J-15

Papa semble agité, plus agité que d'habitude. Je ne sais pas ce qu'il a. Il n'arrête pas de me regarder mais ne me dit rien. Je n'ai rien fait pour l'énerver. Cherche-t-il une excuse pour me faire la leçon ?
Je le sais que j'ai tué ma mère et cela m'attriste aussi. Je sais que je ne dois pas touché les gens. Il n'a pas à me faire la leçon dès que l'occasion se présente, je suis toutes les règles et tous les principes qu'il m'a enseigné.
Je suis sage, j'ai bien appris mes leçons. Je pense être même bon à l'école mais il semblerait que ce ne soit pas encore suffisant. Je sais qu'il ne m'aime pas mais j'ai pourtant fait tant d'efforts pour qu'il m'accepte enfin.
Je ne lui demande pas le pardon, simplement de la considération. Est-ce trop demandé ?
Même au repas il ne dit rien. Il est bien plus silencieux que d'habitude. Je lui demande s'il est malade, il me répond que tout va bien. Mais je le vois bien que ça ne va pas.
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J-12

Papa me parle enfin. Il me dit qu'il souhaite m'envoyer dans cette école, en Angleterre. Je ne comprends pas : il avait refusé que j'y aille. Je lui demande pourquoi et il me répond que c'est pour que je me rapproche de ma mère. Je lui demande alors pourquoi il n'avait pas voulu au début et me répond qu'il ne connaissait pas les intentions du directeur et que cela l'inquiétait.
Il ment, je le sais. Il ne me regarde pas dans les yeux comme à son habitude. Mais je ne dit rien, il doit avoir une bonne raison de me mentir.
Je lui demande s'il vient avec moi en Angleterre, il me répond que non. Il rajoute qu'il m'enverra de l'argent chaque mois pour que je m'achète des vêtements, des livres, enfin bref le nécessaire, mais qu'il ne m'accompagnerait pas. Pourtant, je n'ai que 10 ans. N'a-t-il pas peur d'envoyer un si jeune enfant aussi loin ?
Il me parle d'indépendance. Je n'en ai rien à faire. J'ai peur. Je le lui fait savoir. Il s'énerve. Je ne comprends pas.
Après un moment de silence, il m'avoue enfin qu'il a trouvé quelqu'un. Je suis choqué. Et c'est lui qui me dit de ne pas oublier maman. Mais il me dit qu'il ne l'oubliera pas. Je le traite de menteur, même si cette fois il m'a regardé dans les yeux. Je ne l'accepte pas. Je ne veux pas que quelqu'un remplace maman. Il me dit qu'elle ne la remplacera pas mais je ne le crois pas. Je dis que je ne suis pas d'accord. Le ton monte. Une dispute éclate. Je suis envoyé dans ma chambre. Je lui en veux.
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J-10

Cette femme est venue à la maison. On est tous mal à l'aise.
Papa dit à la femme que je serais envoyé à l'étranger pour étudier. Elle sourit. C'était ce qu'elle voulait. Je demande à papa s'il veut se débarrasser de moi. Il envoie la fille chercher des boissons et me répond « oui » une fois qu'elle est partie. Je pleure. Je ne veux pas partir. Il m'explique qu'il veux rebondir. Ne pas oublier mais rebondir. Il a un discours rationnel avec un enfant, s'en rend-t-il compte ?
Je me suis enfermé dans ma chambre. Je ne veux pas sortir pour manger. Je ne veux pas sortir pour aller me laver. Il a beau hurler à travers la porte que je suis puéril, que je dois grandir, je ne suis qu'un enfant comme le dit la femme. Je lui en veux.

La femme profite que papa se soit absenté pour me parler. Elle me dit d'ouvrir la porte parce qu'elle m'a fait des sandwichs. J'ai beau avoir faim, je ne la crois pas. Elle me dit qu'elle ne veut pas remplacer ma mère. Je lui dit que je ne la crois pas. Elle me répond que si elle voulait remplacer ma mère, elle ferait en sorte que je ne parte pas à l'étranger. Elle ne souhaite pas de relation intime avec moi, elle veux juste que je l'appelle par son nom. Jang Sun Han-shi. Ça me convient. Je lui pose la question pour mon père. Elle me dit qu'elle aura du mal à lui faire oublier sa femme, vu comment il en parle encore, vu qu'il m'a toujours. J'ouvre la porte. Elle m'a en effet fait des sandwichs et me regarde sans sourire. Elle ne m'aime pas, je ne l'aime pas. Je lui dit que je ne veux pas partir. Elle me dit que je n'ai pas le choix. Je prends les sandwichs et referme la porte. Je ne l'aime pas.
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J-8

La femme est revenue. J'essaie de m'enfuir dans ma chambre mais papa me rattrape avant et me fait asseoir. Il me dit qu'il m'envoie dans cette école pour mon bien. Surtout pour le sien. Il me rappelle qu'il y a peut être des gens comme moi. C'est vrai. La femme ne comprends pas mais ne cherche pas à comprendre. Tant que je pars, pour elle, c'est le principal. Il me dit que le directeur semble vouloir mon bien. Qu'en sait-il ? Les prix sont attractifs. C'est à l'étranger. Il dit que je pourrais enfin me faire une nouvelle vie avec des amis. On ne peut pas dire que j'en ai beaucoup.
Les enfants et leurs parents me fuient.
Et ceux qui ne me fuient pas me font des blagues.
Et ceux qui ne me fuient pas et ne me font pas des blagues sont réprimandés par leur entourage.
Je sais pourquoi il font ça. Je sais que je le mérite mais c'est cruel.
Papa me donne une semaine de réflexion, une semaine pour apprendre à connaître sa nouvelle femme. Elle fait une moue à peine visible. Elle semble aussi enchantée que moi de passer du temps ensemble.
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J-7

