« Lorsque les forces qui s'exercent sur un solide se compensent, son centre d'inertie persévère en son état de repos ou de mouvement rectiligne uniforme. Si le centre d'inertie est au repos ou en mouvement rectiligne uniforme alors la somme des forces qui s'exercent sur le solide est nulle… »
La voix du professeur de physique sonnait à l’oreille de Mardy comme un léger son suraigu. Elle n’écoutait pas ce qu’il disait. A vraie dire, à cet instant précis, elle se fichait royalement de la loi de Newton. Elle ferma les yeux. Devant elle était la place de Matt. Elle n’était pourtant pas vide, un élève à qui elle n’avait jamais parlé était assis à sa place. Johny ? Jimmy ? Peu importe. Elle n’avait absolument aucunes opinions sur lui, elle savait seulement qu’il était assis à la place de Matt.
Elle était fatiguée, elle ne dormait plus. Quand elle dormait, elle voyait Matt. Et quand elle voyait Matt, le réveil était douloureux. Pourquoi s’attacher tant à une personne, c’est tellement puéril. Les sentiments sont tellement stupides, ils t’empêchent de raisonner correctement, ils t’empêchent de vivre. Elle avait l’impression de revivre la mort de ses parents. La culpabilité de les avoir tués. L’image de leur mort dans ses rêves. Les réveils angoissé, le sang glacé – « Mademoiselle Bum, vous écoutez ? » . Mardy rouvrit les yeux et fixa l’homme qui se tenait debout devant elle. Elle ne répondit pas. Il toussota lâchant quelques postillons sur la jeune fille. Non monsieur je n’écoute pas, je me fous de ce que vous dites, de Newton, de Galilée, de tous ce que vous pouvez raconter. Il se pencha un peu plus vers elle. Il avait une haleine d’un vieux ayant mâché du tabac. Ses dents jaunes, malpropres brillaient. Mardy toujours silencieuse regarda à nouveau son professeur avec un air blasé. « Vous savez Mademoiselle Bum, si mon cour ne vous intéresse pas, vous pouvez toujours sortir. » Ce fût le mot de trop, elle se leva, prit sa sacoche qu’elle n’avait pas ouvert en entrant en classe et c’est sous les chuchotements indiscrets des élèves et le regard ébahi du prof qu’elle claqua la porte. Elle passa la bandoulière sur son épaule droite et bailla. Quel con celui-là. Elle traversa le couloir avant d'entendre derrière elle le prof gueuler : « Qui d’autres veut sortir ? C’EST MAINTENANT. » Elle n’attendit pas de savoir si d’autres élèves étaient sortis pour descendre.

Lorsqu’elle arriva au rez-de-chaussée, elle ne savait pas où aller, arpentant les escaliers, arrivant au sous-sol. Elle ne connaissait pas bien cet étage. Elle y trouva des pièces vides, la chaufferie et la piscine. Elle était vide, à cette époque de l’année il n’y avait personne. Trop froid. Mais Mardy n’avait pas froid. Mardy n’avait jamais froid. Ni chaud d’ailleurs. Elle ne pouvait ressentir aucunes chaleurs excepté la chaleur humaine. C’était le prix à payer pour avoir le contrôle de son pouvoir.
Mardy regarda sa brûlure qui commençait à peine à cicatriser sur son bras gauche. Oh Matt. Elle ne croyait pas aux miracles. Etant enfant, elle avait appris que la vie offrait tout sauf du bonheur. Que pour le trouver, il fallait le chercher, et le chercher bien, qu’il ne viendrait jamais comme ça, prêt à être cueilli. Elle n’espérait donc même pas que Matt soit encore en vie. Il y a eu des disparitions en masse ce dernier mois et personne ne pensait que c’était des coïncidences. Ni même elle.

Elle regarda l’eau bleutée. Avant, elle faisait l’effort de s’habiller selon les saisons, mais depuis le début du mois, elle ne faisait plus attention. Elle avait ses doc Martens favorites, un short clair, un t-shirt noir et un teddy. Elle enleva ses chaussures pour pouvoir s’asseoir au bord de la piscine. Au contact de sa peau, l’eau se mit à bouillir pour créer un peu de vapeur.
Oh et puis merde.
Elle enleva son t-shirt et son teddy, laissant apparaitre sa cicatrice au bas du dos dont elle seule connaissait la provenance bien qu'à vu d’œil, on pouvait observé la vieillesse de cette marque. Puis plongea dans l’eau maintenant à une température élevée. Ses cheveux secs flottaient à la surface de l’eau tandis que son short lui collait la peau. Elle joua dans l’eau quelques minutes, se vidant l’esprit puis fît condenser la vapeur pour ne pas se faire remarquer et se laissa flotter dans l’eau en fermant les yeux, murmurant les paroles d’une chanson d'Edith Piaf qu’elle écoutait autrefois sans forcément les comprendre :

