Du sang. Sur la neige et dans mes yeux. [Juliette]

FLASH-BACK

Du sang. Sur la neige et dans mes yeux. [Juliette] Clair

"Qu'est-ce qu'il t'a dit ?"
La voix de Juliette est anxieuse, comme toujours.
"Ne t'inquiètes pas mon amour."
Il l'embrasse. Passionnément et rapidement. Passe la main dans ses cheveux. Elle le regarde, assise à son bureau, dans la semi-pénombre, elle a l'air d'avoir si peur.
"Tout va bien se passer."
Il sourit. D'un sourire qui se veut rassurant, confiant. et qui l'est vraiment. Un sourire de héros qui rentre du front, sans une égratinure. Zachary est vraiment confiant. Il sait qu'il réussira. il y arrivera, cette fois. Et tout va bien se passer. Le Directeur sera satisfait, rien n'arrivera à Juliette. Car il va exécuter les ordres, sans protester.
Tout ira bien. Oui, tout ira bien.

FLASH-BACK ENDS

Bonjour Zachary, comment vas-tu aujourd'hui ? Il est rare de te voir en ces lieux en plein jour. Il est rare de te voir sourire ainsi. Que se passe-t-il donc ? Qu'est-ce qui fait de cette journée une telle réussite ?
Si j'étais vous, je m'inquiéterais, chers élèves de Rédemption. Un Zachary dans cet étatt, ce n'est généralement pas une bonne nouvelle pour vous.
Par cette belle journée d'automne qui se fait déjà passer pour l'hiver, le ciel est gris, le vent si froid. Si frais. Si pure, se dit Zachary. Comme c'est agréable, cet air qui ne sent rien, qui giffle et revigore. Il se sent vivant.

FLASH-BACK

La piéce principale du bâtiment gris est extraordinairement sombre. Et elle empeste. Les murs, le sol, l'air, tout est imprégné de l'odeur infecte de sueur humaine, de sang et de mort. Tout ce qu'on entend quand Zachary ouvre la porte avec fracas est un faible gémissement, pitoyable. La lumière du dehors entre dans la pièce suffocante. Crue, elle dénature tout ce spectacle, jette un voile de réalité sur cette part de cauchemar. Et tout devient pire.
La pauvre créature recorquevillée au fond de la pièce, le plus loin possible de Zachary, est atteinte par les durs rayons blancs du soleil d'automne. Sa maigreur, sa terreur, tout est mis en valeur. Les os saillants de son visage, les plaies sanguinolantes, certaines infectées, les yeux exorbités.

FLASH-BACK ENDS

Le sol de terre recouvert de feuilles mortes, à demi gelé, craque légèrement sous ses pas. À intervalle régulier. Ses yeux sont très bleus. Partout la lumière est blanche et claire. Ses pupilles se sont pas dilattés, laissant au bleu océan la possibilité d'envahir son regard. Ah ! Comme sa démarche respire la joie, comme il à l'air léger. Il se sent libre.

FLASH-BACK

Le regard de Zachary ne s'arrête pas sur ce spectacle. Il ne voit qu'une forme, un devoir à accomplir.
La respiration saccadée et les pleurs ne parviennent pas à ses oreilles, pas plus qu'il ne voit les mains cadavériques s'agiter, gratter le sol et le mur, févrillement, dans un espoir instinctif de s'échapper, d'échapper à la menace noire qu'est Zachary.
Mais est-ce encore Zachary que cet homme sans regard, sans âme qui vient de passer le pas de la porte ? Il semble être désincarné, un corps seulement. Pas un trait de son visage ne bouge, ses yeux ne clignent presque plus, vides, sans éclat. Pas de lueur sauvage dans le regard, de sourire carnassier, de mains qui s'ouvrent et se referment pour s'échauffer. Rien de cela. Il n'y a, dans cette pièce, que le soldat parfait, insensible et puissant, et une créature qui sent la mort approcher.

FLASH-BACK ENDS

Son long manteau noir flotte et claque au vent. Il n'a pas peur du froid ou de la neige, il en a l'habitude. Il n'a, en cet instant, peur de rien. Le regard posé sur l'horizon; les mains enfouies dans les poches; le pas lent et mesuré; les joues rouges et la peau pâle. Et le regard bleu.
Il prend son temps, profite de l'absolution que lui offre l'oubli.

FLASH-BACK

Dans sa prison d'acier, enfermé dans son propre esprit, yeux fermement clos, mains sur les oreilles, comme un enfant devant un film d'horreur, Zachary, ou tout du moins son âme, frémit quand ça commence. Il n'habite plus ce corps, sent à peine ses mains qui s'agitent, faisant Dieu ne sait quoi. Exécutant les ordres...Mais il ne peut oublier totalement ce qu'il, ce que son corps, fait là-bas sur la planète Terre. Alors il ferme les yeux, mais pas dans la réalite, c'est seulement son âme qui coupe les influx d'informations en provenance de la réalité. Il s'enfonce encore plus profondément dans les vestiges de son esprit, fuyant l'acte atroce que son corps exécute. Il attend de ça passe.
Et finalement, Zachary réintègre son corps. Il n'y a pas une goutte de sang sur ses mains. Il y en a partout ailleurs. Il est agenouillé au sol, ses genoux lui font mal, ses doigts aussi. En se levant, il remarque à peine le garçon, mort, les traces de ses propres doigts sur le coup du cadavre et les pics d'acier qui sortent du corps.
Il a mieux à faire. Il va rejoindre Juliette.

