La Vie appartenait elle vraiment à ceux qui se levaient tôt ?... J'avais cette impression d'affronter le soleil matinale pour de simples heures à m'enliser dans mes pensées sableuses, se confondant presque à la terre noire qui emplissait la véranda. Mon lit me retenait chaque samedi matin sous ses draps, me réchauffant d'une chaleur que seul lui pouvait me procurer. Et puis il y avait toutes ses voix qui torturaient mon esprit en me soufflant dans un grand désordre ces quelques mots : Tu vas être en retard... Mais pourquoi j'avais été punie au juste ? Ce n'était pas la première fois, certes, ma curiosité se révélant être un de mes plus grands défauts dans ce genre de situations... Mais Dorian n'avait rien eu lui... A croire qu'ils trouvaient tout les moyens possibles pour remplir les clubs. Mais qui aurait envie de se lever un samedi matin pour s'occuper pendant trop d'heures de fleurs et de terre dans le froid hivernal ? Certains des fous de Rédemption je suppose... Et c'est à cette pensée que je me réveillait toujours, constatant avec un sourire qu'il ne me restait pas beaucoup de temps pour me préparer.

Mon placard m'observait... J'observais à tour de rôle son contenu et mon reflet dans le petit miroir disposé à côté. Qu'est ce que j'allais bien pouvoir mettre... J'avais eu la mauvaise idée de mettre une robe blanche la dernière fois, me disant qu'elle irait bien avec mon tablier. Mais j'avais oubliée la terre et l'engrais. Du coup, je me retrouvais avec une robe blanche pleine de taches que je ne pourrais plus mettre ! Ce club était vraiment une tâche à lui seul. Je n'ai jamais aimée m'occuper des fleurs, et de tout ce qui était vivant d'ailleurs. Elles mourraient toujours avec moi aussi étrange que cela puisse paraître. Je leur faisaient peut être peur... Mais même le chien d'une de mes familles d'accueil était passé sous une voiture à cause de moi qui l'avait mal tenu en laisse. Autant dire, que me donner à m'occuper de la flore de Rédemption était une mauvaise idée. Déjà que l'établissement avait une apparence lugubre, mais alors qu'est ce que ça donnerait avec la véranda pleines de fleurs estropieds...

C'est étrange, mais tout ces mouvements répétitifs, ce rythme incessant qui m'entraînait de classes en classes et de cours en cours du matin au soir, m'empêchant de repenser à cette nuit... Cette nuit qui m'avait horrifiée, mais que je gardais secrète au fond de moi. Pourquoi les avaient je écoutés ? Ce fantôme et cette fille brune qui même si elle paraissait sympathique, semblait me cacher tellement de choses. Je ne savais même plus croire. Les morts parlent parfois, mais sont ils sincères ?... Et cette adolescente que je m'efforçais d'éviter était elle elle aussi sincère ? Ou la folie avait prit part d'elle, la laissant dans ce monde d'horreur et de paranoïa. Malgré tout je savais qu'il ne fallait pas que j'y pense, car même à la simple pensée de savoir cet environnement dangereux, mon coeur se serrait et une nausée désagréable me montait à la tête. Alors autant ne pas s'en soucier pour le moment... Quitte à me perdre dans les abîmes de l'ignorance que je m'imposais...


Après avoir saluée mollement les membres du club, je me dirigeais vers un tablier, que j'enfilais par dessus mon jean et mon haut à manches longues noires qui était parfaitement assortit à mes bottes en caoutchouc noires dont les rayures de zèbre cassait toute la crédibilité de mon côté jardinier. Il me manquait plus que le chapeau de paille et ça aurait été parfait ! Je m'étais même attachée les cheveux, pour pas y retrouver de la terre comme les dernières fois, même si ma longue tresse restait toutefois vagabonde. J'avais plutôt l'air d'une fleuriste, ou d'une croque mort zébré à tout casser... Heureusement les fantômes de Rédemption ne venaient pas ici, ou du moins je n'en avais encore pas vu se balader sur le toit. Ca avait quelque chose d'apaisant quand on comptait le nombres d'âmes égarées qui erraient dans l'établissement... Il fallait croire que chouchouter des fleurs avait quelque chose de bon.