« Je ne sais pourquoi j’allais danser à Saint-Jean, au musette.
Mais quand un gars m’a pris un baiser, j’ai frissonné j’étais chipée.
Comment ne pas perdre la tête serrée par des bras audacieux ?
Car on croit toujours aux doux mots d’amours quand ils sont dits avec les yeux !
Moi qui l’aimais tant, je le trouvais le plus beau de Saint-Jean.
Je restais grisée, sans volonté, sous ses baisers… »

La journée commençait, et c'était alors là son tout premier cours. Le monde semblait ne pas s'attarder sur lui et il passait son chemin sans que l'on le remarque, sans que personne ne lui adresse la parole, comme il le voulait. Devant l'entrée de la classe on y entendait des cris, des discussions puis des rires. Tout ira bien se disait-il mais ... A peine il mit le pied dans la salle de classe qu'un léger silence s'installa, certains regards se tournèrent vers lui. Il se sentait terriblement mal à l'aise, des gouttes de sueur perlaient à son front et son cœur battait de plus en plus fort. Une seconde plus tard presque tous les élèves ne se souciaient plus de lui. Comme quoi ce n’était qu’une simple petite réaction à la venue de Jimmy. Il ne restait qu’une seule place dans la classe donc le choix était comme qui dirait déjà fait pour lui. Jimmy prit alors sa nouvelle place et commença a déballé ses affaires, toujours la petites goutte de sueur sur le front. Depuis quand n’avait-il pas été en classe ? Après son histoire traumatisante il n’avait continué d’apprendre que dans des cours par internet. Puis à sa droite il entendit quelques murmures que se chuchotaient deux élèves.

-C’est qui lui ?

-Un nouveau, il a pris la place de Matt.

Matt ? Il devait être un ancien élève. Que lui est-il arrivé ? Malade ? Famille ? Qu’importe ! Jimmy n’osait pas se tourner pour demander. Le cours passait lentement, de plus sur un sujet bien spécial. Les lois de la gravité n’étaient pas vraiment inconnues de Jimmy qui s’est tout de même renseigner au maximum sur le sujet qui touche son pouvoir mais aucune raison scientifique n’expliquait ce qu’il arrivait à faire.

« Mademoiselle Bum, vous écoutez ? »

Jimmy n’osait pas se retourner, il ne devait pas attirer l’attention, surtout qu’on le laisse dans son coin !

« Vous savez Mademoiselle Bum, si mon cour ne vous intéresse pas, vous pouvez toujours sortir. »

Jimmy entendit la chaise racler le sol et instantanément faire émettre des chuchotements de la part des autres élèves, il n’écoutait pas essayant de se perdre dans son bouquin mais le claquement de la porte le fit sursauter et tomber de sa chaise. Les rires de moqueries des élèves enveloppèrent la classe et tous le regardèrent. Jimmy, lui ne réalisait pas tout était bien avant maintenant.

« Qui d’autres veut sortir ? C’EST MAINTENANT.

Jimmy restait pétrifié de peur certes mais la moquerie de ses camarades faisait aussi en lui monter de la colère.

« Monsieur Erikson, je pense que vous connaissez maintenant comment marche la force gravitationnelle mais pas besoin de nous avoir montré un exemple ! REPRENEZ LE COUR TOUT DE SUITE ! »

Toute la classe était pliée de rire. En un instant la peur du monde autour de lui se transforma en une colère pour tous ceux qui osaient le regarder. Il hésitait à succomber aux douces promesses de sa rage mais il préféra fuir et sortir immédiatement de la classe. La porte reclaqua derrière lui et ses pas dans le couloir raisonnèrent avant de s’éteindre dans l’escalier. Le professeur restait silencieux comme le reste de la classe, mais que se passait-il aujourd’hui ?!

Jimmy courut au hasard dans les escaliers et couloirs du centre il voulait juste fuir. Entre temps il parlait mais il semblait n’y avoir personne pour répondre autre que lui-même.

-Pourquoi ?! Je n’aurais jamais dû venir dans ce foutus centre !*

-Calme toi tu n’as pas…

-Mais bien sûr ! On va pouvoir changer, nous aurons peut-être des amis je disais mais non !

Il arriva enfin au plus bas où on pouvait aller. Le sous-sol n’était pas vraiment un endroit connus de Jimmy et c’est comme ça qu’il arriva jusque dans un drôle de salle emplie de vapeur. Il ne voyait rien mais par contre il entendait. La douce mélodie de l’eau dans son clapotis et la voix d’une femme. Que venait-il de se passer ? Il rêvait ou quoi ? Il s’avança encore dans la pièce à l’aveuglette, il continua, continua au fil de la musique.

