Entre retard et charme... [ PV : Elliot Dimbourg ]

Asami avait prit un bus pour Londres, cherchant ses dernières économies. Elle avait pris soin de s'habiller pour être présentable, elle profitait des instants où elle avait la chance de sentir parfaitement l'absence d'Abbigail. Elle passa devant l'hôpital avec une petite grimace de dégout. Les hôpitaux, elle ne pouvait pas les supporter. Trop de choses horribles là-dedans. Quoique, à côté des asiles dans lesquels elle avait fait des séjours, c'était le paradis. Ainsi, la jeune adulte s'arrêta une seconde pour observer le bâtiment, d'un œil curieux et au bout de quelques minutes sans bouger et à laisser le peu de vent caresser son visage et faire flotter ses cheveux, elle remarqua que quelqu'un la dévisageait.

Le garçon, plus jeune qu'elle, attendait du même côté de la rue, guettant un taxi qui n'arrivait pas, visiblement. Dès qu'elle eut remarqué qu'il la fixait, celui-ci baissa la tête nerveusement. Elle ne pu s'empêcher de sourire, sourire qui fut très tôt anéanti par la sensation qu'Abbi n'était pas loin. Bon, tant pis, elle avait besoin de faire des rencontres, c'était le moment où jamais de mettre le paquet. Elle marcha sans se presser jusqu'au garçon qui la regardait du coin de l'œil.

« Excuse-moi, saurais-tu où se trouve la gare, je ne suis pas du coin, et je dois m'y rendre assez vite... »

Elle accompagna ses mots d'un grand sourire poli, découvrant ses dents blanches. Elle était loin de l'hypocrisie, mais elle avait quand même un peu peur d'en faire trop... Elle prit alors un air un peu gêné, et inquiet. Les cours de théâtre lui avait bien servit, au fond.

Son interlocuteur sembla tout de suite accrocher à ses propos, comme si tout l'air coupable qu'elle affichait au fond des yeux n'avait aucune importance. Abbi ne se manifestait pas encore, Asami trouva cela un peu étrange, mais, incapable de se rappeler de toute les fois où son « double » prenait possession de sa vie, elle ne préféra pas y porter attention, de peur de l'attirer.

Voyant que le garçon ne répondait pas, qu'il réfléchissait, et donc qu'il ne la regardait pas, ou qu'il ne lui portait pas grande attention pour le moment, elle se replongea dans la contemplation du grand bâtiment massif. Il venait de là lui aussi ? Elle le détailla. Il ne semblait pas sortir de l'hopital, pourtant, il n'avait pas vraiment l'air de sortir d'une quelconque maladie, si ?

Temps maussade, journée pourrie en perspective. Elliott avait fait son sac depuis une bonne heure déjà et attendait dans sa chambre l'heure pour partir. Son taxi ne devrait plus tarder, aussi avait il prit soin de tout préparer.
Assit sur son lit, il toucha par accident le matelas beige. L'image de patient en train de se vider de son sang apparut sous ses yeux et il s'empressa de se lever dans un sursaut. Il n'avait pas fait attention. Il devait faire attention. Toucher quelque chose était dangereux pour lui ... Il ne devait pas. Ou alors, devait se concentrer pour ne pas que ça arrive. C'était un accident, voilà tout. Juste ça. Les battements de son coeur redoublèrent d'ardeur quand l'interne vint le chercher. Il s'attendait à voir son s*laud de père mais personne ne venait le chercher. On lui dit qu'il prendrait le taxi seul, jusqu'à la gare et qu'une fois sur place, une place lui avait été réservée dans le train pour Redemption. Drôle de nom pour un centre non ? Un pensionnat pardon. Bien qu'un asile pourrait admirablement bien porter ce nom morbide.
Dans un soupir, le jeune homme saisit son sac qu'il mit sur l'épaule et sortit de la pièce. Il ferma la porte et au contact de la poignée, vit de singulière scène. Des médecins, hommes en blouse blanche, prévenir de la mort de quelqu'un ou au contraire, de la vie ...

