adam avec un air soudain neutre, glacial. Pourquoi personne ne comprenait ? Pourquoi était-elle toujours considérée comme un monstre ? Pourquoi personne ne saisissait ses appels à l'aide. Ils étaient tous égoïstes. Entre Elliott qui voulait absolument sauver CELLE qu'IL aimait, et Adam qui voulait paraître dans son rôle, là, comme surveillant. Est-ce que quelqu'un était capable de remarquer SA douleur ? Elle repoussa violemment le jeune garçon qui s'écrasa sur les dalles du hall non sans un craquement sourd. Est-ce que quelqu'un pourrait l'aimer ELLE. Oh, non, tout cela était tout bonnement impossible. Tout ça parce que...

A présent, elle tremblait et pleurait de rage. Jamais au grand jamais Abbigail n'avait balancé quelque chose comme ça, jamais elle ne s'était pas dissimulée derrière un masque. Alors... Un nouveau pic de glace apparut entre ses mains alors que l'air ambiant ne cessait de se refroidir, encore et encore. Pourquoi ? Un simple mot. Qui résonnait avec insistance dans sa tête. Ce n'était pas un jeu, ce n'était PLUS un jeu. Non. Elle avait déjà perdu, et elle le savait. Un sourire triste affiché au visage, elle enfonça son arme dans son ventre. Qu'avait-elle à perdre ? Sa vie ? Elle n'en avait pas. Elle tomba à genou sur la table, retenant un cri de douleur. Une de ses main la soutenait dans cette position, sa vision se brouilla.

La main de la jeune fille glissa, elle perdit équilibre et conscience en même temps. Ça avait toujours été Asami qui avait crié à l'aide, mais cette fois... Abbigail était jalouse. Jalouse d'Asami, jalouse qu'elle vive sa vie, en indépendance. Dur sentiment que de se sentir constamment rejeté par la seule personne qui pourrait nous aimer, non ?