La décision avait été aussi soudaine que la détonation d'une arme à feu. Il le fallait, c'était une évidence, l'hésitation n'avait pas sa place dans ce genre de situation. Un départ, une absence plus exactement, une absence à la durée imprécise, d'ailleurs tout lui semblait bien trop imprécis pour le moment. Perturbé par la panique, la crainte, une soupe de sentiment qu'il aurait préféré ne pas goûter.

Des affaires jetés dans un sac, des aller-retour incessant dans une même pièce. Aucun plan en tête, rien d'organiser, ni même l'autorisation pour quitter les lieux n'avait été accepté pour le moment. Il fallait attendre, mais pour encore combien de temps ? Du regret, de la colère contre soi et contre les autres venaient ajouter de l'amertume dans ce mélange de sentiment intense, suffisamment intense pour créer un poids à travers la poitrine. Il fallait gérer tout ça, il le fallait car déjà quelques affaires lévitaient dans les aires d'une manière aussi précaire soit elle.

Une fermeture éclair un peu capricieuse. Dorian s'acharnait sur son sac de voyage qui refusait de se fermer, ce n'était pas le moment pour ce genre de petit contretemps. Il força jusqu'à ce que la fermeture cesse de résister. Un zip réconfortant retentit alors. Il était enfin prêt, il était 17h45 et le prochain bus pour la gare était dans une bonne demi-heure. C'était faisable. Il laissa son sac sur son lit.
Trois coups à la porte retentit, Dorian s'y précipita, abaissa la poignet et son visage mêla la déception et la surprise.

- Melissandre ? Qu'est-ce tu fais ici ? Demanda t-il d'une manière assez froide. Ce n'était pas vraiment le moment pour une visite surprise. Que voulait-elle ? Peu importe, il l'invita à entrer d'un geste peu motivé de la main. Il referma la porte derrière Melissandre.

- Tu aurais pu te faire prendre ! Gronda légèrement Dorian. Qu'est-ce tu viens faire ici ?

Elle riait, était-il aussi ridicule que ça ? Dorian se le demanda un instant. Il savait qu'il n'avait pas été des plus aimable, d'ailleurs il ne voulait pas être désagréable, semblerait-il que cela ne lui allait pas d'être ainsi. Melissandre rétorqua à sa manière, ironiquement, faisant clairement comprendre qu'elle se savait gênante. Dorian soupira et se força à esquisser un sourire, lui-même gêner par son comportement. Effectivement, il se trouvait ridicule d'agir ainsi.

- Excuse-moi ! Engagea t-il d'un ton plus posé, mais toujours avec cette petite touche de nervosité dans la voix. Disons que t'arrives pas vraiment au bon moment ! Avoua Dorian en plantant ses mains dans les poches de son jean. Il regarda Melissandre.

Par qu'elle moyen avait-elle pénétrer dans Rédemption ? Avait-elle usé du passage dans le grillage ? Ou avait-elle découvert un tout autre moyen ? Quoi qu'il en soit, elle semblait assez à l'aise dans ses petites escapades non-autorisé. Dorian se dit que ce n'était pas prudent, elle ne risquait certainement pas grand chose si jamais elle se faisait prendre, mais tout de même. Rédemption savait sanctionné, pensionnaire ou non.

- Je dois retourner chez moi ! Continua Dorian, une désagréable présence au centre de la gorge, cette présence qui n'était qu'une preuve de l'angoisse qui le dévorait à petit-feu. Puis, il retourna à son armoire pour en observer le vide, un vide qui le rassurait; il n'avait rien oublié. Comment tu es entré ? Demanda t-il alors en refermant les portes du meubles.

Melissandre ne semblait pas déranger autant que ça finalement, Dorian allait profiter de sa présence pour se changer les idées, patienter plus facilement en attendant l'autorisation de sortie. Melissandre avait beau répondre, Dorian passa à côté, l'esprit bien trop encombré par quelques appréhensions tel que les horaires de train en direction de Bristol. Il redoutait même le retour dans le quartier pavillonaire, pourtant c'était une chose qu'il attendait avec impatience. Il craignait aussi l'ambiance qui allait peser à son arrivée.