*Je hais ce ... "don" !*

Il rendit la clef de sa chambre et sortit de l'hôpital mollement. Son père avait déjà tout réglé, il ne lui restait plus qu'à prendre son taxi ... Véhicule qui n'était pas là ! Il posa son sac à ses pieds et croisa les bras sur son torse. Un petit vent souffla et fit voleter ses mèches "blondes" ... Ou châtains clair ! Ses yeux bleus parcoururent le trottoir et il aperçut à côté de lui une jeune femme très belle de type asiatique. Il baissa les yeux en croisant son regard.
Il n'avait pas spécialement envie de parler pour l'instant. Pourtant, elle s'approcha de lui et demanda où se trouvait la gare. Dans un haussement d'épaule, le garçon releva la tête puis posa son regard sur la jeune femme qui semblait plus vieille que lui.

« Désolé, aucune idée. »

Elliott aurait put rajouter "J'suis pas d'ici" et ainsi engager la conversation mais s'abstint. Il tourna de nouveau le regard vers la route. Il ne cherchait pas le contact mais le fuyait. Les gens sont trop naïfs pour croire que le monde est une belle forêt enchantée pleine de fleurs, de joie et de rire. Dans un soupire, il ne vit pas son taxi arriver. Et celui ci semblait bien décidé à être en retard, alors il eu un petit sourire en coin et reporta son attention sur la jeune femme.
Son sourire en coin ne lui était pas destiné, simplement, il rendait une touche joyeuse sur le visage du jeune homme, à défaut de grand sourire. Ses yeux très expressifs malgré tout s'arrêtèrent sur la jeune femme. Il reprit d'une voix plus convaincante.

« Moi aussi je vais à la gare. Sinon, tu peux venir avec moi en taxi. »

Asami sentait parfaitement qu'elle dérangeait. Pourtant, elle s'obstina, luttant plus contre Abbi que contre le silence entre elle et le garçon. Elle murmura en japonais qu'elle était bête, mais il ne dut pas entendre, ou au moins pas comprendre. Lorsqu'il lui proposa de prendre le même taxi, elle fit mollement « non » de la tête avec un air de chien battu.

« Je te remercie infiniment de ton offre, mais je n'ai pas les moyens de me payer un taxi, en fait, je suis totalement à sec. »

Dit-elle avec un sourire, amusée de sa propre situation. Sa politesse la tuerait. Elle aurait très bien s'étrangler avec un « Désolé », un « Pardon » ou encore un « Merci infiniment »... Elle faisait très naïve, limite stupide, mais en réalité, elle était extrêmement critique sur elle-même et pesait le poids de chaque mot, avant de le prononcer. Parfois elle les évaluaient mal, mais bon, personne n'est parfait.

Elle se savait dangereuse pour les gens, du fait de sa double personnalité quelque peu « dérangeante », dirons-nous. Alors, elle évitait d'aller vers les gens, souvent. Mais là, elle avait sentie qu'au fond d'elle ce garçon avait quelque chose... Quoique l'instinct d'Asami laisse souvent à désirer, il pouvait parfois se montrer très juste.

Elle eut un petit rire nerveux tout en penchant la tête sur le côté, attrapant sa valise au passage. Elle s'inclina dans un petit salut qui n'était pas du coin, il fallait l'avouer et qui déclencha un regard étrange chez le garçon.

« Je vais bien finir par trouver quelqu'un qui pourra m'indiquer le chemin, j'espère. Je te remercie encore, bon voyage si tu te rends également à la gare, peut-être que nous nous recroiserons... »

Elle fit quelques pas dans la direction opposée au garçon, cherchant vaguement des yeux quelqu'un qui pourrait lui venir en aide, mais c'était désert. Alors, elle sentit qu'on lui attrapait le poignet. Un frisson désagréable la parcourut entièrement.

Pas grave, de toute façon, j'suis pas pressé.

Merde !

Viens dans le taxi, j'ai de l'argent, je peux te le payer; De toute façon, je te laisse pas le choix !