Les élèves du club commençait déjà à s'occuper des plantes, et sans attendre je m'y afférait aussi, à ma manière... Affalée sur un tabouret qui traînait par là, le coude appuyer sur le plan de travail pour retenir ma tête, je regardais cette fleur rose, s'épanouissant peut à peu tout en restant frêle et fragile face à l'hiver. Je les voyais tous parler et s'occuper de toutes ses fleurs, alors que je ne savais même pas par où commencer avec la mienne. Je me contentais de caresser ses pétales pendant que les autres ne se préoccupaient pas de ce que je faisais. Après tout il en faisaient bien assez pour combler mon inactivité. Et puis comme pour me sauver, j'entendis des pas arriver vers moi, et mon regard se tourna alors vers cette jeune adolescente dont les joues étaient empourprés par la gène sans doute, ce qui me fit sourire malgré mon air interrogateur. Je n'eus pas même le temps de lui adresser la parole qu'elle s'en chargea, marquant des pauses comme pour traduire sa timidité sous le regard des autres membres du club. Je trouvais ça vraiment mignon ! Et je voyais aux regards des autres élèves qu'ils ne parvenaient pas à entendre ce qu'elle disait même en tendant l'oreille. C'est alors que mon sourire s'étira et que je me redressais du tabouret pour lui sourire en passant mes mains dans mon dos pour les lier avec cet air niais que j'arborais sur mon visage.


Je croisais alors le regard du professeur qui supervisait ce cours pour lui demander silencieusement si je pouvais m'absenter, chose qu'il ne me refusa pas. Sans doute mon absence n'aurait elle pas été une grande perte, et mon air grave semblait indiquer que la chose était urgente. Bon d'accord j'exagérais un peu les choses... Mais ça ne me ferait pas de mal de sortir un peu de ce cocon de terre où tout le monde allait et venait pour pouvoir s'occuper de toutes les plantes. En silence j'ôtais mon tablier pour le déposer à un crochet derrière moi et je soufflais à la jeune adolescente face à moi.


Avec un air complice je me dirigeais vers la sortie, ne souriant pas trop pour pouvoir sortir sans être soupçonnée de mentir. Et puis je n'étais pas si mauvaise que ça à ce jeu là. Je bénissais déjà l'adolescente d'être venue me sauver d'ici ! Je me demandais si elle ne me prenait pas pour une folle sur ce coup... Mais j'aurais tout le temps de lui expliquer à l'extérieur. D'ailleurs je n'avais pas vraiment comprit pourquoi elle était venue me parler... Je ne me rappelais pas m'être inscrite au club journalisme, sans doute était ce une erreur de leur part. Moi qui n'étais pas du genre à participer à des clubs, je me retrouvais inscrite dans deux d'entre eux. Mais à choisir, je crois que j'aurais préférée le club journalisme. Et puis... Il semblait tomber pendant les mêmes horaires que le club jardinage, ce qui pourrait me permettre d'y échapper.

Quel plaisir de ne plus avoir cet odeur d’engrais dans le nez. C’était peut être exagéré mais quand je disais que je n’aimais pas jardiner… Les samedis matins étaient pourtant si beau il ya de cela quelques temps. Je me souviens encore de mon réveille qui sonnait à l’aurore, me libérant de cette prison immortel emprisonnant mes rêves les plus fou. Je me souviens du temps que je passais à me préparer et à faire mon sac pour partir une fois encore vers l’inconnu de ce monde. Il y avait du soleil et de la pluie, du vent et de la chaleur et pourtant ça ne m’empêchait pas de partir chaque samedi avec lui. Des weekends end si précieux qui me permettaient d’oublier mes semaines au lycée et tous ces ragots qui circulaient sur moi. Et pourtant tout n’était désormais que l’ombre d’un souvenir, le passé d’un présent que je passais dans un monde inconnu. Je n’avais jamais mit les pieds en Angleterre avant. Je parlais couramment la langue sans pour autant m’intéresser à ce pays que je voyais aussi mort que froid et qui était désormais le refuge de mon être.