« Je restais grisée, sans volonté, sous ses baisers… »

Il suivit la voix, une personne qui chante Edith Piaf dans un de ses rêves c’est du tout nouveau. PLOUUUFF PLAAAAAF PLUUUF qu’importe le bruit que cela fit quand il tomba dans la piscine, le contact avec l’eau fut terrible et le ramena à la réalité. L’eau l’engloutissait et tout repère au pauvre Jimmy semblait s’effacer avec la surprise. Il réussit néanmoins à rejoindre la surface et tout en grelotant il vit la silhouette d’une femme dans la piscine non loin de lui …

Le contact de l'eau lui avait permis de certifier qu'il n'était pas du tout dans un rêve mais bel et bien réellement dans la réalité. Après tout une piscine dans un sous-sol dans un centre qui reçoit des élèves c'est normal non ? Illogique mais normal. Jimmy reprenait peu à peu sa respiration et ne remarqua pas la jeune femme sortir de la piscine. L'eau était chaude, mais aucun bruit de moteur de pompe à chaleur ne se faisait entendre, une bonne isolation phonique ? Mais attendez ! Chaude ?! L'eau l'était encore il y avait de cela une seconde, la température du liquide venait de chuter brutalement et à une vitesse record. Impossible que la température baisse autant en si peu de temps ! C'est tout simplement illogique et ça pour la deuxième fois ! L'eau n'étant plus qu'à une dizaine de degrés la vapeur s'estompa rapidement, permettant enfin d'avoir une bonne visibilité.

La première chose qu'il vit nettement ce fut un sourire, un sourire appartenant à la femme de la piscine, aux cheveux blonds. Il la vit de mieux en mieux un sourire était plaqué sur son visage puis il la reconnu enfin grâce au léger écart de dents, l'élève qui était derrière lui en classe. Celle qui avait quitté le cours peu de temps avant lui. Est-ce ici qu'elle vient se réfugier ? Enfin bref, elle se trouvait là devant lui sèche, complètement, il ne se demanda pas pourquoi. Il se trouvait troublé par le contraste du visage si harmonieux, si paisible et son regard pleins d'énergie, presque sauvage. Jimmy surprit de se retrouver non seulement dans la réalité remarqua qu'elle n'était pas habillée entièrement, dans une piscine quoi de plus banale me diriez-vous ? Pour une fois c'est la réaction de Jimmy qui devenait illogique. Il en perdit son souffle un instant.

L'eau reprit soudainement la température d'avant grâce à quoi ou à qui ? Il n'avait rien remarqué mis à part que la jeune fille touchait l'eau. La phrase qu'elle prononça par la suite prouva qu'elle en était responsable, elle avait un pouvoir ? Contrôler la température de l’eau peut être … ça doit être utile pour faire bouillir l’eau pour les spaghettis. Jimmy était paralyser, encore, la situation était beaucoup trop étrange pour lui. Mais où se trouvait-il ? Il voulait fuir cet endroit, fuir toujours et à jamais, mais non, il devait à chaque fois se retrouver confronter à sa peur des autres, c'est vrai que sur une planète de 7 milliards d'habitants comment éviter les rencontres ?....

Il ne bougeait pas, même quand elle tomba dans l'eau près de lui avant de remonter en dehors de la piscine et de se rhabiller un peu. Il se trouvait dans un monde à part, en train d'essayer de se contrôlé pour ne pas craqué. Il ressentait trop de choses en lui. De la curiosité lié au pouvoir de l'élève, de l'envie lié à l’aisance qu’avait cette fille avec les gens (en ne comptant pas le professeur de science), il ressentait aussi de la colère, envers qui et pourquoi ? Il ne savait pas, son autre lui ne pouvait pas supporter le silence et la non réaction de Jimmy, deux personnes différentes l'un de l'autre mais qui partagent les mêmes sentiments, le même corps, mais pas les mêmes réactions. Ses muscles se contractaient, il ne pouvait pas rester là, impossible. Puis sa camarade de classe prit la parole, elle venait juste de remarquer qu'il était devant elle en classe. Toutes ses émotions furent effacées en un seul coup.

- Le cours ? Je ne sais pas et oui je suis dans ta classe, et toi tu n'es pas celle qui n'en a rien à faire du cours de science ?

Il avait répondu rapidement, sans hésiter, avec un ton sec et aucune forme d'émotions, tout nouveau pour lui, un sursaut de confiance ou une perte de personnalité pendant un instant ? Il plongeait son regard droit dans ses yeux, d'un bleus profond, océan ...