*Qui est cette fille qui me ressemble ? Une jumelle ?*

Asami avait dix ans lorsqu'Abbi s'était manifestée. Au départ, elles étaient en tout points similaires et puis avec le décès accidentel de la meilleure amie d'Asami, il y eut un déchirement à l'intérieure d'elle même, et Abbigail devint ce que le destin lui traçait. D'ailleurs, le décès de la petite... Non ! Il ne fallait surtout pas y penser. Elle avait fait une mauvaise chute dans les escaliers du l'école, c'était tout. Asami revint doucement à la réalité, un peu comme la plume qui chute dans la rue et qui se pose doucement sur le trottoir - avant de se faire sauvagement piétiner, me direz-vous.

Ainsi, lorsqu'elle fut totalement consciente, elle était dans le taxi, et il avait démarré. Elle détestait avoir des absences, mais cette fois, elle le savait, ce n'était pas Abbi, elle pétait juste les plombs. Rassurant. Elle remercia encore « infiniment » le garçon, cette fois avec un retard certain et se mit à regarder la ville défiler devant elle. Dans quoi s'était-elle encore embarquée ? Pourquoi avait-elle cette impression bizarre lorsqu'elle était avec ce garçon ? Elle haussa les épaules intérieurement - ou se fut Abbi - puis elle se retourna vers celui qui lui avait empêché un retard certain.

« Au fait, mon prénom c'est Asami ! »

Elle émit un petit rire joyeux tout en souriant de la même façon, trait qui fut en plus accentué par ses origines et les traits de son visage. Asa rayonnait et en cela, elle se sentait parfaitement bien.

« Je suis japonaise, mais ça fait longtemps que je vis à Belfast. »

Elle souriait toujours, les yeux plissés et d'un coup elle se reprit, son sourire s'effaça : elle sentait Abbigail, elle l'entendait. Cela l'a torturait, comme à l'habitude. Elle eut une petite grimace de douleur, qu'elle fit passer pour tout autre chose...

« Mais, ça ne se fait pas de raconter sa vie, comme ça... »

Elle tourna vite la tête vers la fenêtre alors qu'une larme de douleur coulait sur sa joue. Elle l'essuya avec toute la froideur qui émanait d'elle, Abbi était presque là. Non, non, il ne fallait pas, elle avait peut-être une chance de se faire un ami ! Il ne fallait pas, mais alors pas du tout qu'elle débarque maintenant... !

« En plus, je dois te déranger. Je ne cherche pas à me faire plaindre, hein... »

Abbi se tut. Comme si les quelques mots de la jeune fille l'avait calmée. C'était cela, juste « je ne cherche pas à me faire plaindre », c'était exactement ça qu'Asa avait tendance à faire, souvent, qu'Abbi détestait, alors, elle l'avait calmée en lui donnant ce qu'elle voulait ? Étrange, étrange...

Elliott. Ah, tu es Japonaise ? Belfast ? Je n'y suis jamais allé ! Moi je suis français.

Ca va ? Tu veux que j'ouvre la fenêtre ?

Tu permets ..?

Abbigail ... Tu es deux n'est ce pas ...

Dès qu'il l'eut lâchée, elle lui rattrapa le poignet. Étrangement, elle ne ressentit pas cette sensation qu'il lui avait procuré, déjà deux fois. Elle jeta un œil vers le chauffeur du taxi, une vitre les séparait. Parfait. Elle ne desserra pas sa pression sur Elliott. Il l'avait touchée à vif, il lui faisait mal. Abbigail...

« Je suis Asami. Je dois me prouver que j'existe. »

Elle sentait l'autre grandir en elle, la ronger, la détruire. Elle paniqua.

« Aide-moi. »

C'était déjà trop tard. Son impression faciale de douleur se mua en une froideur peu croyable. La respiration forte et rapide d'Elliott qui paniquait peut-être à son tour - elle sentait son pouls entre ses doigts gelés - provoquait une légère brume, de petits nuages de vapeur. L'humidité de l'habitacle condensé sur les vitres se mua en fine pellicule de givre. Le changement s'était fait de façon discrète, muette, un changement radical pour ces deux êtres, ou cette seule jeune femme...

« Personne ne peut la sauver, personne ne peut nous sauver. »

Lorsqu'Abbi parla, d'un ton tellement glacial qu'il sembla que la terre entière frissonna, seule ses lèvres bougèrent. Aucun autre de ses muscles du visage ne fut dérangé, ainsi, lorsqu'elle se tut et laissa reprendre le silence, seule sa poitrine se mouvait au rythme de sa respiration à présent calme, contrôlée.