FLASH-BACK ENDS

Les cheveux dans le vent, on dirait un ange. Tout en noir.
Il sort de la forêt et s'engage sur le long chemin de gravier qui mène à Rédemption. Libre, heureux.
Zachary passe la porte noire de Rédemption, se dirige directement vers le bureau du Directeur. Juliette est assise à son bureau. Elle est perdue dans son travail, si belle. D'ordinaire, Zachary se serait contenté de la regarder, de loin, pendant un moment. Pas aujourd'hui. Aujourd'hui, il peut profiter de sa présence, et c'est ce qu'il va faire.
Il s'approche, prend sa main et l'emmène sans attendre vers l'extérieur, vers la liberté. En passant la porte, il voit le Directeur qui l'observe. Ils échangent un signe de tête, bref. La besogne a été faite. Et, pendant que résonne le rire de Juliette, le visage du mort lui revient en tête. Des yeux grans ouverts et des éclaboussures de sang. Durant un court instant. Puis, l'image disparaît, oubliée. Zachary profite de son amour, de cette journée. Jusqu'à la prochaine fois...

Is this Heaven ? Or is it Hell ?

Douleur et plaisir, espoir et crainte, amour et haine. La vie de Juliette semblait être faite de noir et blanc. Le gris n’existait pas chez elle, ou plutôt il n’existait plus. Pas depuis Rédemption. Qu’est-ce que ça sera aujourd’hui ? Voilà la seule question qui venait à l’esprit de la jeune femme chaque matin. Le monde sera-t-il peint en noir ou en blanc ? Souffrance ou bonheur, que me réserve la vie aujourd’hui ?

And there he is, my Fallen Angel. But does he come to me as a messenger of Light or as a bearer of Darkness ?

Zachary sortant du bureau du directeur. Noir, complètement noir, voilà les prévisions pour cette journée. La peur reprend sa place dans son esprit. Des échos des douleurs passées refont surface. Et la haine. Plus grande, plus puissante chaque jour et dirigé vers une seule et unique cible située à quelques mètres d'elle, séparé par un simple mur.

Will we dive to the depths of the Earth or rise to the heights of the Sky ?

Un baiser et tout semble disparaitre. Pas seulement un baiser. Son baiser. Le seul et l'unique qui ai cet effet là sur elle. Sa main dans ses cheveux, son sourire le son de sa voix et soudainement tout ne semble plus aussi noir. Non, le noir est toujours là, mais il n'a plus aucune importance. Zachary était là et il a dit que tout irait bien.

Is this a Dream or is it Reality ?

Zachary est là. Il est revenu. Il est revenu pour elle. Il est revenu et tout allait bien. Et Il l'emmenait. Loin de ce bureau qui était sa prison. Loin de cet endroit noir et vers un monde peint en blanc. Elle ne put pas s'empêcher de rire. Rien n'avait changé. La douleur pouvait toujours revenir demain et tout serait encore une fois noir. Mais là, tout de suite, Zachary était là et tout allait bien.

All the Truth, all I need to make of this Reality, is right here with me.

Le vent dehors est froid, mais la main de Zach est chaude et Juliette se colle donc contre son bras pour aller chercher un peu plus de chaleur. La neige était partout autour d'eux, d'une blancheur immaculé et pendant un instant elle crue vraiment que le monde entier c'était coloré en blanc tout comme son monde à elle. Habillé tout en noir, Zachary faisait contraste avec le reste du paysage. Au milieu des arbres aux branches nues ou recouverte de neige, il semblait être le seul être vivant. Dans son monde à elle il était la seule chose dont elle avait besoin pour remplir sa réalité. Tant qu'il serait là rien ne pouvait lui arriver.

WHAT IS LOVE ?