Nous sommes tous les deux dans ma chambre. Elle a apporté un magazine et je fais mes devoirs.
Elle me demande si c'est nécessaire que je continue alors que je serais envoyé dans une autre école. Je lui réponds que ce n'est pas ce genre de réflexion qui va me décider à partir. Elle me demande si je veux de l'aide. Je lui réponds que non. « Tant mieux. » Elle m'agace. Je lui demande de partir. Elle reviens 5 minutes après avec des verres de thé glacés. Je n'y touche pas. Elle me dit qu'elle prendra soin de mon père et finit par s'en aller. J'espère bien !
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J-6

Encore une fois tous les deux seuls dans ma chambre. Encore avec son magazine. Je lui demande de quoi ça parle. « De personnalités » me répond-t-elle. Elle me demande si je veux regarder. Je doute puis décide d'y jeter un œil. C'est niais, stupide, voyeur. Je lui fait remarquer. « Je sais ». Elle n'a donc aucune fierté ? De scrupules ? « Non ». Elle m'agace. Comment puis-je laisser mon père à une femme pareille ? Elle me regarde d'un air profond avant de répondre que je le ferais par amour pour lui. Je dois avouer que c'est bien la première fois que je la vois aussi sérieuse, aussi profonde. Rien à voir avec le côté artificiel et superficiel qu'elle me sort depuis plusieurs jours.
On reste dans notre quoi jusqu'à ce qu'elle souhaite partir. Je continue à réfléchir sur ce qu'elle a dit.

Mais l'a-t-elle vraiment dit finalement ?
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J-5

J'en ai assez de la voir dans ma chambre. Elle me dit qu'en Angleterre, je ne la verrais plus. C'est vrai et rien que cette affirmation me donne envie d'y aller. Elle sourit. Elle m'agace.
Je lui demande ce qu'elle a voulu dire hier. Elle répond que si j'aimais mon papa, je partirais. C'est cruel. Elle en est consciente. « La vie est cruelle ».
On reste chacun de notre côté jusqu'à ce qu'elle part.
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J-4

J'ai réfléchi cette nuit. Je n'ai pas dormi. Elle s'en rend compte et décide de me laisser tranquille pour aujourd'hui. Avant de partir, elle me dit de me reposer. Elle n'est pas méchante. On ne s'aime pas, c'est tout. Et aucun de nous ne voit pourquoi on devrait faire des efforts l'un envers l'autre. Après tout, l'un de nous deux devra partir. Et il évident que ce sera moi. J'ai moins de poids, même si ça fait plus longtemps que je vis avec papa. Il ne m'aime pas. Il est évident qu'il ne me gardera pas. Les conditions qu'il m'a données sont bonnes et pourtant je ne veux toujours pas partir.
J'ai peur. J'ai peur. J'ai peur.
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J-3

Papa me demande ma décision. La femme n'est pas venue aujourd'hui. J'en profite pour dire à papa que je ne veux pas partir. Il me demande pourquoi. « J'ai peur ». Il me dit qu'il comprend. Je ne suis pas sûr qu'il comprenne réellement.
Il dit que lui aussi a peur. « Démarrer une nouvelle vie n'est pas si simple. »
Il me propose d'emmener des choses pour me rassurer. Une photo de maman. Mon ours en peluche que m'avaient acheté papa et maman quand on était encore heureux. J'accepte. Je lui demande une photo de lui. Il accepte. Une photo de Jang Sun Han-shi aussi. Il est surpris mais accepte aussi. Il me demande si je l'apprécie. Je lui dit que non, mais comme elle sera de ma famille, je devais au moins avoir une photo d'elle. Il me dit qu'il comprend. Je ne suis pas sûr qu'il comprenne réellement.
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J-2

Jang Sun Han-shi est venue pour m'aider à faire mes bagages. Elle évite de sourire devant moi. J'apprécie la politesse.
On trie ensemble ce que je prends et ce que je ne prends pas. Ce que je prends est mis dans une grosse valise achetée pour l'occasion, ce que je ne prends pas est mis dans un gros carton, lui aussi sorti pour l'occasion. Je veux emmener chaque chose qu'elle montre avec moi. Elle me dit pour me rassurer que le carton sera mis au fond d'un placard et je n'aurais qu'à appeler pour qu'ils m'envoient une chose dont j'aurais réellement besoin. J'apprécie qu'elle ne me demande pas d'être raisonnable.
Du coup, je concède moi aussi et ne prends que deux ou trois jouets. Elle me dit avec un sourire qu'avec l'argent que mon père enverra, je pourrais acheter tous les jouets que je souhaite. Je souris aussi. On ne s'aime pas mais on se comprend. Ma valise est faite, mes cartons sont faits.
Papa revient avec le ticket. Je pars après-demain. Il a du tuer quelqu'un pour avoir cette place, dit la femme en riant. Il a tué, mais à lui on ne dit rien.