- Bien, bien ! Répondit Dorian après que Melissandre ce soit exprimée sur l'art et la manière de s'infiltrer dans Rédemption. Il lui afficha un sourire et constata l'heure sur sa montre. Bientôt. Sinon, ta journée, comment c'était ? Demanda Dorian, qui faisait mine de s'intéresser à des tas de choses, rien que pour oublier - ne serait-ce l'espace d'une seconde - la raison qui rendait ce jour si particulier.

Melissandre avait parfois des comportements assez étrange et elle le rappelait fréquemment en agissant de la sorte. Dorian c'était demandé ce qui pouvait lui passé dans la tête pour faire un inventaire de son sac, allait-elle lui reproché que le repassage n'était pas son fort ? Que son goût vestimentaire était...mais à quoi pensait-elle en s'impatientant de la sorte devant ce T-shirt. Elle avait tout de même finit par le remettre à sa place, afin de choisir un autre élément qui composait le bagage.

Que l'on fouille dans ses affaires, Dorian avait du mal, mais là il ne disait rien, aprés tout il n'avait rien à cacher dans son sac de voyage qui renfermait une partie de ses affaires, le reste étant dans son sac de cour. D'ailleurs, il passa la bandoulière de ce sac. Il secoua légèrement la tête, tout de même amusé par Melissandre.

Quand allait-il revenir ? Bonne question, certes, mais sans réponse pour le moment. Dorian n'en savait rien, il voulait déjà partir au plus vite, avant de réfléchir à la moindre date de son retour. Mais une chose était certaine, il reviendrait à Rédemption uniquement et seulement lorsqu'il aura retrouvé son petit frère, pas avant. Cela était clair dans sa tête.

- J'en ai aucune idée ! Annonça Dorian en se posant sur le rebord de son lit, au côté gauche de Melissandre. Peut-être dans une semaine...ou deux ! Estima t-il, sans vraiment y croire. Il n'était pas pessimiste, pas sur ce cas là, il ne fallait surtout pas, sinon autant resté dans cette chambre à se morfondre, mais ça non plus il ne voulait pas. Il voulait retourner là-bas, même si sa présence n'était pas des plus indispensable. C'était une occasion, une belle occasion même, de reprendre sa place auprès d'un gamin qui devait certainement être aussi paniqué que son grand-frère. A ses pensées, Dorian se mordilla légèrement les lèvres et fronça ses sourcils, le regard perdu sur le parterre de la chambre.

- Mais...je te tiendrais au courant ! Fit-il en se redressant. Tu tiendras bien au moins deux semaines sans moi, un ? Demanda Dorian avec une très légère pointe d'humour dans la voix, un humour étouffé. Il fallait dire qu'il n'avait pas le coeur à rire, mais tout de même, il essayait.

La fausse menace de Melissandre était des plus...étrange, mais pas impossible à réaliser. Rien que l'imaginer traverser le pays entier - comme elle le disait - avec une tondeuse à cheveux comme une main était assez comique. Mais, quel était son problème avec les cheveux ? Dorian ignorait la réponse et ce n'était pas aujourd'hui qu'il allait l'obtenir, mais il se dit qu'un jour il lui poserait la question. Sacré Melissandre, un esprit fou de Birdsall.
Une lettre minimum était la condition qui c'était conclu. Pourquoi pas, mais si des nouvelles devaient circuler, Dorian userait certainement du téléphone.

Elle marmonna, puis interrogea. Elle s'intéressait au plus jeune des Peysonn, Dorian en parlait très peu, même pas du tout, bien que le gamin occupait son esprit bien plus d'une fois par semaine.