Du sang. Sur la neige et dans mes yeux. [Juliette] 17872905

Tout est si parfait. Si beau. Si fort. Un amour si puissant, toute la vie devant eux. De loin, chers élèves de Rédemption, en regardant par les fenêtres de votre prison, vous n'y verriez que du feu. Deux êtres qui s'aiment plus que tout. Main dans la main, l'un contre l'autre. Toujours si proche, comme si être séparés revenait à mourir. Vous imaginez déjà leurs regards amoureux. Vous les voyez s'embrasser et pensez que c'est le plus beau moment de leur vie, que rien ne vient assombrir cette belle journée.
Et vous n'avez pas complètement tord. Cette jeune fille blonde, si amoureuse, profite de cette journée comme elle se doit. La vie lui apparaît belle et riche, et les lendemains sont si lointains, si insignifiants...Elle y pense à peine, n'ose même pas le faire. Elle a la sagesse de se concentrer sur le présent.
L'ange noir qui marche à côté d'elle ne peut faire cela. Il reste prisonnier du passé, enchaîné à l'avenir.
A tout ce qu'il a vu arriver, tout ce qu'il a fait. Il ressasse ses erreurs sans cesse, aucune trève dans son esprit, il se torture. Jusqu'à ce que tout soit parfait, que tout aille bien, que tout le monde soit sauvé, il n'arrêtera pas. C'est une constante bataille contre lui-même qu'il ne peut empêcher. Elle lui semble nécessaire. Il aimerait, plus que tout, pouvoir profiter de la simple présence de Juliette. Mais toujours la peur de l'avenir et le poids du passé le retiennent.
Peut-être ne pourra-t-il jamais s'arrêter...Peut-être est-il condamné à souffrir jusqu'à ce que la mort le libère. Peut-être est-il déjà trop brisé pour faire un pas en arrière. Cette bataille contre lui-même lui semble parfois déjà perdue. Un paradoxe infini. Être sans arrêt sûr d'avoir fait le bon choix et persuadé d'avoir fait le mauvais. C'est un homme déchiré.
D'un large plaie qui le coupe en deux et traverse son coeur. Deux parties qui ne peuvent se mettre d'accord car leur but sont opposés, tout comme leurs méthodes. Et son âme ? Demandez-vous ? Ah...chers élèves, son âme c'est une autre histoire. Elle l'a déserté depuis longtemps et se cache.
Pourtant, quand le temps sera venu, quand Zachary sera pris, elle reviendra lui tenir compagnie.
Tout cela, personne ne le sait. C'est un secret bien gardé. Il faudrait être tout près de lui, et plonger ses yeux dans les siens, et être assez déchiré soi-même pour reconnaître ses blessure. Et personne ne s'en doute. Juliette ne voit pas le combat, ni le sang qui tâche encore le regard de Zachary. Et Zachary, comme à son habitude, secoue la tête, fait voler ses doutes et ses remors, et oublie.

C'est un temps à faire des farandoles. A faire des anges dans la neige fraîche. A se serrer l'un contre l'autre, à se réchauffer mutuellement, à danser comme si le monde était beau. A rire comme si c'était le dernier jour sur Terre.
Et Zachary, débarasser de ses pensées sur le Directeur, sur Sélène, sur Rédemption, emporte Juliette aussi loin qu'il le peut. Comme si, aujourd'hui, ils pouvaient échapper à l'enfer. Au Destin.
Mi-marchant, mi-dansant, une magnifique joie de vivre dans les pas, les deux amoureux s'enfoncent dans la forêt. Délicatement et discrètement, Zachary dirige leurs pas loin du bâtiment gris. L'espace d'un instant, l'image du cadavre s'impose de nouveau à son esprit. Il se sait que ressentir à cette vision. Il ne ressent rien. Ni dégoût, ni haine, ni honte, ni peur, ni joie, ni satisfaction. Une statue d'acier.
Et de toute façon, avec Juliette à côté de lui, toutes ces question s'échappent et disparaissent dans un autre monde.

C'est comme s'il avait une belle chanson dans la tête, regardait un coucher de soleil particulièrement magnifique, se trouvait devant une mer déchaînée...Il se sent tout simplement heureux. Il est totalement pris par ce qu'il voit. Juliette, devant lui.
Les deux amoureux sont arrivés à une clairière enneigée. Un cercle parfait, dépourvu d'arbre. Un silence total. Une solitude de fin du monde.
"C'est parfait."
Parle-t-il de cet endroit féerique ou de sa bien aimée qu'il dévore des yeux ?
Il pourrait passer des heures ainsi, simplement à la contempler. L'être le plus merveilleux du monde. Mais pour une fois, il a le droit d'être avec elle. Pour une fois, il est sûr que ses actes n'auront aucune conséquences néfastes. Aujourd'hui, il peut l'aimer en paix. Car il a accompli son travail.
Certains pourraient penser qu'une vie exterminée de vaut pas le plaisir d'un baiser. Qu'on ne peut profiter d'un baiser en sachant qu'on vient de tuer quelqu'un. C'est inhumain, c'est cruel. La vérité, c'est que c'est Zachary.
Il est habitué aux sacrifices. Tuer pour aimer. Mais pas aimer tuer.
Alors quand il prend Juliette par la main et l'amène vers lui, quand il sent son corps frêle contre le sien, quand il s'approche et sent son souffle dans son cou, et son coeur qui bat, quand il plonge les yeux dans les siens, il ne regrette rien.
Les images repassent devant ses yeux, à une vitesse incroyable, tout ce qu'il croyait avoir oublié, refoulé, le sang, les cris, les gémissements, la mort. Il embrasse Juliette et tout disparaît.

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