Détachant mon regard de l’horizon hivernal et monotone que m’offrait la hauteur du toit, je me mis à marcher en direction de la jeune adolescente brune, silencieuse mais avec un petit sourire qui en disait long sur mon soulagement. Je crois qu’au fond j’avais apprit à maîtriser cette mélancolie qui surgissait sans cesse. Je finirais peut être par enfin l’oublier… Ou mieux encore, ne plus la ressentir. Je ne savais même pas où m’emmenait l’adolescente. Léo elle s’appelait… C’était un prénom plutôt masculin… Mais c’était assez mignon. Malgré tout, je ne dis rien, la suivant avec curiosité jusqu’à la salle du club journalisme. Mince… Elle n’avait quand même pas crue que j’allais m’inscrire ?... Oups la boulette. Tous les regards de la salle étaient posés sur moi et ma tenue plus que… Bref il me manquait que le chapeau de paille. Heureusement que j’avais quittée mon tablier. Mais il restait mes bottes que certains regardait avec les sourcils haussés. Oui elles étaient belles mais pas discrètes… Et pleines de terre en plus de ça… Je décidais donc de les essuyer du mieux que je pu sur le paillasson à l’entrée. Heureusement il y avait très peu de terre, je me serais sentie mal à l’idée de parsemer la salle de terre…




Je lui souris alors minablement de cet air désolé que je voulais sincère, et qui l’étais par la même occasion. En fait je lui faisais surtout bien perdre son temps, et je me sentais stupide de l’avoir suivie jusqu’ici pour la planter ensuite. Surtout qu’elle avait l’air gentil… Elle devait être plus jeune car je ne l’avais jamais vu dans les couloirs… Mais ma vue me jouait peut être des tours… Avec toujours cet air gêné je me mis discrètement à détailler la salle, mes mains posées sur mes genoux pendant que je tournais la tête vers les élèves qui semblaient plongés dans leur travail. Ils avaient vraiment du courage pour passer leurs matinées à mettre en place un si gros projet. Il faut dire que je n’étais pas une grande courageuse et que j’étais allée au bout de très peu de choses… Sans doute ce côté flemmard qui sommeillait en moi.




Et sur ce coup, je n’avais pas tort. Je me demandais d’ailleurs pourquoi j’étais encore assise sur ce siège à la regarder comme une enfant prise en flagrant délit… Je ne la regardais même pas dans les yeux, observant les papiers entassés sur le bureau et les multiples stylos qui jonchaient sur le bureau. Je ne savais même pas quoi faire, soupirant faiblement pour que personne ne puisse m’entendre avant de me mettre à réfléchir. Qu’est ce que j’allais bien pouvoir dire quand je reviendrais au club jardinage. Oh puis j’inventerais une histoire de paperasse. De toute façon ce n’est pas le risque de prendre des heures de colle qui allaient me faire peur, même ce n’était pas la meilleure position possible… Mais après mure réflexion je me redressais sur ma chaise pour me tenir droite et lui demander :

Ce devait être la première fois que je l’entendais parler autant. Je n’avais pas vraiment eu l’occasion de beaucoup lui parler… Elle semblait réellement éprise de son poste de dirigeante du journal. C’était plutôt amusant, mais sans rien cacher ce n’était pas vraiment ma tasse de thé. Où alors j’avais vraiment décidée de ne rien faire de ma peau. Il est vrai que je ne m’étais jamais intéressée aux activités scolaires, que ce soit ici où dans les autres établissements que j’avais fréquentés. Chacun son histoire, et pourtant la mienne ne se résumait pas à grand-chose. Un vide perdu entre la peur d’aller au lycée et l’espoir de voir celui que j’avais aimé et que sans doute j’aimais encore venir me chercher à la sortie. Dés fois il était venu, devant la grande grille de l’établissement, à l’allure aussi imposante qu’enfantine et adorable. J’aurais pu me vanter de faire venir un homme aussi beau jusqu’à mon lycée. Il avait certes six années années de plus que moi, mais au fond c’était cet écart qui me rassurait. Cet écart qui m’empêchait de penser à ces adolescents qui dans les couloirs soufflaient des mots incompréhensibles et se moquait ouvertement de cette indépendance, de cette peur qui m’empêchait d’aller vers les autres. Au début c’était eux qui me rejetaient, et puis est venu le jour où je ne voyais plus que lui, et où j’aurais pu tendre la main à ceux qui marchaient avec moi jusqu’à nos salles de classes. Ceux qui venaient à ma table et me parlait quelque fois. Mais j’en voulais seulement encore à ses enfants qui m’avaient tous tourné le dos à cause de ma différence non fondée. Mais aujourd’hui tout était différent. Ceux qui m’entouraient étaient comme moi, avec leurs lots de problèmes et leur différence. Une possible échappatoire à cette barrière qui me renfermait sur moi-même sans doute.

