Elle était entrée dans le pensionnat comme si de rien n'était, sans prêter attention à la cour lugubre. Après tout, elle avait d'autres soucis que la décoration intérieure. Un mal de tête sourd la taraudait, comme si elle avait pleuré pendant des heures ou était restée collée à un écran toute la journée, et l'épuisement la gagnait peu à peu, tandis qu'elle montait avec lenteur les marches d'un escalier.
Il était tard. La montre à son poignet indiquait minuit moins dix et le règlement serré dans sa main lui disait qu'elle ferait mieux de se dépêcher de rejoindre sa chambre. La numéro 2. Elle ne savait même plus comment elle avait conscience de l'endroit où elle dormirait désormais. Tout se mélangeait dans sa tête et ses paupières tombaient.
*Hé, réveille-toi, allez... mais qu'est-ce que t'as encore fichu ?*
Alice arrêta brutalement son chemin. Ses propres invectives avaient coutume de l'aider à reprendre ses esprits et à procéder de manière plus raisonnable. En l'occurrence, elles l'aidaient à réaliser qu'elle n'avait passé sa journée ni à pleurer ni à regarder un quelconque écran. Plutôt à fixer les habitants de Birdsall et à exercer le don qui l'avait amenée ici. Personne ne s'était rendu compte de rien ; il lui avait suffi de supprimer l'odorat ou le goût à des passants qui ne les sollicitaient pas. Pourtant, cet exercice semblait l'avoir épuisée. Encore un mystère à éclaircir.
*C'est pour ça que tu es là après tout, non ? Allez, en marche.*
Et la jeune fille réajusta la bandoulière de son gros sac de sport sur son épaule. Ses yeux, qui étaient devenus sombres avec la nuit, scrutaient les portes l'une après l'autre jusqu'à ce qu'ils rencontrent le chiffre souhaité, accompagné de trois noms : Solina L. Rivera, Miranda Azu et Alice Parker. D'une main un peu hésitante, Alice poussa le dernier obstacle qui la séparait de ce qu'elle désirait le plus au monde : un lit.
La chambre était déserte. Trois lits y étaient disposés, ce qui ne lui laissait guère de doutes quant à celui qui lui était destiné. La jeune Parker y posa son sac et se rua vers la fenêtre, qu'elle ouvrit. L'air frais sur son visage la revigorait. Elle avait toujours aimé cette sensation, et un sourire se dessina sur ses lèvres tandis qu'elle revoyait son père courir après elle à travers la maison, des chaussons à la main. Ses cheveux se détachèrent de sa nuque, trempée de sueur depuis son long voyage, et son front se dérida. Finalement, cette lettre était peut-être la meilleure chose qui pouvait lui arriver.
Alice se retourna vers la porte, qu'elle n'avait pas fermée. Elle posait la main sur la poignée quand un bruit se fit entendre, tout près, mais si discrètement qu'elle n'était pas sûre d'avoir réellement entendu quelque chose.
« Quelqu'un est là ? »