- Jimmy ! Informa Dorian pour la première fois depuis le début de cette année. Mais, Jiminy est le surnom qui lui colle le plus à la peau ! Ajouta t-il amusé.

Jimmy Peysonn, dit Jiminy, un gamin de neuf ans, un miniature de Dorian comme disait quelques voisins, mais l'ainé ne partageait pas vraiment cette avis. Jimmy était bien différent, beaucoup plus extravertit et gaffeur, mais pas gênant, bien au contraire et pas du genre à disparaître dans la nature. Mais qu'est-ce qui c'était passé ? Aucun détails, juste ce message électronique qui dominait l'incroyable liste de message non-lu depuis une semaine.
Dorian c'était décidé - aujourd'hui - à consulter sa boîte mail par l'intermédiaire des ordinateurs de l'école. Un brun de patience, une adresse, un mot de passe et le tour était joué, Dorian était à nouveau en contact avec le monde extérieur. Les expéditeurs répondait - en majorité - sous le pseudo 'JiminyCriquet '. Ce fut par ce même pseudo qu'était parvenu la nouvelle, un message de quelques lignes et une signature; Maman. La lecture avait été suivit d'un long moment d'absence de la part de Dorian.

Où pouvait-il être ? C'était cette question incessante qui occupait les pensées de Dorian. Comme un automatisme, une évidence, il avait banni la notion de fugue de ses idées. Dorian connaissait parfaitement bien son petit frère, enfin c'est ce qu'il pensait.

Il sortit de ses pensées pour reconsidérer la présence de Melissandre. Ce n'est pas par hasard si elle avait posé cette question, Dorian savait que par moment sa tête n'était plus qu'un livre ouvert avec la Miss, tout comme avec Lola lorsque cette dernière était encore là. Il se dit alors que Melissandre avait du suivre le cour de ses pensées, alors pas besoins de lui révéler les faits, elle avait prit la peine de les découvrir.

- Et si personne ne le retrouve...Commença Dorian, un point de vue qu'il n'avait pas encore osé penser. Une semaine, ça fait une semaine...il doit surement avoir peur tout seul ! Et si c'était un kidnapping...je sais même pas si...peut-être même qu'il est blessé je ne sais où et...Dorian prit une grande respiration, passant une main sur son front. Je retourne chez moi, mais je sais même pas si je serais utile ! Mais, je peux pas non plus rester là ! Comment tu ferais à ma place une fois là-bas ? Par où tu commencerais ? Demanda t-il à Melissandre, en la regardant avec attention.

Il n’était jamais bon présage qu’une fille déjantée perde soudainement sa folie. Une Mélissandre inexpressive pour la toute première fois, c’était comme une image qui perdait radicalement de sa couleur. Dorian lui retira le t-shirt de ses mains qui n’exerçait pas la moindre étreinte sur le vêtement. Elle semblait être pensive, mais elle n’en affichait pas le moindre signe, regard perdu sur le sol. La grisaille avait-elle enrobée l’humeur rayonnante de Mélissandre ?
Mélissandre ne fit que confirmer ce qu’il avait en tête, après cet avis, il se devait être des plus déterminé. Il sortirait de Rédemption, prendrait le prochain bus et sautera dans le premier train qui viendra à quai. Et après ? Quel drôle de question. L’après était évident, pour Dorian en tout cas.

Et Melissandre, qu’en était-il ?

- Je ne pensais pas que la vue d’un t-shirt te ferait autant d’effet ! S’exclama Dorian pour faire réagir la rouquine. A quoi pouvait-elle penser ? Une idée, un souvenir ou peut-être rien. Peut-être un simple moment où les pensées laissaient place à une goutte de néant, mais une chose était certaine, Melissandre n’était pas dans ses habitudes. Lire dans les pensées, voilà ce qu’il faudrait dans ce genre de situation, mais Dorian n’avait pas de ça en réserve. Il n’était de ceux qui pouvaient plonger dans la tête d’autrui. Il ne lui restait autre choix que de demander, au risque de ne pas être invité à partager les pensées.