« Je suis elle. Elle est moi. C'est ainsi. »

Qu'était Abbi ? Elle essayait de se convaincre de son existence, du fait qu'elle n'était pas qu'une infime partie d'Asami. Au fond, elle avait raison, elle était sa moitié. Petite, après la rupture, Asa avait dû développer une partie qui rêvait de liberté, de pouvoir, de puissance, de tout ces sentiments, ces désirs qui poussent au... Non. ce n'était pas Abbigail qui avait poussé la petite enfant dans les escaliers. Ce n'était pas elle qui craignait qu'elle révèle un secret, qu'elle court dire à ses parents que dans le corps d'Asami, elles étaient deux.

« Qu'espères-tu ? La comprendre ? La libérer ? En ayant conscience que pour cela, la seule solution serrait de la détruire ? Asami ne peut pas vivre sans moi. »

Abbigail fixait la vitre teintée avec une attention presque crédible. Elle était figée dans la glace. Une glace plus intérieure, une glace qui lui reflétait ce qu'elle était, ce qu'elles étaient. Elle était la seule personne qui pouvait réellement faire du mal à Asami, car le seul mal qu'on pouvait lui faire, c'était de l'obliger à vivre, de l'obliger à accepter qu'elle n'était pas seule. Ce n'était pas une schizophrénie classique.

« Nous sommes deux, certes, mais nous ne formons qu'un. »

Elle articulait fortement, sa mâchoire se crispait de temps en temps. Avec le froid, et son sentiment de mourir, elle ressemblait un peu à une poupée de porcelaine, figée dans le temps...

Le jeune garçon serra les dents à partir du moment où elle lui saisit le poignet. Il les serra si fort que sa mâchoire se mit à le brûler. La jeune femme était torturé entre deux êtres, il ne pouvait pas la savoir si fragile. Il était innocent. Ce n'était pas sa faute. Comme à la mort de sa mère. Il n'avait rien fait. Innocent ... Une douleur insupportable le prit à la tête. Il eu le réflexe de tenter de se dégager. Mais en vain. Il n'avait qu'une impression: ses forces qui le quittaient.
Son pouls s'accéléra dangereusement. Très dangereusement. Il entendait cependant, en plus des battements résonnants de son coeur, la voix lointaine de la jeune femme. Les sauver ? Ne pas comprendre ? Ne former qu'un ? STOP ! Suffit ! Il n'avait qu'une chose en tête, briser le contact. Chaque chose difficilement supportable était une torture mentale et physique pour le jeune homme. La double personnalité de la jeune femme s'emparait de lui, il ne pouvait lutter. C'était affreux et cela semblait durer une éternité. Ses doigts se crispèrent sur le siège et de la sueur perla de son front. Un froid mordant envahit l'arrière du taxi, ce qui eu pour effet de brûler d'avantage le crâne du garçon. Arrêter ... Tout arrêter. Il tenta de parler mais aucun son ne sortit de sa voix. Il jeta un regard affolé sur la femme à ses côtés, elle ne regardait pas en sa direction. C'était comme une mort silencieuse, ou personne ne vous voit ou vous entend.
Il tourna ensuite la tête brutalement vers la fenêtre, dans l'espoir d'avoir un peu d'air pour respirer. Rien du tout. Aucun courant d'air, seulement ce froid insupportable et cette vision qui ne le quittait pas. Des escaliers, une chute, un enterrement, Asami -ou Abbigail ?- souffrant le martyr en elle même. Puis au milieu de tout ça, la mort de sa mère, le pistolet au sol, les pages qui se déchirent. Au dehors, la vie allait paisiblement, au dedans, rien n'était comme avant. Les immeubles, bâtisses et arbres dansaient dans un grondement effroyablement impressionnant. Ou peut être était ce la tête du jeune homme qui bourdonnait ainsi. Sa tête bascula sur le côté. Ses yeux était ouverts mais il ne voyait rien, que du blanc. Un blanc totalement pur et effrayant. Il leva le bras et le posa sur le bras de la jeune femme pour lui faire tourner la tête. Conscient des risques qu'ils prenait en faisant ce geste, c'était le seul moyen de lui éviter de nouveau l'hôpital.