Et puis j’y prenais peu à peu goût à cette vie, à cette atmosphère. J’aurais sans doute pu tout endurer pour garder ce précieux espoir qui me disait que bientôt je serais aussi heureuse que lorsque j’étais avec lui. On aurait pu croire que je restais enfermée dans un passé que je ne contrôlais pas… Mais comment oublier ces instants de bonheurs, qui à eux seuls, parvenaient à me faire sourire ? A éclairer l’étrange obscurité du ciel de Birdsall ? J’étais la fille qui voyait des étoiles, celle qui se faisait suivre silencieusement par l’oiseau de la mort. Sa présence me rassurait encore, et pourtant je le voyais peu à peu disparaitre dans le ciel, se faire de moins en moins présent. J’avais cette boule au ventre qui me disait qu’il allait me quitter, et pourtant mon sourire qui en un seul regard du monde, aurait pu tout arranger. J’étais persuadée de ne pas être prête pour prendre des décisions, alors qu’au fond, seule moi pouvais les prendre. Pourquoi fallait-il sans cesse que je m’interdise tout ca ? Ce tout que chacun cherchait à atteindre ? J’étais venue pour faire des efforts, et les paroles de Sélène parcouraient encore mon échine de frisson… Seulement… J’essayais de ne pas y penser. A quoi bon me perdre dans un inconnu qui me détruisait ? Ma vie s’en était déjà chargée.

Mon regard se planta sur les documents face à moi, mes mains toujours l’une dans l’autre sur mes genoux comme si je tenais la main de quelqu’un d’autre. Je cherchais mon propre soutient pour faire quelque chose d’aussi banale que de m’informer sur ce club. Pourquoi pas après tout… Ils avaient l’air silencieux et accueillant, j’avais même reçue une tasse de café que j’avais gentiment posée devant moi. Et puis elle était gentille elle aussi… Avec son nom étrange et ses petites manières adorables. Peut être que je devrais les rejoindre… Ou au moins m’informer. Tout avait l’air plus calme qu’au club jardinage… et sans doute que je pourrais réussir à faire les deux en même temps… Avec l’accord de cette chère surveillante dont la mystérieuse décision m’étonnerait toujours. Alors ma petite Taylor, tu vas t’y mettre maintenant ! S’adresser à sois même avait quelque chose de glauque je dois le reconnaître. Mais ce n’était pas quelqu’un d’autre qui allait me le dire. Alors en me redressant sur le bord de la chaise j’attrapais la tasse de café pour en boire une gorgée et demander innocemment.




On aurait dit une petite enfant gênée de demander comment on faisait les bébés… Il fallait dire que je venais de lui faire réciter un roman pour rien. Enfin ce n’était pas sur que ça m’intéresse. Le club de journalisme avait une telle réputation… Il paraissait que tout les ambitieux et les travailleurs de Rédemption venaient s’y inscrire. Et je ne faisais malheureusement pas partie d’une de ces classes. Ce serait peut être un moyen de m’occuper après tout… Ma curiosité étant bien trop accrue pour ne profiter qu’à moi. Je m’imaginais déjà à faire mes petites recherches… Ou bien à me faire virer en même pas une semaine. Ce n’était pas de ma faute si je ne parvenais pas à être concentrée sur un projet. Je ne faisais certes pas beaucoup d’efforts, mais j’aurais toujours l’excuse que c’était dans ma nature…




Je me mis à lui sourire avec la tête penchée légèrement sur le côté. Je ne lui avais même pas donnée le temps de finir, mes pensées se chamboulant à toute épreuve dans ma tête. J’avais une grande réflexion, c’était déjà ça. Je n’étais pas sure qu’elle me serve à quelque chose, mais bon. J’avais même l’impression de me vendre alors que je n’avais pas envie de m’inscrire… Enfin… J’avais envie, mais en même temps… J’espérais réellement trouver une source d’inspiration quelque part. Une inspiration pour repeindre ma vie de rose et de bordeaux, et casser d’un blanc nacre, le noir du passé.