Alors, Dorian se leva, ajouta son t-shirt dans son sac qu’il referma. Bagage en main, il laissa son regard se reposer un moment sur Mélissandre qui ne reprenait pas de son éclat. Il se sentait quelque peu responsable de son état, elle qui était arrivé toute pimpante allait repartir avec cette grise mine. Inconcevable pour Dorian. Une Mélissandre aussi morne ne pouvait exister et pourtant, Mélissandre avait le droit – comme tout à chacun – à ses moments.

- Allé, viens ! Promis je jetterais ce t-shirt ! Dit-il en tendant une main à Melissandre, continuant de faire croire que le vide de la jeune fille découlait seulement d’un simple textile, mais Dorian n’était pas bête, loin de là et rien ne serait plus revigorant que de redresser le sourire de la rouquine avant un long voyage. Après que Melissandre ait accepté de le suivre hors de la chambre, Dorian reprit la parole ;

-T’aurais-je filé le cafard ?

Si il lisait dans les pensées ? Bien sûr que non, bien que parfois il voudrait bien que ce soit le cas pour calmer ses pics de curiosité. Malgré cela, Dorian n'avait pas à poser d'autres questions pour connaître les pensées de Mélissandre, elle les révéla tout simplement.

Un frère, voilà quelque chose de nouveau, Mélissandre avait un frère et elle n'en avait encore jamais parlé, mais Dorian ne pouvait pas lui reprocher cela puisqu'il en avait fait tout autant, et puis Mélissandre était libre de faire partager son histoire comme bon lui semblait. Un frère jumeau, séparé par une mère effrayé et sûrement cloîtré dans ses idées bien peu originales. Dorian écoutait attentivement, il en apprenait un peu plus sur son amie, une amie dont-il connaissait bien peu de choses, mais cela semblait s'arranger petit à petit.

- Oui, d'ailleurs continu de ne pas vouloir y aller ! Dit-il même si ces paroles pouvait paraître des plus ridicules puisque Mélissandre était à Rédemption, incognito certes, mais elle y était. En plus, le directeur fait des trucs bizarres...mais c'est une autre histoire ! Revenons-en à toi !

Enfin, il connaissait la véritable raison pour laquelle Mélissandre avait débarqué à Birdsall avec son père, un père qu'elle avait l'habitude de mentionné par un prénom, pourquoi ? Une chose de plus que Dorian ignorait. Alors qu'il avançait paisiblement dans le couloir en compagnie de Mélissandre, il s'interrogea sur l'histoire de la rouquine.

- Et tu n'as jamais essayé de reprendre contact avec ton frère ? Demanda-t-il, ce disant que peut-être elle devait ignorer où vivait son frère en ce moment même. Il s'imagina quelle sensation cette séparation pouvait-être peu agréable dans une vie, et en plus pour des jumeaux qui – d'après nombreux dires – devaient avoir un lien beaucoup plus fort qu'entre de 'simple' frère et/ou sœur.

Dorian n'avait jamais imaginé que Mélissandre avait vécu un tel fait, son humeur constante ne laissait paraître aucune souffrance du passé, elle semblait avoir une vie en rose...mais tout le monde sait bien qu'il est impossible d'avoir une vie parfaite, sans défaut, sans imperfection. Paraît-il que dans ce cas, la vie serait ennuyeuse à mourir.

- Peut-être que lui tente de son côté de prendre contact avec toi ! Qui sait !

Qu'en pensait-il ? Dorian réfléchit un moment, avançant d'un pas peu précipité. Que ferait-il à la place de Mélissandre ? Certainement la même chose qu'en ce moment. Cependant, Mélissandre ne semblait avoir aucune idée où pouvait se trouver son frère, ce qui rendait la question un peu plus difficile. D'ailleurs Melissandre le disait bien, elle ne savait pas par quoi commencer, créant un bref rictus sur les lèvres de Dorian.