« Rompre ... Le ... Contact ... »

Murmura-t-il entre deux étouffements. Il se mit ensuite à tousser, puis eu une sorte de spasme contrôlé qui le fit basculer en avant, mains sur les genoux, tête baissée. Il avait chaud. Très chaud. Trop chaud, il étouffait. Sa respiration sifflante et ses muscles crispés ne faisaient qu'accentuer la douleur. Il se laissa retomber en arrière. Cela faisait une éternité qu'il souffrait non ? Aïe.
Sa tête bascula de nouveau, côté 'jeune fille' cette fois, ses cheveux suivirent le mouvement, ses yeux se fermèrent docilement et là, ce fut tout noir. Floue autour de lui puis noir. Un bourdonnement extérieur lui parvenait. Surement la voix d'Asami. Mais rien d'autre. Ses yeux devait être clos. Son esprit totalement ailleurs. Il avait mal aux poumons, et ne respirait que très faiblement. Il devait juste rompre le contact ... Mais était 'partit' avant de l'avoir fait !

Abbigail tourna lentement la tête. Sur le coup, elle ne comprit pas ce qu'il se passait, mais après une seconde passée à observer le garçon qui n'était pas vraiment dans un état enviable, ses muscles se contractèrent, elle eut un sursaut, elle lâcha sa prise. Peut-être aussi que ce fut sa peau brûlante qui la fit réagir. Elle se recula d'un coup, de cognant la tête contre la fenêtre par la même occasion. Qu'est-ce qu'elle avait fait ? Qu'est-ce qu'Abbigail avait encore fait ? Non...

« Putain ! » Lâcha-t-elle, toute grâce et féminité perdue.

Puis elle prit la fuite – psychologiquement parlant – et Asami revint à elle, luttant pour garder ses souvenirs, mais ce n'était pas sa plus grande préoccupation. Elle fut tenté de chercher le pouls du jeune homme, mais elle évita tout contact, se contentant de rester seulement « très proche ». Ainsi, elle était là, dans ce taxi, avec ce type à peine vivant. Dans le genre catastrophique... En plus, ils devaient approcher de la gare, alors, qu'allait-elle faire lorsqu'ils devraient sortir du véhicule, qu'allait-elle dire ? Elle se retint de paniquer, ce n'était pas vraiment le moment. Elle inspira profondément, elle pensait comprendre vaguement ce qui arrivait au garçon, il avait du capter les pensées négatives du changement, et d'Abbi. Pas bon. Pas bon du tout. Est-ce que lui aussi avait un don ? Oui... Sinon, comment aurait-il comprit ce qu'il se passait dans sa tête. Éviter tout contact...

« Elliott ! Elliott !, insista-t-elle. Elliott, je t'en prie... »

Évidement, il ne répondit pas. Asami devait faire quelque chose, n'importe quoi. Elle posa sa main encore glacée d'Abbi sur son front lui brûlant et la retira aussitôt. Elle entrouvrit la fenêtre, attrapa un vêtement dans sa valise – qui s'avérait être un T-shirt – le mouilla avec le reste de sa bouteille d'eau et le posa délicatement sur le front du garçon, en évitant soigneusement tout contact direct. Un peu d'eau, un peu d'air... Était-il encore avec elle, là ? Elle ne savait pas trop, elle le voyait vaguement respirer, mais elle n'était pas sûre, sa vue était embrouillée par ses larmes d'inquiétude. Elle calma tout son être, infligeant le mutisme forcé à celle qui lui servait de double, de conscience ou de maladie. Elle ferma les yeux, emplit ses poumons d'air.