Que ferait-il à cette place que Melissandre occupait ? Une seconde fois, Dorian se posa la question car dans l'immédiat rien ne lui venait en tête. Il n'allait tout de même pas se contenter de dire qu'il ne saurait pas quoi faire. Melissandre avait su répondre lorsqu'il lui avait demandé son avis. La laisser dans le vague ne serait certainement pas respectueux. Surtout envers Melissandre. Alors, Dorian se secoua les méninges, comme si cela était anatomiquement possible.

- Peut-être que tu devrais commencer par la base d'informations la plus proche et la plus sûr que tu ais ! Commença Dorian, avant d'être un peu plus clair. Ton père ! Ce pourrait être un début, peut-être qu'il sait quelque chose ! Aprés tout, c'est son fils ! Il doit certainement ressentir un manque...ce qui est normal !

Ainsi, il avait prononcé une réponse, celle qui lui semblait des plus utiles, mais peut-être que Melissandre en avait déjà parlé avec son père et que cela n'avait pas arranger grand chose à l'affaire. Dans ce cas, Dorian ne saurait quoi ajouté de plus si ce n'est une recherche de base sur internet, aprés tout, internet regroupe un tas de personne; diplomé, membre d'un site...il suffirait de taper un prénom et un nom, de s'accorder quelques minutes de patience et peut-être finir par obtenir un résultat des plus réjouissant...mais aussi des plus stressant.

- Ensuite, tu as...une bonne dose de patience et d'espoir ! Ajouta Dorian, doutant que ce qu'il avait tenté d'apporté à Melissandre ne suffise pour la guider. Si Melissandre avait un frère, Dorian se demanda alors à quoi il pouvait ressembler, certainement avait-il des aires de Melissandre puisqu'ils étaient jumeaux...ou peut-être était-ce tout le contraire. Quoi qu'il en soit, Melissandre ne devait pas abandonné si vraiment le fait de revoir son frère était une chose qui lui tenait à coeur, d'ailleurs Dorian se permit de lui en faire la réflexion avec un petit sourire en coin.

- Mais ne lâche rien ! Sinon, c'est moi qui viendrait te tondre les cheveux en pleine nuit !

Avoir un frère ou une soeur, petit ou petite, grand ou grande, cela importait peu. Ce qui était important c'est d'en avoir un ou une et de plus si le lien était aussi fort qu'une chaîne d'acier. L'important c'était qu'il ou qu'elle soit là, proche ou loin dans le pire des cas. Melissandre se devait de connaître cette chance d'avoir un frère, même si cela n'allait pas être facile, une fois qu'elle le retrouvera, elle ne regrettera certainement pas...sauf si - bien évidemment - le pas de bol s'en mêle.

Le couloir allait bientôt touché à sa fin, encore quelques mètres à parcourir et il serait l'heure de se séparer.

Commencer en en parlant avec Isaac n'était, en sois, pas une si mauvaise idée. En fait, je serais certainement amenée à le faire un jour ou l'autre. Mais je n'avais jamais osé aborder le sujet directement, toujours en usant de détours, d'un fil conducteur. Jamais encore, je n'avais demandé clairement quelque chose à Isaac. Les seuls renseignements que j'ai pu avoir me viennent de ma mémoire ou alors, dans de rares cas, parce qu'Isaac m'en à lâché dans ses pensées, sans toute fois être réellement précis.

Isaac ? Ressentir un manque ? Possible. En fait, ce serait tout à fait logique. Mais non, il n'y pensait pas tant que ça. Du moins, pas quand j'étais en mesure de l'entendre. Souvent, il pensais à des choses banales, ou bien à moi. Il se faisait du soucis à mon sujet. Pourquoi ? Eh bien parce qu'il avait peur que moi et mon caractère de mule, on décide de faire quelque chose de déraisonnable. Il avait peur que je ne parvienne jamais à contrôler ces flux de pensées et que j'en devienne folle. Tout cela, je l'avais entendu. Et bien plus encore.
Mais jamais encore il n'avais songé à Armand comme un membre manquant. Ou sinon, il ne semblait le voir que comme un être qui avait quitté notre vie aussi rapidement qu'il y était entré, sans avoir laissé sa trace. Et pourtant, il en avait laissé une. Et cette trace, elle s'inscrivait dans mon histoire, sur mon visage, jusque dans mon nom. Cléo.