* Penser positif, penser positif... *

Il fallait qu'elle se décide, elle tremblait. Est-ce que quelque chose comme ça pouvait marcher ? Et si elle aggravait les choses ? Non ! P.O.S.I.T.I.F. ! Ainsi, elle posa sa main sur celle d'Elliott, avec une lenteur qui la troubla elle même. Non, il fallait rester concentrée, rester dans le positif. Elle pouvait le faire, elle le savait. Asami ne voulait pas qu'il lui meurt entre les bras... Pas encore. Elle fredonna une chanson, une vieille chanson qui datait de son enfance. Peut-être que de bons souvenirs ainsi pourraient le ramener ? Elle avait peur, peur de lui faire du mal. Elle hésita plusieurs fois à enlever sa main, mais elle se retint, glissant ses doigts entre ceux du garçon. Elle gardait un sourire serein affiché au visage, le taxi se mit à ralentir...

Merci ... Asami. Je suis désolé. Vraiment, désolé ...

Je te ferais voyager si tu veux ... Dans ton histoire préférée ... J'ai une dette envers toi ... Merci ...

Asami ne put s'empêcher de sourire. Il s'excusait, c'était la meilleure... Le taxi ralentit encore plus. Le chauffeur devait probablement chercher à se garer. N'y avait-il pas toujours de la place pour des taxis ? Asami s'en fichait après tout. Elle était bien là. Tant qu'elle gardait le contrôle, ça allait. Cependant... Il fallait bien qu'ils se quittent, non ? Elle ne voulait pas.

« C'est moi qui te remercie. Je sais maintenant que je peux prendre le contrôle. Enfin, pas seule. »

Elle hésita un moment sur les derniers mots. Comme si ceux-ci refusaient de sortir, pourtant, c'était vrai, comment aurait-elle pu y arriver, sans son malaise, hein ? Quoique, non, elle se trompait, elle n'avait pas reprit le contrôle, c'était Abbi qui lui avait laissé. Mais... Bizarre cela, en à peine une demie-heure, ils étaient devenus proche. Alors qu'il n'osait pratiquement pas la regarder, au départ. Cette pensée la fit sourire. Elle souriait beaucoup, en fait. Enfin, pas tellement, mais depuis un petit moment... Ah... Elliott. Il lui avait peut-être sauvé la vie, lui avait donné une raison de se battre, de l'espoir.

« Tu vas à Rédemption toi aussi, n'est-ce pas ? »

Elle savait, elle savait sans le savoir, sans se l'avouer. Et pourtant. Il fit un vague « oui » de la tête. Alors, s'ils étaient partis pour passer encore un petit bout de temps ensemble, si le taxi était arrêté, pourquoi aucun d'entre eux ne se décidait à bouger, à rompre le contact précédemment si douloureux ? Ce n'était pas explicable.

Asami n'avait pas lâché sa main, il ne s'en était pas plaint. Elle ne trouvait pas raison logique à rester là, mais elle ne trouvait pas la force de partir. Stupide. Au fait, comment lui pourrait savoir qu'elle même y allait, à Rédemption, s'il ne l'avait pas vu au fond d'elle ? De son autre main, elle claqua des doigts, se poussant de toutes ses forces à contrôler son pouvoir et, en effet, une jolie flamme rouge-orangée vint se consumer entre ses doigts fins. Elle n'avait pas mal, cela ne la brûlait pas. Heureusement, d'un côté. Asami pensa qu'Elliott ne fut pas tellement surprit de cette « révélation ». Elle aurait voulu formuler avec des mots qu'elle ne voulait pas le quitter, tout simplement, mais si elle le disait ainsi, ça pouvait paraître étrange, précipité, et gênant aussi. Asami était facile à gêner, il ne lui fallait pas deux secondes pour s'empourprer totalement.

« Bon, z'êtes arrivés, hein ! »

Le chauffeur s'impatientait, visiblement. Seulement, même cela ne les fit pas bouger. Ils sortaient tout juste d'une crise – limite existentielle – et ils n'avaient pas le droit de respirer une seconde ? Elle aurait pu se mettre en colère, mais à la place de cela, Asami lâcha un petit rire. Un de ces rires cristallin qui font rêver, qui respirent l'innocence. Puisque c'est ce qu'elle était, innocente, malgré le haut de ses dix-huit ans.

Purée, le nombre de gens qui vont dans ce train ! D'ailleurs ... C'est quoi cette épave ?!

On se revoit là bas !!

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