Oui. Internet... Ce n'était pas idiot du tout. Bien que l'informatique et moi ce ne soit pas une union aussi forte qu'avec mes bouquins, je savais me débrouiller. Isaac, de par son métier, avait besoin d'internet. Alors évidemment, il avait un ordinateur portable que je qualifierais de "cabossé" pour ne pas dire "au bord du gouffre". Celui-ci était vieux et Isaac n'avait jamais pris la peine de le changer. Alors sans doute serait-il un peu lent.. Mais ça fera l'affaire.

Je voyais le bout du couloir venir et les pensées de Dorian s'évader.

- Merci, Dorian. Quand tu reviendra, j'aurais trouvé quelque chose ! Je te le promet.

Je le gratifiais d'un sourire radieux comme je ne lui en avais pas offert depuis un petit moment déjà. Ma manière de lui souhaiter tout ce qu'il y avait de bon. Ma manière de lui demander de revenir entier et joyeux.

- J'attends de tes nouvelles !

Je lui donnais un coup de poing aussi fort que je le pouvais sur son épaule dans une attitude amicale. Il me manquerait, à coup sur. Et je devrais faire en sorte de trouver quelqu'un pour remplir mon ennui et me faire oublier mes inquiétudes.

D'un simple geste de la tête, il acquieça. Donner des nouvelles, il lui avait promit, donc il le ferait, même si le temps devait lui manquer. Le coup de poing amical sur l'épaule ne laissa une légère douleur qui s'atténua rapidement, c'est qu'elle avait de la poigne Melissandre mine de rien. Un dernier sourire, puis Dorian continua son bout de chemin.

A présent, il n'avait que lui pour compagnie et ça durant quelques heures de bus et de train. Il avançait donc dans quelques couloirs et escalier de Rédemption jusqu'à atteindre la cour de devant qui était toujours aussi morbide. Le bruit de pas sur les graviers, au loin l'immense portail noir qui allait le laisser passer. Dorian accéléra le pas, comme si on pouvait encore lui interdire de retourner chez-lui. Une fois le portail passé, plus rien ne pouvait le retenir, plus rien ne pouvait le faire revenir sur ses pas. Il continua d'avancer jusqu'à atteindre l'asphalte de la route qui connectait Rédemption aux mondes extérieurs. Une petite marche en direction du prochain arrêt de bus, celui situé à Birdsall même. Une petite demi-heure tout au plus.

Le dernier bus fera l'affaire. Direction la gare pour le prochain train, puis le reste se décidera au moment venu. Assis sur le banc de l'arrêt de bus, Dorian attendait patiemment que la bus arrive sans retard si possible. Le regard dans le vague, il ne pensait plus à rien, ainsi le temps pouvait passer plus vite. Un bruit de moteur, une ombre. Il était enfin arrivé. La gare, déjà, un peu perdu mais ravi d'être déjà ici. Des absences, toujours ces absences qui avait le dont de le couper d'une partie de la réalité. Des nuages dit-on. Une vague de pensées, une vague de gens aussi. Tous agités, bousculés, précipités. Drôle de spectacle. Un horaire, un quai et une nouvelle attente, cette fois beaucoup plus longue. La nuit. Toujours seul, mais pas pour longtemps. Quelques souvenirs en pagaille et d'indestructibles croyances.

Le grincement du train sur les rails, enfin. Nouveau voyage pour une destination non-inconnue, mais pour une finalitée qui - elle - restait en suspend.

FIN